Que du beau monde ce dimanche après-midi à la première du Barbier de Séville à l'Opéra Royal de Wallonie ! Pas moins de quatre belges dans la distribution ! Avec tout d’abord, la toute resplendissante et exquise Jodie Devos dans son premier grand rôle sur une scène lyrique européenne, à 27 ans à peine. Soprano Coloratur, elle ne manque pas de nerf et tient le rôle de Rosina avec puissance, virtuosité et une malice théâtrale incomparable. La mezzo-soprano Alexise Yerna tient avec immense générosité le rôle drôlissime de Berta, l‘autre personnage féminin, tout aussi impertinente que Rosine dans cette œuvre de Rossini. Continuons dans les superlatifs : Figaro, c’est l’illustre baryton belge Lionel Lhote, aux prouesses vocales remarquables, flanqué d’un apprenti coiffeur muet mais délirant - une femme poids plume, d’une inventivité et d’une mobilité scénique soufflantes. Attention, elle fait vraiment le poids, face à l’humpty dumpty hilarant qui sert de concierge au Dottore Barnabo, Barbaro ou Brabando ? (… on s’y perd !), le vieillard qui veut décidément épouser la jeune Rosine! On retrouve un adorable Gustavo De Gannaro dans le charmant comte Almaviva, si discret sur son état de fortune et si délicat dans ses états d’âme. L'excellent Laurent Kubla, inénarrablement sérieux et compassé mais totalement drôle incarne Basilio, l’inséparable comparse d’Enrico Maria Marabelli, tout simplement extraordinaire dans le rôle de ce vieux barbon jaloux de Bartolo, voilà, c’était cela, son nom! Ensemble sur scène, ils forment un curieux binôme explosif qui fait souvent penser à Don Quichotte et Sancho Panza, hormis le caractère !
Mais c’est surtout l’esprit de la Commedia dell’ arte qui s’invite à chaque instant dans ce Barbier de Séville hilarant, avec quelques anachronismes bien dosés, du comique de situation et d’action particulièrement efficace et bondissant, créant des fous rires en cascades chez les spectateurs réjouis par l’allure du spectacle. Par politesse, certains se retiendront, d’autres éclatent de rire sans complexe. La société bourgeoise de l’époque de Rossini en prend pour son grade ! Touché, coulé ! C’est que cette belle ouvrage est mise en scène avec l' élixir parfait de l' humour parodique par Stefano Mazzonis Di Pralafera, le directeur des lieux. La diction italienne a été jalousement corrigée, et patiemment mise au point par ses soins! Un mot encore, les sous-titres néerlandais ne manquent pas d’humour, ils vont, paraît-il, puiser leur sel dans le phrasé hergéen!
Les chœurs, peu nombreux mais très efficaces, ont soigneusement peaufiné leur participation sous la très méridionale baguette du jeune chef Perre Iodice, de l’opéra de Marseille. Celui-ci remplace depuis Ernani, l’ancien chef de chœur attitré de l’Opéra de Liège Marcel Semirama, qui s’est retiré de la vie professionnelle après de longues et fructueuses années de service artistique. Et tout cela avec le joyeux maestro Guy Van Waas qui participe aux élucubrations tragico-comiques jubialtoires en allant jusqu’à oser jouer Le valeureux Liégeois au clavecin en plein milieu d’une scène!
Les quatre soirs font déjà salle comble. C’est une reprise brillante, remaniée avec des gags du jour à haut potentiel désopilant, le tout servi par une qualité musicale très haut de gamme.
http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/il-barbiere-di-siviglia/propos-de-loeuvre
Commentaires
21 février 2016: Aujourd'hui, c'est le bicentenaire de la création du Barbier de Séville de Rossini! Envie de revoir cet opéra enregistré en octobre 2015 à l'Opéra Royal de Wallonie? - http://www.operaliege.be/…/activites/il-barbiere-di-sivigli…
http://www.lalibre.be/regions/namur/jodie-devos-wallonne-de-l-annee...
Jodie Devos, second prix et prix du public du Concours musical international Reine Elisabeth (chant) en 2014, a été élue lundi à Namur lauréate du prix Bologne-Lemaire de la Wallonne de l'année 2015.
Plusieurs éléments ont été retenus par le jury, composé des anciens lauréats de ce concours, pour élire Jodie Devos. "Son parcours, son répertoire varié, son expressivité, sa créativité et son énergie. Jodie Devos est arrivée là à force de travail. C'est un clin d'œil aux industries culturelles et créatives qui représentent 5% de l'emploi. Le domaine culturel influe sur tous les autres de par la créativité qu'il génère", a commenté le président du jury, Jacques Lanotte.
Jodie Devos, originaire de Libramont, s'est dite honorée de recevoir ce prix de la Wallonne de l'année. "J'ai eu un début de carrière très rapide, c'est un honneur d'être récompensée. J'ai fait beaucoup de sacrifice et j'ai beaucoup travaillé pour en arriver là, mais beaucoup d'autres Wallons auraient également mérité ce titre. J'ai eu la chance d'être au bon endroit au bon moment."
