LE TEMPS N’EXISTE PAS
Par André Chamberland
info@andrechamberland
Le temps n’existe pas à la mer, du moins pas de la même manière sur terre que sur mer.
La mer vit au gré des marées, deux basses et deux hautes par ce qu’on nomme journée.
Les marins et les pêcheurs en haute mer ont des quarts de travail d’une haute à l’autre.
Seul cet horaire leur permet de sortir du port et d’y entrer sans accrocher le fond de l’eau.
À l’opposé de nous, la famille du pêcheur se fie à l’horloge marée pour connaître l’heure utile.
Quand rentrera le père pêcheur pour le repas en famille dont le moment varie constamment.
Le réveil-marée indique la marée haute en haut et la basse en bas de ce qui sert d’horloge.
Le lever se fait à un quadrant avant la marée basse; le coucher, un quadrant après la haute.
Cette façon de compter le temps vient duplicater le cadran solaire et le cadran aux étoiles.
Un bris de moteur ou une avarie en mer risque de prolonger le quart de douze autres heures.
La famille du marin-pêcheur doit les utiliser en conjonction avec l’heure de leur montre.
Ainsi, chacun sera à l’heure à l’école, au bateau à la marée, au repas familial à temps.
La journée maritime comptant un peu plus de 24 heures entre deux marées haute ou basse,
Il sera aussi difficile pour toute la famille d’arriver au premier jour de l’An au même moment
qu’il le sera pour les amants se fiant davantage, voire uniquement, à leur cadran lunaire.
Utiliser des systèmes différents de mesure du temps permet d’être toujours à temps!
Tout comme la multitude des langues parlées rend complexe la communication des gens,
Les vents variés et la force variable des marées compliquent l’activité basée sur marées.
Les marées retardent un peu chaque jour et varient aussi selon la région géographique.
Impossible d’établir une marée unique pour un pays donné, ni même pour un fuseau.
L’heure du sommeil ou celle de la faim est artificiellement fixée par la production économique.
Toutefois, pour le marin-pêcheur, ce sont les marées, les vents, les saisons qui en décident.
Toute sa famille doit s’adapter aux conditions propices dictées pour cela par la nature,
Obligeant de vivre chaque jour en décalage horaire sans même avoir à voyager pour ce faire.
Tant de limites sont arbitraires dans la vie, comme celles du temps, de la langue, de l’alphabet,
De la musique, des mesures de longueur, de largeur, de surface, de prix, de durée, de vie.
Ce sont nos limites d’humain qui nomment le jour et la nuit, fixent la plage de vitesse permise.
L’infini lui-même, la particule, l’univers, l’homme tente de les quantifier, mesurer, dépasser.
Il n’y a pas que vingt-six lettres dans l’alphabet français. Il n’y a pas que trois gammes en
musique. Il n’y a pas que x planètes et y étoiles dans l’univers. Il y a la limite humaine.
Les bémols, les dièses, les accents permettent d’autres notes et d’autres lettres et mots.
Les gammes et l’alphabet sont infinis mais nous ne pouvons en entendre que certains.
Le vent a son langage que nous ne comprenons pas. Les oiseaux utilisent d’inaccessibles sons.
Les baleines nous demeurent incompréhensibles. Peu nombreux entendent le sifflet à chien.
Les polyglottes se dénombrent facilement. Les sourds grognent leurs sentiments et paroles.
La pollution sonore crache et crie ses vociférations contre notre zone limite de confort.
Comme la chenille se transforme en papillon, notre être s’habille d’un autre corps à la mort.
La peur de la mort n’existe que parce qu’on croit qu’il s’agit d’une fin alors que mourir
C’est qu’on continue simplement à vivre juste là, de l’autre bord, après notre mutation.
La mesure de la vie commençant par une naissance et se terminant en mourant est une illusion.
Commentaires