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journal de bord, lundi 27 juin 2011

Energie, énergie, énergie. Pile électrique qui se maintient, ou se consume, à l'intérieur, à l'extérieur de soi-même, selon le temps qu'il fait, ce qu'on a incurgité dans la matinée ...

 

Je m'en réfère toujours à mes tournées de facteur et à leurs moments insolites, pas toujours de doux repos, mais si enrichissants.

 

Ainsi, donc ...

 

Je constate, là, comme ailleurs ...

 

Autant il y a des gens qui vous épuisent en ne vous écoutant pas ...

Autant il y a des gens qui vous épuisent en vous écoutant.

 

Je m'attarderai sur le dernier point cité. Oui, oui, oui, tout dépend de la manière dont la personne "qui vous écoute" ... vous écoute.

 

Une situation, anecdotique, vécue sur ma tournée, y a quatre ou cinq semaines, me revient.

 

C'était un vendredi, je crois. J'avais démarré ma journée de boulot en super forme. Le tri au bureau, OK. Le début de la tournée, chaussée d'Ixelles, rue de Vergnies, OK.  Soleil sur la route, aussi.

J'arrive, c'est inévitable, au p'tit bistro, rue de Vergnies, où la dame du lieu m'offre chaque jour une petite soupe ou un café.

Pour ne rien gâcher, des tables, dehors, sont déjà installées devant la fenêtre principale du bistro. Je m'y assieds (dix minutes, pas plus), le temps de savourer la ... p'tite soupe. Des gens passent, me sourient. Je suis populaire dans l'coin, faut dire. Tout, tout, tout s'annonce bien.

 

Une connaissance (sympa), qui habite dans une rue pas loin, qui passe par la rue de Vergnies, s'arrête devant moi. Nous bredouillons quelques mots.

Et finit (de sa part) par me retomber (en souriant) l'affirmation classique : "On ne retrouve plus nos lettres au bon endroit" ou "C'est pas évident pour vous, les facteurs ..."

De manière générale, je ne m'attarde plus (trop) sur ces phrases. Je réponds en vitesse ... par une formule toute faite ou un sourire qui approuve. 

 

Ici, allez savoir pourquoi je me mets à répondre dans le détail à cette "connaissance sympa" qui s'est arrêtée (tout y passe, dans ma réponse) : 

Les contrats qui ne sont pas renouvelés ... les facteurs remplaçants qui n'ont que trois jours pour être initiés au métier, après quoi ils doivent se démerder sur le terrain ... les facteurs remplaçants qui sont soumis à des horaires stricts et serrés ... les facteurs remplaçants qui auront leur contrat renouvelé si on peut certifier qu'ils terminent le boulot dans les temps requis ... le temps qu'on passe avec les clients ou les services qu'on rend aux clients, ça n'est pas repris dans le futur plan de travail ...

Et j'en passe, et j'en passe ...

 

Oui, allez savoir pourquoi je réponds dans le détail, sans ret'nue, à cette "connaissance sympa" qui s'est arrêtée ...

Ca vient, ça sort même tout seul.

Je vais bien aujourd'hui, donc tout coule facil'ment.

Je vais bien aujourd'hui, donc je réponds facil'ment, donc je communique facil'ment.

Je vais bien aujourd'hui, donc je récupère toutes les heures, tous les instants où je n'ai pas pu communiquer facil'ment et où je m'en suis senti ... frustré.

Je suis assis sur une chaise de terrasse, donc je suis détendu, ça m'aide à répondre, à communiquer.

Et la "connaissance sympa", qui ne bouge pas, qui marque un regard souriant, disponible, attentif, curieux, à l'écoute ...

C'est si important de se rendre disponible, de partager.

Et je m'entends raconter, raconter. Mon souffle (asthmatique, au départ) est aujourd'hui en parfait accord avec mes phrases, mes mots.

Et la "connaissance sympa" qui continue à écouter, à sourire, à apposer ...

Et la "connaissance sympa" qui adresse parallèl'ment des sourires (polis) aux gens qui passent (ça me déstabilise un peu, mais bon ...)

