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LE CHOC DES MONDES

 

Cela fait la seconde fois, en peu de temps, que j’observe des gens en train de faire les poubelles du magasin dans lequel je viens d’échanger un paquet de nourriture pour mes cobayes, acheté la veille par ma serviable mais distraite petite voisine, contre leurs croquettes préférées.

L’homme ne me regarde même pas lorsque je passe à deux pas de lui, trop absorbé par son inspection du conteneur hors duquel sort une odeur nauséabonde. Il fait très chaud et j’imagine le mélange répugnant de viandes périmées, de légumes défraîchis, de poissons surchauffés… Il porte un casque de motard, je ne le reconnais donc pas. Est-il véritablement un inconnu ? Il se pourrait que je le côtoie régulièrement sans imaginer sa détresse.

Poursuivant mon chemin au travers du lotissement où de nouveaux riches ont fait bâtir la maison de leurs rêves, un papy ventripotent et plein de sueur joue au ballon avec sa petite fille tout en observant le motard du fond de son jardin…Un peu plus loin, une tondeuse robot rase inlassablement une pelouse déserte. Ses propriétaires, sirotent un apéro à l’ombre.

A quelques mètres de là, deux petites filles jouent dans les cailloux devant une maison nouvellement construite. Un marquage au sol nous fait deviner l’emplacement d’une future piscine.

Sous le soleil encore très vaillant, je regagne ma petite maison… Une épée de Damoclès m’empêche d’espérer y terminer ma vie… Peut-être d’ailleurs, un jour mon tour viendra-t-il de faire l’inventaire des poubelles ?

Ainsi va la vie… On rame durant des années, se prive pour acquérir une toute petite maison. On est fier de pouvoir enfin s’en sentir véritablement propriétaire sans plus rien devoir à personne. On y fait son nid… Et puis un jour tout bascule. Le destin a beaucoup d’humour. Il se rappelle à vous en prenant tous les visages, sous n’importe quel masque, à la vitesse de l’éclair sans que vous ne l’ayez vu venir. Et puis vous vous remettez à prier, parce qu’il n’y a plus rien d’autre à faire. Vous recommencez  à trembler en attendant le passage du facteur, messager de noirs oiseaux…

Peu de mains se tendent mais celles-là, il ne faut pas les rater pour éviter de sombrer. Des emplâtres sur des jambes de bois, mais elles reculent l’échéance fatale. Et on se prend à espérer quelque chose, n’importe quoi qui tarde à arriver. Il ne peut en être autrement, assurément. Et on y croit très fort.

Dans l’autre monde, on rit, on chante, on boit, on mange (mal) à s’en faire claquer la panse… On ignore tout du motard ou de celle qui a trop honte d’avouer à ses voisins qu’on la mise sur la paille. On ne sait même pas qu’ils existent, ils se fondent dans la masse des ombres, celles qui ne font pas de bruit pour ne pas déranger l’équilibre du monde. Celles qui hantent furtivement les couloirs des institutions charitables, qui constituent inlassablement des dossiers pour essayer de sortir de l’inextricable situation dans laquelle elles ont été involontairement plongées.

Ce monde des ombres existe bel et bien et il ne tient bien souvent qu’à un mince fil qui se rompt soudainement, pour y plonger… Commence alors le voyage dont on ne revient que rarement.

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Commentaires

  • En effet Michel...

    Parfois, heureusement.

    Bon dimanche

  • Des murs aveugles enserrent les ghettos, entre soi on se sert l'apéro sous l'oeil des caméras vidéos, et parfois, un sourire, une main, un petit service, une initiative nous font croire à nouveau à demain.

  • Merci Olivier pour ce si beau témoignage.

    En effet, un amour inconditionnel de la vie me pousse vers l'avant quoi qu'il arrive. 

    Quelle belle sagesse tu as acquis. Je pense aussi que les obstacles nous forgent le caractère.

    Je t'embrasse ainsi que ta formidable famille.

  • Quel rude monde nous entoure, nous serre, et parfois nous étouffe... derrière le masque du sourire se cache chez beaucoup la réalité dune vie de comptes et de craintes.
    Une terre si belle, si riche, des enfants qui rient et qui jouent, des amants qui rêvent et des adultes que l'amour accompagne tel un diamant... Que s'est il passé?
    Je te rassure cependant , moi qui ai plongé dans l'abysse de la solitude et de la pauvreté, qui ai dû jeuner pour tenir le coup et continuer à peindre, moi qui ai été dénudé de tout, le chemin retour du bout du monde est rude, parsemé de vallées noires, profondes, mais à chaque pas, on grimpe un peu plus vers le soleil des hauts sommets, un chemin épuisant, qui renforce toujours un peu plus l'esprit, de savoir qu'il n'y a qu'un chemin, celui de ne jamais laisser tomber les bras ! La Terre tourne , nous disent les Hindouistes, parfois nous somme en bas, parfois nous sommes en haut, mais ca n'a pas d'importance, il nous faut comprendre que ce n'est que la Terre qui tourne et qui comme le temps, nous promène sur un vent d'impermanence...
    Et comme dirait Jacqueline, seuls les souvenirs restent comme des soleil que l'on ne nous retirera pas. Chérissons les !
    Courage Yvette, je sais, par tes textes, que ton chemin n'est pas facile, et pourtant, je sais aussi quel amour profond tu portes pour la Vie, tes hérissons, ton jardin, ton coeur.
    Nous t'embrassons .
    Olé & Flowers

  • Merci Rébecca.... Je l'espère aussi ainsi que chacun et chacune d'entre nous.

  • Merci Yvette de si bien brosser cette réalité.

    J'espère fort que vous serez préservée

    de cette tragique destinée.

    Que votre bon et beau sourire vous pourrez garder.

  • Merci Marie-Josèphe

  • eh oui chère Yvette, merci de nous rappeller cette situation dramatique que vivent beaucoup de gens de nos jours ici et ailleurs - je suis tout à fait consciente de la misère qui règne autour de nous, j'y suis d'ailleurs très sensible et attentive - bien amicalement, Marie-Josèphe  

  • Merci Claudine et Adyne...

    Demain, il y aura encore pas mal de sous dépensés alors que certains n'ont même pas de quoi se loger. Et pourtant je suis pour la monarchie. Mais...

    Amicalement,

  • Ce texte nous fait comprendre, que nous avons beaucoup de chance et de l'apprécier.

    Merci Yvette.

    Bonne soirée.

    Amicalement.

    Adyne

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