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journal de bord, dimanche 1er mai 2011

"T'as eu du succès avec ta prestation ?"

 

M'a demandé, hier, sur un début d'autoroute, une connaissance.

 

Je lui avais parlé, en long et en large, de la Nuit de la Chanson Française, à Anderlecht, la veille. Soirée où j'ai participé, en tant que chanteur. Soirée où pas mal de gens (de qualité), que je connaissais déjà ou que j'ai découverts, passaient, m'ont procuré mille et mille émotions, mille et mille images.

 

"T'as eu du succès avec ta prestation ?"

"Je passais le dernier !"

"Tu n'as pas répondu à ma question"

 

En effet ... je n'ai pas vraiment répondu à la question. Je ne l'ai même pas fait exprès. C'était tell'ment automatique. Faut dire : en répondant "je passais le dernier", j'établissais un amalgame (encore inconscient) avec une phrase spontanée de ma pote Véronique Laurent (qui animait la soirée) et qui m'avait dit un truc (humoristique) du genre "veinard, tu pass'ras en vedette". Comme je prends parfois (souvent)  les phrases (qu'on me lance, même au s'cond degra) au pied de la lettre, j'avais inévitablement emmagasiné ces mots si caressants, si encourageants avec ... le fait de passer le dernier.

 

Faut dire ...

 

J'étais encore incapable de savoir, de répondre ... si ma prestation avait plu (au public) ou non.

 

Ce n'est pas toujours évident de savoir, avec exactitude, comment les autres nous perçoivent. Les signes ne sont pas toujours visibles, palpables.

 

Revenons à notre belle "Nuit de la Chanson", à Anderlecht, que je ne regrette pas le monde ...

 

J'ai interprété deux chansons. Comme tous ceux, comme toutes celles qui s'étaient inscrit(e)s à la scène ouverte.

 

Je m'attarderai sur le premier de mes deux morceaux : "J'AI PERDU MON BIC".

 

D'habitude, quand je la chante en public, les gens se marrent à chaque bout d'phrase, j'entends clair'ment les éclats de rire qui fusent par ci par là, je joue même avec les éclats de rire, je ralentis l'tempo, je le réaccélère, je marque des temps de pause pour laisser le public rigoler, je me marre avec. Après la prestation, des gens me reparlent de la chanson (un jour, un gamin m'a carrément offert un bic).

 

Or, ici, à Anderlecht, quand je l'ai reprise ...

 

Je ne percevais aucun écho ... à chaque bout de phrase. J'avais régulièr'ment l'impression que mon morceau tombait dans le vide. Ce qui ne veut rien dire ... dans l'absolu. Mais je n'ai pas senti la complicité (avec le public) que je ressens, d'habitude, quand je reprends "J'AI PERDU MON BIC". Ai-je loupé ma cible ? MOn état d'hyper fatigue, lié à ce que j'avais précédemment vécu la journée, a-t-il joué ? Mystère et boule de gomme.

 

Faut dire : il f'sait noir dans la salle.

Faut dire : beaucoup de gens étaient partis (je passais le tout dernier, je l'ai dit).

Faut dire : le premier rang, assis devant moi, dont je percevais quand même les visages et les ombres, était remplis d'artistes comme moi. De gens que je connaissais, que j'estime et qui sont, aussi, comme moi, très critiques envers eux-mêmes et ... envers les autres artistes (ce qui est normal). Cet état de fait, cette prise de conscience, je l'avoue, ajoutée à mon état de fatigue, me déforçait, me bouffait une bonne partie de mon énergie.

 

Faut dire, aussi ...

 

Quand j'ai démarré ma chanson, j'ai encore ... cafouillé (je dis "encore", oui, parce que ça m'arrive souvent).

 

J'avais emprunté une guitare qui n'était pas la mienne. C'était voulu de ma part. Elle sonnait juste. J'avais, avant de passer, entendu, parmi tous les artistes qui passaient en scène ouverte, Stephan, son propriétaire, chanter et s'accompagner avec cette belle guitare, j'avais été enchanté par le son. Spontanément, je lui avais demandé si je pouvais l'essayer. J'aime tant ces emball'ments, ces émerveill'ments (musicaux ou autres) de dernière minute.

 

Et ... la sangle qui reliait la rosace au chevalet de cette guitare, qu'il faut mettre autour du cou pour tenir l'instrument en équilibre me donnait un sentiment de légèr'té pas possible.

 

Et ... quand j'ai démarré ma première chanson, j'ai encore ... cafouillé.

 

Je n'avais pas prévu que ... la position de la guitare était extrêm'ment basse par rapport à ma taille (ou mon tour de poitrine).

Je n'avais pas prévu que ... pour jouer les accords (rapides) de "J'AI PERDU MON BIC", où il faut changer de ton à tous les couplets, mes doigts allaient trimer lorsqu'il allait falloir sout'nir le rythme.

De fait ... la guitare que j'utilise d'habitude, je la mets beaucoup plus haut, beaucoup plus près de mon cou.

 

En plus ... je me gourrais dans les rimes. Dans les bouts de phrase qui démarrent les couplets, qui suivent "j'ai perdu mon bic", je disais "oui c'est dramatique" au lieu de "voilà bien le hic", et vice versa. D'accord, ça ne choque pas. D'accord, ça m'arrive pratiqu'ment chaque fois que je reprends la chanson. D'accord, j'arrive toujours à rebondir. Mais dans l'état d'esprit où je la chantais, vendredi, au Bizou, ce détail, ajouté à tous les autres, ne me faisait ... pas trop de bien.

