Deux couleurs de peau. L’une : caramel doré, l’autre : un
mystérieux brun violacé ; coiffures en turbans assortis, mais
ô combien différentes!
Deux âges différents, l’une jeune, l’autre : une bonne
dizaine d’années au-dessus, et elle vient de débarquer.
Deux ethnies opposées qui se sont livrées à des massacres
sans merci.
Et les voilà, catapultées ensemble quelque part en Occident,
avec le projet utopique de faire la guerre à la guerre, par
la magie du verbe. C’est la seule chose qu’elles savent
faire.
Réfugiées dans un pays où il pleut du gris, elles vont
exploiter leur métier de conteuses chatoyantes, chacune
avec son bagage, lourd pour la nouvelle arrivante, léger pour
l’autre.
Chacune étale ses trésors, à gauche et à droite de la scène.
Chacune fascine totalement, si bien qu'on en oublie l'autre!
Elles vont surtout devoir s’entendre, travailler ensemble
alors que tout les sépare. Dans leur jeu, elles seront femme
ou homme, ou femme déguisée en homme...
La dernière arrivée, sursautant devant l'existence
d'un micro, comme si on lui volait son âme, découvre que
chez nous ...
il y a l’internet, la télévision, des cinémas, des acteurs
qui, sans conter, incarnent des rôles où ils ne sont plus
« eux » sur nos scènes. Comment peuvent-ils bien faire?
Elle pense qu'un public si gâté par le virtuel doit
être inaccessible et ne sera pas intéressé.
C'est elle qui veut arrêter maintenant. Sa
rivale lui saute à la gorge et lui répète sauvagement ses
propres paroles du début: "Dis-moi,
qu'est-ce que tu auras fait pour arrêter la guerre? "
Elles se disputeront sans vergogne, jusqu’à ce que les deux
versions diamétralement opposées de la même histoire
ancestrale finissent par correspondre.
Car même les histoires s’affrontent: d’une part, il y a une
histoire du fâmeux masque du dragon, basée sur le rêve, le
mythe, la métaphore, de l’autre, une histoire fichée dans
la réalité de la misère journalière pleinement vécue.
Conter, dire, verbaliser, c'est la seule chance contre la
guerre. Sur ce point elles sont d'accord.
Elles ont toutes deux secrètement juré que le masque du
dragon serait donné à la femme, quoique l’homme en dise. Ce
talisman va les rendre invincibles, arrêter enfin la guerre,
et le massacre absurde et cruel des enfants.
C’est une sagesse profonde et une force monumentale qui les
feront dépasser leur inconfort de réfugiées,leur
méconnaissance des moeurs occidentales, leurs affrontements
mutuels, basés sur la haine ancestrale des Tribus des
collines contre celle des Tribus des lacs, auxquelles
chacune d'elles appartiennent. Le ciel contre la
fange.
Toutes deux sont attachantes et criantes de vérité.
Découvrir et porter le masque du dragon, c’est être capable
de se calibrer sur l'autre et se métamorphoser magiquement
en tout être ou créature terrestre différente, cependant
que l'on reste entièrement « soi » !
Toutes deux ont raison dans leurs approches de l’histoire,
toutes deux finiront par s’entendre, se répondre, se fondre
sans se confondre…
...en une impressionnante figure mythique,ni femme,ni
homme, centrée au milieu du plateau, apaisée, réconciliée.
Circulant dans cette pièce étrange, il y a des choses, des
vibrations mystérieuses et émouvantes, du mouvement, des
gestes de magie,
du symbolique, du chant, de l'argile que l'on pétrit à la
rencontre de l'âme, de la voix et du corps qui font battre
nos cœurs un peu plus vite, un peu plus juste.
Du 12 au 23.01.11
Le Masque du dragon au théâtre des Martyrs
De Philippe Blasband, mise en scène Hélène Theunissen, avec Babetida Sadjo et Awa Sene Sarr.
Cie Mekeskidi asbl à l’Atelier du Théâtre des Martyrs en coproduction avec le Théâtre en Liberté.
pl. des Martyrs 22 - 1000 Bruxelles
Tél : 02-223.32.08
Email : theatre.martyrs@busmail.net
Site web : http://www.theatredesmartyrs.be
Et du 15 au 24 février 2011
Théâtre Blocry
Ferme de Blocry
Place de l'Hocaille
1348 Louvain-la-Neuve http://www.atjv.be/fr/saison/detail/index.php?spectacleID=443
Commentaires
en hommage à ces deux merveilleuses artistes, je mets sous vos yeux la merveilleuse toile de Ledent:
Ce spectacle se jouera encore du 15 au 28 février 2011
au théâtre Le Blocry à Louvain-La-Neuve
http://www.atjv.be/fr/saison/detail/index.php?spectacleID=443