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« L’argent » est un roman d'Émile Zola (1840-1902), publié à Paris en feuilleton dans le Gil Blas de novembre 1840 à mars 1891, et en volume chez Charpentier en 1891.

 

L'idée originale du livre, dix-huitième de la série des Rougon-Macquart, était celle d'un récit sur la débâcle politique du second Empire. Puis le projet d'un roman sur la Bourse s'impose et se nourrit de souvenirs plus ou moins proches: d'abord celui du financier Mirès et des frères Pereire dont la chute se produisit sous le règne de Napoléon III, respectivement en 1861 et 1866-1867. Plus près du moment de la parution, il y a aussi l'affaire de l'Union générale, banque catholique créée par E. Bontoux et qui s'effondre en 1882. Le canevas tourne assez rapidement à l'épopée; et il lui faut un décor que Zola met en place grâce à la lecture d'un ouvrage d'E. Feydeau sur les milieux financiers, une visite à la Bourse et divers renseignements, obtenus par exemple auprès d'E. Fasquelle.

 

Parmi les boursiers et les spéculateurs attablés, Aristide Saccard attend l'âme damnée de son frère Eugène Rougon, qui ne veut pas vraiment l'assister dans ses projets. On découvre aussi d'autres personnages: le Juif Gundermann, puissance tutélaire de la Bourse, la baronne Sandorff, joueuse invétérée, la Méchain qui prospère dans les faillites douteuses, l'affairiste Busch qui récupère brutalement créances et impayés tout en protégeant son frère Sigismond, socialiste utopique ennemi de l'argent (chap. 1).

 

Saccard a loué une partie de l'hôtel d'une princesse philanthrope. Il devient l'ami de l'ingénieur Hamelin et de sa seour Caroline. Il va utiliser les ambitions du premier tandis que la seconde se donne à lui. Il y a aussi les Beauvilliers, voisines nobles et ruinées qui joueront leur va-tout sur les projets de Saccard (2).

Saccard crée la Banque Universelle: il s'agit, contre l'argent juif, de susciter une grande entreprise catholique qui saura vider les bas de laine des bien-pensants. Saccard s'entoure de l'agent de change Mazaud, du spéculateur Daigremont, d'autres encore, Bohain, Sédille et Kolb (3).

 

L'entreprise commence bien: Saccard tient bien ses affidés, répond aux solliciteurs et agioteurs inquiets dont la baronne Sandorff, les Beauvilliers et même un garçon de bureau; il croit sincèrement au succès et aux bienfaits de son action, mais Busch veut exploiter contre lui une vieille dette liée à un enfant naturel, Victor. Caroline fait écran entre eux. Pendant ce temps, la réussite semble se confirmer, par le biais notamment d'augmentations de capital et d'articles orientés grâce auxquels Saccard fait monter les cours de son action (4-6).

 

Il a aussi des affaires de coeur avec la baronne Sandorff ou avec une courtisane de haut vol. Il croise enfin les plus grands personnages dans les salons, dont Bismarck (7-8).

Malgré certains succès, des bruits inquiétants se font entendre. Sous un prétexte, Saccard se rend chez Busch qui poursuit un jeune écrivain ainsi que les Beauvilliers. Ses ennuis financiers, après une première victoire à la Pyrrhus, vont s'aggraver brutalement et aboutir à une catastrophe générale. Les associés se dispersent, l'agent de change se tue, Victor viole la fille des Beauvilliers. Mais Saccard veut monter une nouvelle affaire et il y a en lui une force qui lui permet d'espérer (9-12).

 

Ductile, malléable, levier neutre et puissant de toutes les intentions humaines, l'argent présente des aspects ambigus qui animent et différencient les personnages du roman. Il y a ceux, d'abord, pour qui l'argent est mauvais par principe, comme le frère de l'usurier pour qui "toutes nos crises, toute notre anarchie viennent de là [...]. Il faut tuer, tuer l'argent". Mais il y a surtout ceux qui le gèrent et s'en nourrissent, dans la grande jungle financière de la Bourse: Gundermann, milliardaire, dyspeptique et Juif (même si cette donnée "rapetisse" tout, selon Zola), joue froidement la logique financière, tandis que Saccard, jouisseur ambitieux, "capitaine aventurier", spécule, gagne et perd à l'excès. Sur le plan d'une morale économique simple, ce jeu est dangereux parce qu'il est illusoire, par opposition à l'argent sain du travail et de l'épargne. Saccard ruinera ceux qui lui ont fait confiance et l'on pourrait en ce sens le considérer comme un escroc. Mais, d'un autre côté, il est aussi un idéaliste qui sauve la mise d'un jeune écrivain et lance ses clients dans des rêves de colonisation de l'Orient catholique! Tout ce progrès par l'argent, Saccard finit par y croire en s'intoxiquant des illusions qu'il diffuse. L'argent prend alors une dimension mythique, à la fois complexe et structurante. A un premier niveau, il est le symptôme des réussites et des échecs, sous forme de bénéfices et de dettes. Il est aussi l'instrument de l'action, de l'entrepreneur qui en fait le nerf de sa guerre. Mais il est encore, au-delà, le symbole de l'échange organique et social de la cité, des commerces qui s'y lient, avec leurs malheurs et leurs miracles. Le récit, par exemple, est rythmé par les soubresauts du cours de l'Universelle, qui sont bien entendu le signe clair de la force de Saccard et de ce qui lui reste d'énergie vitale. Pour ce "poète du million", il n'y a que "le jeu qui, du soir au lendemain, donne d'un coup le bien-être, le luxe, la vie large, la vie tout entière". Au fond, Saccard est l'agent d'un renouvellement fécond qui passe par la vente et l'achat, le gain et la perte, la vie et la mort: "Sans l'amour, pas d'enfants, sans la spéculation, pas d'affaires", écrit Zola dans son Ébauche.

RP in "arts et lettres Belgique"

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