Ça commence toujours par une envie. Et il arrive parfois que cette envie se réalise. | 23 novembre: |
La Religieuse... d'après Denis Diderot ( Pamphlet ) publié à titre posthume en 1796
Texte: Arthème (adaptation pour le théâtre), Denis Diderot, Maggy Souris (adaptation pour le théâtre), Viviane Collet (adaptation pour le théâtre) ON STAGE Performance: Viviane Collet / BACKSTAGE Mise en scène: Arthème, Maggy Souris
Novembre: 9, 10, 11, 12, 16, 17, 18, 19, 23, 24, 25, 26
« J’avais alors seize ans et demi. …il s’agissait de m’engager à prendre l’habit. …Je me plaignis avec amertume, et je versai un torrent de larmes. La supérieure était prévenue ; elle m’attendait… Elle parut avoir pitié de moi… …elle me promit de prier, de remontrer, de solliciter. Oh ! monsieur, combien ces supérieures de couvent sont artificieuses ! …Savoir se contenir est leur grand art » (Diderot 4-6).
Nous avons été comblés par la conteuse, Vivianne Collet qui nous a proposé une adaptation monologuée du roman de Diderot. Diderot prend la défense de la novice forcée par ses parents à prononcer des vœux auxquels elle n’adhère nullement. Le ton est indigné, un premier pas vers le refus à la soumission? La voix est chaleureuse, débordante de vie alors que ce premier couvent où la jeune fille se voit enfermée de force, … est une véritable tombe où elle est enterrée vivante.
La voix est multiple, débordante de personnages fort bien campés. Le monologue est une mise-en scène adroite de toutes les petites et grandes histoires de la jeune recluse qui voulait vivre. La lumière, celle d’un esprit libre, se voit dans les yeux de la comédienne. La piété est dans ses mimiques car elle a cette foi spontanée et respectueuse qui lui vient du cœur. Les quatre actes qu'on lui intime de réciter ne viennent pas d'une prière apprise par cœur, mais du fond de son âme innocente et bonne. Ce qui Diderot condamne, c’est l’institution qui vous supprime votre libre arbitre, l’obscurantisme qui mène droit aux dérives. Notre siècle a de quoi réfléchir, car de-ci, de-là traînent encore des fanatismes liberticides, des embrigadements monstrueux, des tentatives religieuses totalitaires.
Entre résignation et désespoir, elle a subi des sévices, la mise à l’écart systématique, le harcèlement, les punitions corporelles, des interrogatoires humiliants. Dans son épreuve, la jeune sœur Sainte-Suzanne compare sa souffrance à celle du Christ et reprend courage. Elle se rappelle les paroles de sa défunte amie, ancienne mère supérieure parlant du couvent : « Entre toutes ces créature si innocentes et si douces, il n’en n’est presque pas une dont je ne puisse faire une bête féroce. »
Devenue bouc émissaire de toute la communauté, elle n’accusera pourtant personne du couvent où elle est si malheureuse, même pas l’hypocrite mère supérieure, cause de tous ses tourments. Elle reste pleine de dévotion et de douceur. Devant le grand vicaire qui l’interroge : « Etes-vous nourrie ? « Je demande à l’être » « Vous ne l’êtes donc pas ! » s’exclame le dignitaire indigné.» Elle murmure: «Je ne suis pas venue pour accuser, mais pour me défendre ! »
La conteuse échange des regards discrets avec un public qui lui est acquis, tant la proposition est à la fois, pathétique et nuancée. Il bourdonne, allergique aux prises de pouvoir, à l’hypocrisie, et à bien plus encore.
Très bon spectacle, dans un lieu en suspension entre les époques.
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