 

Soudain, je me sens essoufflé. Je marquerais bien une pause. Je reprendrais bien ma soupe. Je reprendrais bien ma respiration. Je fermerais bien les yeux. Je me tairais bien. Mais ... je n'y arrive pas. Mais ... la "connaissance sympa", en face de moi, ne bouge pas, continue à sourire, à sout'nir mon regard, comme si ... j'avais encore quelque chose à dire (ou comme si ... je devais encore dire quelque chose). Je me sens désarmé. Incapable de marquer un arrêt (peur de vexer, peur d'être désagréable ?). Et ... je continue sur ma lancée : je donne encore des indications sur le boulot. La "connaissance sympa" continue à rester devant moi, à sourire, à garder son attitude d'écoute.

 

Voilà que ...

 

Le patron du bistro sort. D'un geste brusque, impulsif, il écarte mon caddy de la table où je suis assis (oui, mon engin lui bouche le passage). Il file vers le garage d'en face (où sa voiture se trouve), et revient, cinq minutes plus tard, avec une caisse d'un certain volume. Il a besoin, le gaillard, d'un minimum de place (et d'espace) pour rev'nir sur ses pas et réintégrer son bistro.

 

Je le connais, ce gars-là. Il est pas méchant pour un sou, mais y a pas un jour où il ne râle pas, où il ne peste pas (à cause d'une facture ou d'une taxe à payer, pour une pension qui lui arrive trop tard).

Je le sais.

N'empêche que, même en connaissance de cause ...

Les vibrations, à côté de vous, d'un gars qui ronchonne, on le sent dans la poitrine. Et on en est particulièr'ment affecté, perturbé quand ça vous interrompt brutal'ment au moment où vous parlez à quelqu'un. On en est tell'ment perturbé qu'on n'arrive plus à réagir, même. On en est tell'ment perturbé qu'on en d'vient sans voix.

 

Et pendant ce temps, la "connaissance sympa" reste devant moi, me sourit, soutient toujours mon regard.

Et pendant ce temps, la "connaissance sympa" sourit toujours parallèl'ment aux gens qui passent dans la rue au même moment.

Et pendant ce temps, la "connaissance sympa" sourit (sans plus) en direction du patron du bistro qui ronchonne devant mon caddy à la mauvaise place.

Jonglerait-elle sur tous les tableaux ?

Je veux garder mon cap. Ne pas me laisser écrouler.

Après trois ou quatre secondes de silence (ou de perturbation), je reprends mes explications sur les difficultés des facteurs.

 

Quinze secondes se passent.

 

Voilà que ...

 

Une dame sans âge, complèt'ment saoûle, sort du bistro. S'est-elle fait mettre dehors ? Plus que probable.

Pendant que je (re)cause à la "connaissance sympa" ...

La dame saoûle me met la main autour du cou. En sentant la bière, j'imagine.

La dame saoûle m'adresse des propos (de bistro) total'ment incompréhensibles.

Je suis à nouveau perturbé dans mon élan.

Bien sûr, le patron du bistro intervient (avec sa rouspétance habituelle) pour ... l'éloigner de moi.

En attendant ...

J'ai supporté, encaissé la mauvaise humeur du patron du bistro.

J'encaisse maint'nant une saoûlarde.

Je dois encore m'interrompre. Physiqu'ment, j'y arrive pas.

 

Et la "connaissance sympa" continue à me sourire, à sout'nir mon regard, à sout'nir les indications que je lui fournis ... sans me manifester extérieur'ment une réponse (qui me montre qu'elle suit mon explication).

Et la "connaissance sympa" continue à sourire devant les gens qui passent.

Et la "connaissance sympa" sourit aussi (d'une manière très très ... polie, très très ... sociale) devant la saoûlarde et son manège.

 

Jusqu'où va donc le degré d'écoute de la "connaissance sympa" ? En profondeur ? En attitude ? Visiblement, elle capte tout.

 

Toujours est-il que ...

Lorsque je termine ma "p'tite soupe" ...

Lorsque la "connaissance sympa" s'en va, quand même ...

Lorsqu'il est temps, pour moi, de me remettre en route et de poursuivre ma tournée ...

Je me sens claqué. Ebranlé. Court-circuité. Toute mon énergie a fichu l'camp.

 

Je réalise que ...

En temps normal, j'aurais fait face au patron de bistro qui ronchonnait.

En temps normal, j'aurais fait face à la saoûlarde.

Quand à la "connaissance sympa", j'ai un peu plus de réserves, de nuance.

 

Ce jour-là ...

Tout le reste de ma tournée, mon souffle trinquait.

Tout le reste de ma tournée, ça sifflait dans ma poitrine (l'asthme, ça ne vous épargne pas).

 

Bien entendu, j'ai survécu.

 

 

 

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