se sont invités au bal masqué. Ils ont profité du moment que j’avais choisi pour hiberner, au beau milieu des bois. La balade contée « Arbres & Sens » m’avait mise sur la piste. L’endroit serait propice pour un retour à soi, loin de tous, loin des médias, loin de tout. J’allais enfin pouvoir prendre soin de moi, et des autres, en laissant les mots se frayer leur chemin.
À chaque détour d’une sente, ils sautillaient de joie et ne savaient où se poser, des fougères aux nuances tigrées, aux feuilles des arbres leur offrant une mosaïque de couleurs des plus variées. Un gros tronc qui avait eu la tête tranchée, réincarné en conifère, profitait de sa force pour grandir. D’autres troncs arrachés, à moitié recouverts de mousse, étaient devenus le gîte d’une famille entière de champignons. Ceux-ci s’amusaient, pour l’occasion, à revêtir toutes sortes de chapeaux, de toutes les tailles et formes. Les uns se camouflaient parmi les feuilles, les autres, au contraire, aimaient se faire remarquer en se parant de chapeaux de couleur orangés vifs, certains même rouges à pois blancs ! Sur d’autres encore, on aurait dit que les premiers flocons venaient de s’y poser. C’était un bal où chaque espèce végétale offrait aux mots leur plus belle palette de couleurs automnales. Certains arbres étaient chaussés de mousse, assortis parfois à leurs chaussettes, d’autres de lierre.
Entre les sentiers, les chemins feuillus, caillouteux, boueux, labourés par les sangliers ou encore bétonneux, chaque bifurcation en T offrait aux mots une occasion rêvée pour imaginer des fantômes qu’ils espéraient voir surgir de derrière l’obscurité des forêts de conifères, ou ce qui leur donnait l’eau à la bouche, les emmenant vers des infusions fruitées et boisées. Tout était prétexte pour s’évader. L’objectif était atteint.
Les mots aimaient se glisser sur l’eau des ruisseaux ou parfois, suivaient le courant de la rivière. Même les gouttelettes de pluie, en se posant sur les mots, avaient un effet apaisant et venaient en masser chaque syllabe. Par moments, ils s’accrochaient aux feuilles, pour virevolter avec elles jusqu’à se poser par terre. Ils adoraient la légèreté de cette danse. Plus loin, ils se laissaient bercer par les cris des oiseaux, résonnant dans ces grands espaces qui invitent à la contemplation. Tous leurs sens étaient en éveil dans cette immersion totale. Le soleil accentuait les couleurs, quelles qu’elles soient, du jaune au rouge, en passant par le vert, et invitait le peintre à reproduire leurs teintes rendues chatoyantes, par les rayons lumineux.
Comme une chenille, chaque mot s’accrochait à l’autre pour venir se poser sur une feuille et chaque feuille s’assemblait pour offrir à celui qui passera par ici les bienfaits du bain de forêt par le biais de l’écriture.
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