De Bruxelles à Auxerre, à un jet de cœur
Nommé poète lauréat, un titre officiel qui fait de lui le serviteur de la monarchie anglaise, John Dryden, auteur phare du patriotisme du 17e siècle anglais, célèbre la gloire de l’Angleterre à travers des œuvres où se mêlent l’histoire et la mythologie anglaise avec la mythologie antique. C’est lui qui « raffina le langage, améliora les sentiments et fit briller la poésie anglaise ». En collaboration avec Henry Purcell un semi-opéra en 5 actes voit le jour en 1691 : King Arthur, sous-titré The British Worthy.
On est au Moyen-Age. Le roi Arthur a gagné toutes ses batailles contre les Saxons, sauf contre un irréductible Oswald qui lui a ravi sa fiancée, Emmeline, aveugle de naissance et fille du duc de Cornouailles. Les forces de la légitimité et du noble sentiment d’amour vont évidemment confondre les forces barbares et mettre en lumière la victoire britannique en se terminant par une ode au valeureux Saint Georges protecteur de l’ordre de la jarretière, distinction des chevaliers fondé en 1348. L’interprétation qu’en fait Jean Tubéry se concentre sur l’atmosphère des forêts enchantées remplies d’esprits farceurs et d’elfes polissons, l’allégresse des bergers, les sirènes et naïades tentatrices, un monde régi par la sensualité et le plaisir. Foin des exploits épiques, tout se résume à la victoire incontestée de Cupidon et de Vénus et à la célébration de la volupté victorieuse. Entendez-vous les trompettes ? Une belle revanche contre le puritanisme outrancier de l’époque de Cromwell enfin révolue.
Le chœur très homogène des 11 solistes à part entière fait preuve d'une vitalité débordante et d'une remarquable mobilité. Ils sont dirigés par Lionel Meunier, absent ce soir, et ont étudié pour la plupart au Koninklijk Conservatorium de Den Haag. Il s’agit de l’Ensemble Vox Luminis avec Sophie Junker, Caroline Weynants, Kristen Witmer (sopranos), Helen Cassano, Daniel Elgersma, Jan Kullmann (altos), Olivier Berten, Robert Buckland, Philippe Froeliger (tenors), Tomáš Král, Sebastian Myrus (basses). Des voix souples et expressives, qui opposent les forces du mal apparentées au gel et au froid avec la célébration de la vie et des plaisirs de l’amour dans une dramaturgie lyrique finement réglée. Les couleurs sont subtiles et le lyrisme émouvant. On se serait néanmoins passé de la récitante qui fait des raccords parlés très elliptiques comparés au texte original du livret, mais surtout trop chargés d’emphase. La grande musicalité des parties vocales de l’œuvre se suffit à elle-même, les ornements musicaux de chaque voix franchissent des limites de très haute voltige, et remplissent le spectateur d’admiration et de bonheur devant une telle richesse mélodique.
Jean Tubéry conduit son ensemble de 9 musiciens de La Fenice qui jouent sur instruments d’époque avec feu et malice, et peut-être en fait-il lui-même un peu trop. La langue anglaise et la musique de Purcell se conjuguent à merveille dans une sublime harmonie, que désirer de plus? Mais cette soirée exceptionnelle placée sous le signe de la fête païenne et de l’humour à la limite de la truculence, plonge un public conquis dans le ravissement musical, à un jet de cœur de la Saint-Valentin ! Un généreux bis, bucolique à souhait, enflammera encore l'assistance et les musiciens: "For love ev'ry creature, Is formed by his nature No joys are above The pleasure of love!" (Fourth Act). Next stop: aujourd’hui même, à Auxerre.
La Fenice
King Arthur
Mardi 10.02.2015 - 20:00 | |
Note: Jean Tubéry est un musicien complet, régulièrement invité par BOZAR MUSIC depuis la fondation de son ensemble La Fenice en 1990. Ce cornettiste génial, curieux de tout, polyglotte, comédien ou danseur à ses heures est un passionné de musique, littérature et d’art pictural. Inlassablement, il explore, défriche, s’émerveille et nous convie avec lui à regarder la musique ancienne sous l’angle de l’éternelle jeunesse. http://www.voxluminis.com |
http://www.impresario.ch/libretto/libpurkin_e.htm
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