Je devais avoir une dizaine d’années, peut-être moins. J’avais une grand-mère, un grand-père, un oncle et sa famille. Les vacances d’été interminables à cette époque m’amenaient à passer de merveilleux instants à la ferme.
On se levait le matin heureux de vivre. J’avalais une grosse tartine au beurre avec un bon café. Confortablement installée à l’arrière du Solex de grand-père nous partions à la ferme de mon oncle. Ma journée coulait dans le partage des tâches. Il y avait mes cousins et cousines plus jeunes, les vaches à appeler « venez, venez ! », participer à la traite sur le petit tabouret très bas les mamelles serrées dans mes petites mains, le dîner à préparer, la vaisselle à faire à la main, nourrir les poules, préparer le goûter, un gros paquet de tartines beurrées et un bon café. Mais aussi les jeux de cache-cache dans les ballots et même qu’un jour on a tout fait tomber ! Ah ça aussi je m’en souviens. Pas contents les grands.
Les hommes très occupés par la moisson me hissaient bien souvent dans le tombereau vide tiré par des chevaux et nous partions aux champs. Inlassablement ils soulevaient de leurs quatre bras des ballots de paille que minutieusement j’alignais dans le tombereau pour éviter leur dégringolade au retour. Je me souviens du blé doré qui titillait mes narines, du soleil qui brûlait ma peau, de nous tous assis à même le sol dégustant notre goûter. Ils parlaient en « wallon » du travail, du temps, ils riaient, ils étaient heureux. Grand-père soucieux que je comprenne mélangeait avec affection le bon français et le wallon. Sa maladresse généreuse me fait encore sourire de tendresse.
Des secousses heureuses dans un tombereau, un travail sain, des papotés rigolotes, des bonheurs simples, mais intenses.
Quelques décennies plus tard, ils vivent encore et parfois ils réchauffent le corps, le cœur et l’âme.
© La Vie au Fil des Jours 2018
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