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L'ange gardien.

L'ange gardien.

Antoine avait le nez en l'air côté passager. La montagne défilait sur sa droite laissant son regard glisser sur une crête, et puis sur un brusque à pic suivi d'une pente verte plus douce où broutaient des moutons. Les deux frangines discutaient dans la voiture, mais Antoine n'écoutait que d'une oreille distraite, préférant en prendre plein les yeux, pour peut-être plus tard poser ces souvenirs sur une toile ou sur du papier.

Ce qui attira la sensibilité d'Antoine, c'est une petite phrase de Jeannette, la conductrice.

  • Dans le village où nous arriverons dans cinq minutes, il y a une petite chapelle. Chaque fois que nous y sommes passé avec Pierre, nous avons toujours trouvé porte close, peut-être pour protéger les fresques qu'ils ont découvert sous le plâtre ; elles sont, parait-il, splendides et dateraient de l’extrême fin du moyen-âge au XVe siècle je crois... mais voilà c'était toujours fermé.

Antoine laissa glisser quelques secondes, entra dans la conversation et demanda à la conductrice d'arrêter la voiture à proximité de l'église.

  • Elle est ouverte aujourd'hui, arrête-toi !

  • Pourquoi veux-tu qu'elle soit ouverte, cela fait des années que nous nous arrêtons et c'est toujours fermé à clé ?

  • Pas aujourd'hui !

Après tout, ça nous fera une petite halte dans ce village de montagne, pensa t-elle. Quelques minutes plus tard, la voiture sagement rangée sur la petite place, Antoine et les deux sœurs se dirigèrent vers la petite chapelle. Certaine de trouver la porte fermée, Jeannette avançait doucement sous le soleil, sans se préoccuper d'Antoine qui attendait déjà devant le portillon en fer forgé fermant l'accès au jardinet devant la chapelle. Un petit sourire au coin des yeux, sa sœur regardait Antoine d'un œil complice semblant dire... nous verrons bien !

  • Alors les filles, on rentre ?

  • Oui dans le jardin tu peux, le portail n'est jamais fermé, dit Jeannette à Antoine.

Ce dernier se rapprocha de la porte de la chapelle, posa sa main sur la grosse poignée et levant les yeux demanda :

  • Il y a quelques minutes je t'ai demandé de nous ouvrir la porte, pouvons-nous entrer ?

  • N'importe quoi ! tu attends quoi, un miracle ? Dit Jeannette en riant.

Antoine se retourna, lui sourit et tourna la poignée ; la porte s'ouvrit doucement.... Il laissa les filles médusées sur les marches de la chapelle et entra. Il faisait frais comme dans toutes les églises. Ça sentait un peu l'humidité mais, il est vrai que sans aération, ces gros murs en pierre sont souvent humides car mal protégés au niveau des fondations. Les fresques étaient splendides et effectivement semblaient être en cours de restauration ou de maintenance. A moins que les ans passés à l'abri des regards et découvertes à nouveau, soit la conséquence de cette sensation de « chantier en cours » !!!

Redécouvertes en 1873, les peintures murales sont restées près de deux siècles durant cachées d'un épais badigeon qui les recouvrait entièrement.

Quand il entrait dans une église, Antoine avait l'habitude d'avoir une pensée pour un proche, ou pour rien de bien précis, comme la paix sur terre peut-être... et d'allumer une petite flamme. L'époque où les bougies longues et blanches étaient à disposition des fidèles étant révolue, les cierges ont bien souvent cédé leurs places à ces drôles de petites boites en aluminium emplies de cire blanche. Elles étaient bien là, posées sur un présentoir en fer forgé, prêtent à briller dans la chapelle, mais hélas, pas de briquet ni d'allumettes. Qu'importe, Antoine sortie sa pièce de 2 Euros posa une bougie sur la tablette et... la porte de la chapelle s'ouvrit à nouveau. Un couple d'une soixantaine d'année entra, et le nez en l'air pour admirer les vestiges des fresques, commencèrent le tour de la chapelle. Antoine d'instinct se dirigea vers eux et demanda ;

  • Pardonnez- moi mais il n'y a pas de feu pour allumer les bougies, en auriez-vous s'il vous plaît ?

  • Alors ça, c'est très curieux, lui répondit l'homme ; je ne fume pas et je n'ai jamais de feu sur moi mais en partant ce matin, je ne sais pas pourquoi, j'ai mis un briquet dans ma poche !

  • C'était sans doute pour moi, dit Antoine en souriant.

Il prit le briquet, s'en retourna allumer la bougie, eut une pensée pour celui ou celle à qui elle était destinée, et rendit le briquet au couple qui quitta l'église. Jeannette intriguée, et sa sœur se regardaient ! Antoine lui savait, ou en était convaincu, il murmura... Merci !

Ils quittèrent la chapelle. Antoine tira la porte et en levant les yeux dit :

  • Merci, mon ange gardien, tu peux refermer la porte, si tu le souhaites.

Ce texte pourrait être une petite nouvelle, une brève comme l'on dit de nos jours, mais non, c'est une histoire vraie. Vraie dans le sens du déroulement de l'histoire.

-  La discussion entre Jeannette et ses passagers sur la porte toujours fermée de la chapelle, suivie de la demande d'Antoine d'arrêter la voiture, puis la surprise de la porte ouverte, sans oublier l'absence d'allumettes, et enfin l'arrivée du couple avec le briquet dans la poche du mari... tout ça est vrai !

A ce moment du récit, je pourrais jouer sur plusieurs registres ; le divin, la philosophie, l'interrogatif, voir, le bon prêcheur mais non, je préfère rester sur la petite phrase qui suit !

… Pour le fond de l'histoire ?   Chacun, chacune de vous l'imaginera à sa façon.

Août 2017 - Chapelle Sainte-Anne de Sceaux-de-Salomon, dans la Haute Garonne.

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