Ce prix, décerné par la Fondation Maurice Bologne-Lemaire, a pour objectif principal de récompenser une personne qui, par son action sociale, économique, politique ou culturelle, aura le mieux servi les intérêts du peuple wallon. Le prix de "la Wallonne ou du Wallon de l'année" a été remis pour la première fois en 1979 à Andrée Blampain.
Le vendredi 27 novembre à 21h10 sur La Trois et depuis le Théâtre du Châtelet, Jean-François Zygel décrypte la 9e Symphonie de Chostakovitch, la dernière des trois symphonies écrites durant la Seconde Guerre mondiale. Une œuvre inattendue, dénigrée par le régime stalinien, mais une leçon de musique passionnante comme le professeur Zygel en a le secret. En deuxième partie de soirée, à 22h20, « Le Barbier de Séville » de Rossini à l’Opéra royal de Wallonie, avec les Belges Lionel Lhote et Jodie Devos dans les rôles de Figaro et Rosina.
Bye bye Barbiere...
Une confidence de Jodie:
"Fin de cette belle aventure à l' Opéra Royal de Wallonie avec notre Barbier de Séville! Merci à toute l'équipe! Je ne pouvais rêver mieux pour entrer dans la cour des grands!" YES!
Formidable prise de rôle pour Jodie Devos !
Le 20 octobre 2015 par Bruno PeetersLaurent Kubla, Jodie Devos et Lionel Lhote ® Opéra Royal de Wallonie - Lorraine Wauters
Il Barbiere di Siviglia à l’ORW
A tout seigneur tout honneur : le Figaro de Lionel Lhote a dominé le spectacle. Quelle chance aussi de disposer d’un air d’entrée aussi brillant et connu que le Largo al factotum: réussi, le baryton met le public dans sa poche comme il le fit en 2004 lors de la finale du Concours Reine Elisabeth !
Cette faconde exceptionnelle, cette voix sonore au timbre puissant que nous connaissons bien maintenant animaient joyeusement duos et ensembles, jusqu’à son apparition finale, en statue de Rossini sur un socle de pierre : magnifique ! Formidable prise de rôle pour Jodie Devos dont Rosine est la première héroïne de premier plan dans sa jeune carrière inaugurée en 2014 par un 2e Prix au même Concours Reine Elisabeth. Très à l’aise, elle a fasciné le public par une maîtrise totale de la redoutable vélocité des mélodies rossiniennes : succès immense pour son interprétation d’ Una voce poco fa, aussi brillante dans les coloratures que charmante dans la tendresse. Sans oublier une puissance vocale de premier plan qui lui permit de dominer tous ses collègues dans le finale du premier acte. Quel abattage ! Et tout cela en si peu de temps : un grand bravo. Après Anne-Catherine Gillet, voici la nouvelle star du chant belge. Plus en retrait, le jeune ténor argentin Gustavo De Gennaro (Almaviva) paraissait un peu guindé dans sa sérénade initiale, pourtant bien soutenu par l’excellent choeur de Pierre Iodice. Il s’est affermi, petit à petit, et son personnage a bien existé au second acte. Un peu tard, il est vrai. Sa voix est douce, jolie, un peu pâle. Il manque de présence. Très brillant docteur Bartolo (le rôle est en or) d’Enrico Marabelli, acteur excellent en outre, et qui a bien surmonté les terribles difficultés de son air A un dottor della mia sorte, volubile entre tous -régal pour le public. Hormis le grand air de la calomnie, et le quintette de l’acte II, Don Basilio n’a pas grand chose à chanter : Laurent Kubla y fut parfait. L’adorable Alexise Yerna, pilier de l’ORW, a bien décliné son charmant petit air. Bel officier de Marc Tissons, et efficace Fiorello de Victor Cousu. Et l’orchestre ? Après une ouverture pas très assurée et quelques décalages entre le plateau et la fosse dans les premières scènes, Guy van Waas a su reprendre ses forces en mains et communiquer sa verve, sa bonne humeur aux ensembles comme aux deux finales. Sa direction, à l’ancienne soit sans vibrato, était parfaitement au service de l’action trépidante (excellent orage, par exemple). Décors, éclairages chaleureux et costumes traditionnels participent à de jolis effets de scène comme les sérénades au balcon ou la leçon de musique. Jodie Devos a droit à de superbes robes ! Que dire de la mise en scène du maître des lieux, Stefano Mazzonis di Pralafera ? On peut se permettre d’être plus hésitant. Elle souligne à l’évidence la vivacité de l’intrigue, sans aucun temps mort : le public ne s’y est pas trompé et a souvent ri (les grimaces de Rosine). Certains moments ont cependant paru lourds. Durant le finale du premier acte, les choeurs (policiers, serviteurs) étaient dotés d’une chorégraphie enfantine, frisant le grotesque, le patronage même. Le pire était réservé au pauvre comte : au premier acte, il devait justifier son rang au moyen d’un geste exhibitionniste, geste qu’il a du, encore plus pénible, récidiver au deuxième final: une plaque « Almaviva » étant placée devant son entrejambes. A l’ensemble conclusif, il a dû, en plus, faire s’ouvrir une ridicule queue de paon, actionnée par une ficelle. Ce sont là d’impardonnables fautes de goût qui ont terni un spectacle quasi parfait.
Bruno Peeters
Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 18 octobre 2015
Photos: © Steve Collin - Photographe