Il était une fois Nicola - pas le saint - le compositeur italien contemporain, Nicola Campogrande qui, ayant visité en l’an 2007 la Fondation Folon en Belgique, se prit à rêver de composer un opéra greffé sur ses émotions picturales et le fabuleux chant des couleurs de Folon, prince du graphisme onirique.
Un autre jour, ce fut L’Opéra de Liège qui contacta ledit musicien, et, 9 mois plus tard, le texte italien de Piero Bodrato, ayant été traduit en français par les soins de Maria Delogu, l'opéra « #Folon » était prêt pour un baptême qui eut lieu un 2 mars 2018 à L’Opéra de Wallonie, en avant-première d’une belle série de représentations dites « scolaires » ne laissant que …deux dates libres pour le public.
Le principe veut que les enfants qui iront voir cet opéra participatif, soient initiés en classe à chanter eux-mêmes des chansons pour accompagner chœurs et solistes. Et malgré les notes très aiguës et les tempi fort rapides, cela marche! Et quelle inoubliable aventure pour les enfants de la Maîtrise de l'Opéra! Quelle expérience providentielle aussi pour un jeune chef d’orchestre de 28 ans, de pouvoir échanger et travailler avec un compositeur en vie… Nicola Campogrande. Et de devenir créateur de musique en duo!
Lors des « scolaires » il s’est avéré qu’au lieu d’être captivés par leurs smartphones - mais les très jeunes en ont-ils déjà ? On espère que non - les 800 têtes blondes, vouées aux plaisirs de la découverte, ont, dit-on, été happées par l’environnement de rêve qu’est l’Opéra de Liège, ses dorures, ses lustres, mais surtout par l'atmosphère magique de l'expérience.
Les enfants ont été séduits d'abord par le bal des couleurs évoqué par la musique créative du compositeur, miroitante et cascadante, portée par l’énergie de ses 1001 percussions et par la baguette habile du chef d’orchestre Ayrton Desimpelaere, Chef Assistant à La Direction Musicale au sein de l'ORW. Ils ont été fascinés par la magie chorale des enfants de la Maîtrise de l'Opéra orchestrée par Véronique Tollet et le talent des solistes lyriques dont la diction leur était suffisamment accessible. Ils ont adoré les merveilleuses graves de Roger Joakim, Monsieur Alphonse, gardien du musée, fascinés par l’homme bleu incarné par le tendre Pierre Derhet, et par Julie Bailly la « bestfriend » portant perruque …verte de jalousie. Les tout juste 6 ans ne peuvent pas lire les sous titres et ne sont pas portés sur les professeurs doctes et ronchons! Pauvre Patrick Delcour! Orangine était interprétée par Natacha Kowalski.
Ils ont été émerveillés par les décors créés par la fondation Folon pour l’opéra, auxquels répondaient la valse de costumes et de perruques presque fluorescents de Fernand Ruiz. Ah les splendides chaussettes! Pour Ayrton Desimpelaere, le défi était de diriger à la fois l’orchestre, les solistes lyriques et le chœur d’enfants en leur tournant le dos, à chaque fois qu’il devait faire face au public pour le diriger et chanter avec lui.
Un vrai tour de force pour lui, car aux séances pour tout public, la « participation » a été moins active et le retour après le tomber du rideau moins délirant, mais cela tient sans doute à une préparation moins approfondie et au mélange des âges. Les tout-petits (4-6-8 ans) ont sûrement apprécié leur première exposition au monde lyrique, bien que l’histoire présentée les ait parfois dépassés.
Sont-ils déjà sensibles aux « growing pains » des adolescents? On en doute un peu ! Mais l’interdit qui pèse sur l’utilisation de smartphones dans le musée, et les catastrophes qui peuvent en découler les ont impressionnés. Mais, si Folon avait été dans la salle, aurait-il joué au jeu des interdits, lui, l’homme libre comme l’oiseau? En revanche, le baiser qui sauve, qui est celui d’une « princesse charmante » et non celui d’un prince, a beaucoup plu! Idée intéressante que l’amour pour sortir du cadre, non? Si les personnages n’offrent qu’un minimum de complexité, la morale à tirer sur la surexposition aux écrans, était bien clairement exposée, et le selfie, totalement condamné! En effet l’objectif de la production est de mettre en lumière et en musique, la banalité des échanges par moyens électroniques, versus l’incommensurable part de rêve qu’offrent les artistes.
Une histoire simple donc, pédagogique en diable, trop peut-être, car on se demande si l’oeuvre n’aurait pas été vécue plus intensément s’il y avait eu une meilleure pénétration dans l’œuvre même de Folon. Telle qu’elle est construite, cette histoire pourrait se jouer avec n’importe quel autre artiste peintre…
On se prend à penser que Folon est plus une toile de fond que le fond de l’histoire. Y aurait-t-il dans cet opéra une part manquante dans la mise en scène, signée Alexandre Tiereliers? The missing link ? On aurait aimé que l’artiste Jean-Michel Folon apparaisse à travers cet opéra avant tout comme un passeur d'humanité, face à l’isolement urbain du monde moderne, un chantre de la beauté d’une nature bienveillante, un apôtre d’une totale liberté de penser et un adepte inconditionnel du respect des droits de l’homme. Et bien sûr, par la nature poétique de ses tableaux couleur d’arc en ciel, un semeur de rêves qui vous donne la clef des champs oniriques et rêve lui-même d’un monde sans frontières… Mais sans doute l’opéra conduira, on l’espère, les familles à rendre visite au sanctuaire onirique des couleurs, créé par l’artiste lui-même à quelques pas du Château de La Hulpe. Finalement, l’opéra est-il encore toujours en création?
Néanmoins, tous les enfants auront eu l’occasion de saisir l’urgence d’une place de choix à réserver aux artistes dans une société, et leur rôle révélateur , un peu comme les fées dans les plus belles histoires. Celles-ci leur révèlent la nature dont sont faits les rêves. Ainsi, le chef d'orchestre, qui indique une voie et invite à rentrer dans l'œuvre qu'il a mise en musique, offrant à chacun la possibilité de créer et de réentendre sa propre interprétation. Ainsi, Folon, qui par son art, fait voir la transparence des choses.
Nouvelle production Opéra Royal de Wallonie-Liège en collaboration avec la Fondation Folon
http://www.operaliege.be/fr/activites/folon
#Folon se produira également au Palais des Beaux-Arts de Charleroi le mercredi 14 mars 2018 à 16h.
Crédit photos: © Lorraine Wauters / Opéra Royal de Wallonie
Commentaires
L’opéra participatif « FOLON » : une production particulièrement réussie de l’Opéra royal de Wallonie sous la direction de Ayrton Desimpelaere !
Le rideau vient de tomber ce mercredi de la mi-mars sur l’opera Folon, commande de l’Opera Royal de Wallonie au compositeur italien Nicola Campogrande, qu’une visite ã La Fondation Folon sise en La ferme du Château de La Hulpe avait inspiré quelques temps auparavant.
Nous avions livré nos premières impressions à l’issue de l’avant-Première, attirant entre autre l’attention sur les prestations de Pierre Derhet (Jean Petit Bleu) et Natacha Kowalski (Orangine), et sur le merveilleux travail de La Maitrise sous la Direction de Véronique Tollet. Maintenant que l’oeuvre a été affinée et que nous avons pu en découvrir la pleine production, nous pouvons donner un sentiment plus complet et louer le travail d’une extrême minutie auquel s’est livré le Jeune Chef Ayrton Desimpelaere, dans une mise en scène d’Alexandre Tiereliers avec les décors de Fernand Ruiz, pour une création mondiale qui n’avait encore aucune autre référence.
Ayrton Desimpelaere réussi de plus la gageure d’abandonner l’orchestre, les chanteurs et la maitrise, le temps nécessaire pour se retourner vers la salle et diriger les enfants présents dans le public, avant de reprendre en mains sous sa baguette tout ce monde qu’il avait dû laisser livré à lui-même.
Nous ne pourrions ne pas citer le très beau travail de Julie Bailly (Mariette Goupille), Patrick Delcourt (Professeur Superbe) et Roger Joakim (Alphonse Alphonse).
Nous soulignons une fois encore La parfaite adéquation du livret et de la partition avec l’esprit onirique de Folon. Il nous paraît utile de nous attarder quelques instants sur cet artiste.
Ce qui frappe chez Folon, est cette référence permanente au monde onirique : il nous entraîne vers des rêves et nous enveloppe dans notre propre imaginaire. Parce que Folon fut d'abord un affichiste, puis illustrateur de couvertures de magazines comme Time ou l'Express, travaillant comme graphiste, auteur d'une mise en image d'un message. Il y a donc un discours, mais grâce à son incrustation dans un environnement onirique, il nous invite à nous l'approprier et en faire ce que nous voulons. Dans ses "villes tentaculaires" par exemple, les uns y trouverons la justification de la présence de la poésie architecturale et urbanistique se dégageant de la Ville, les autres y verront l'illustration du caractère inhumain et désincarné de la Ville. On sait que les rêves sont pour partie les lieux de nos fantasmes, et sans doute Folon nous ouvre-t-il dans ses œuvres au monde de tous les possibles. Le choix des couleurs, malgré quelques dominantes suivant les pėriodes, couvre tout l'arc-en-ciel. Mais l'intensité qui leur est donnée et le choix du support, du papier Steinbach ou Canson à l'aluminium, lui laisse toute latitude pour imprimer douceur ou force suivant ses désirs.
En ce sens, Folon ne saurait laisser indifférent. Et s'il fallait qualifier son approche picturale ou plastique, je serais tenté de la décrire comme un graphisme onirique de couleurs. Les 3 éléments essentiels et fondamentaux sont effectivement réunis : le graphisme, car Folon fut toujours graphiste, depuis ses début et ã travers toute son œuvre; l'onirisme, car ses œuvres sont l'expression même du rêve; et La couleur, parce qu'elles marquent et imprègnent toute sa production, en ce compris les sculptures à travers leur patine.
Les moins jeunes se souviendront du générique clôturant les émissions de La seconde chaîne de télévision française A2.
La production de l’Opéra Royal de Wallonie est l’expression même de cet esprit onirique et de ce ballet de couleurs permanent. Bernard Fierens Gevaert
"Alors que l’Italie et la France lui proposent des espaces remarquables, l’artiste tombe sous le charme de la proposition que lui fait la Wallonie d’installer sa Fondation à 15 minutes de Bruxelles, à la lisière de la forêt de Soignes, dans le merveilleux parc Solvay, à La Hulpe.
Dans les années ‘90, après avoir exposé ses œuvres dans les endroits les plus prestigieux et alors qu’il connaît une renommée internationale, l’artiste belge Jean-Michel Folon émet l’idée de créer une Fondation qui rassemblerait en un seul lieu les œuvres qu’il a conservées durant ses quarante ans de création.
Grand précurseur dans la défense de la nature, cet écrin de verdure de 227 hectares l’enchante d’autant plus qu’il connaît le parc depuis sa plus tendre enfance : lorsqu’il habitait Genval, il venait se promener dans ce jardin aux mille rhododendrons. C’est ainsi qu’en octobre 2000 la Fondation Folon voit le jour dans la ferme du château de La Hulpe. " http://fondationfolon.be/