 

Si bien que ...

 

Je me suis arrêté après le premier (ou le deuxième) couplet. J'ai pris un tabouret. Je me suis assis. J'ai repris ma chanson. Je me suis senti plus à l'aise. J'ai pu tracer. J'ai pu chanter. Pas de réaction hostile dans le public. Pas d'encourag'ment "visible", non plus. INcertitude, toujours.

 

Est venu ensuite la chanson : "OS'RAIS-JE ENCORE DIRE TON PRENOM ?"

 

Avec l'heureuse surprise d'être accompagné par ... Miche (Stennier) à l'harmonica, Philippe (Mai) au ukulélé, Véronique (Laurent) à la flûte, Aurélien (Belle) au piano. Merci pour cette complicité. Sans nous concerter, l'ensemble, qui avait déjà repris ce morceau, lors d'une autre soirée mémorable, s'est mis autour de moi pour donner des ailes à ma chanson. J'aimais, j'aimais, j'aimais. Je suis prêt à recommencer ... à chaque fois que nous nous retrouv'rons.

 

Sauf que ...

 

Pris, à l'intérieur de moi, par mes éternelles contradictions, mille pensées, au moment où j'interprétais ma chanson, se sont greffées dans mon cerveau, dans mon coeur, au même moment. Je pourrais passer, soyons francs, autant de temps (écrire peut-être un roman) à décrire tout ce qui se passe en moi, au moment où je chante, et que personne, dans le public, peut-être, ne voit, ne sent, ne perçoit. Les artistes qui m'ont accompagné, les artistes qui me liront me comprendront sans doute sept sur sept (ça doit leur arriver aussi, lorsqu'ils prestent).

 

En chantant : "OS'RAIS-JE ENCORE DIRE TON PRENOM ?"

 

Je me suis rapp'lé d'un commentaire d'une personne de mon entourage, lié à ce morceau, quand je l'interprète, en étant accompagné (par un ou plusieurs musiciens) : "C'est drôle, je ne reconnais plus ta chanson ... tu chantes beaucoup dans l'aigü ... et quand tu la chantes seul avec ta guitare, tu descends dans les basses ... et ton morceau passe mieux". Je ne sais si ce commentaire reflète la réalité. Je peux dire : il est intéressant, pertinent, ce commentaire. Ca me donne envie d'essayer, de voir. Tout en étant méfiant, à l'idée de descendre dans les basses, quand je suis accompagné par plusieurs musiciens (quand je vais dans les graves, ma voix perd en sonorité et je crains que la totalité des instruments ne l'étouffent). Mais bon, mes appréhensions sont ce qu'elles sont, elles n'ont peut-être rien à voir avec la perception du public, donc ... le meilleur moyen d'avancer est de risquer. Donc : j'ai chanté ma chanson, accompagné par mes amis, en veillant (consciencieus'ment) à descendre dans des tons graves et à risquer la voix intimiste. Je n'ai pas senti de réaction apparente, dans le public. Faut dire : une chanson intimiste, ça s'écoute aussi ... en silence.

 

Après le spectacle, je me suis isolé. Seul à une table. En regardant tous les potes éparpillés dans la pièce. Certains, autour d'une table, causaient autour d'une bière. Chacun a ses repères pour vivre ses prestations, décanter, reprendre pied à la réalité. J'ai beaucoup de mal, après un moment où j'ai chanté, où j'ai donné mon coeur, vidé mes tripes (ou tenté de les vider), de replonger dans un rapport social avec les gens, où on parle de tout et de rien, où il faut rester debout. J'ai besoin de reprendre mon espace, de reprendre mon souffle (quand on chante, on se dépense physiquement, et la respiration s'en ressent). Je me sens même incapable, dans cet état d'abatt'ment (provisoire) de desserrer les dents et de ... parler. Je me sens extrêm'ment vulnérable devant ... les gens qui passent devant moi, qui m'ont vu chanter et ne m'accordent, en apparence, aucun regard. Je me sens aussi extrêm'ment vulnérable devant ... les gens qui viennent me parler. J'ai si peur de leurs critiques, de leurs restrictions. Je sais à quel point, dans ces moments fragiles, mon coeur ne sait pas les entendre, ces critiques (si vraies soient-elles).

 

Au moment de partir ...

 

Une des participantes m'a dit, en toute amitié : "Ton bic, je commence à le connaître". Allez, ma chanson poursuit sa route et fait son ch'min dans plus d'une oreille. Mais ... à tête froide, un jour plus tard, quand je revisite ce commentaire, je me dis : "ne me fait-elle pas comprendre, dans un sourire, que je chante toujours le même morceau et que j'aurais intérêt à me renouveler ?". Incertitude, à nouveau. Chaos, carrément. Solitude extrême. Tout passe dans mes pores.

 

Dieu sait si je n'aime pas me répéter dans mes morceaux.

Dieu sait si j'aime surprendre, étonner (surtout ceux qui me connaissent).

Dieu sait à quel point j'aime ... me surprendre.

 

Faut dire : en voyant le piano, sur la scène, je voulais tenter "LES PIGEONS DE L'ETANG". Une chanson récente. Qui peut tenir la route au piano. Mais ... j'avais si peur de me planter. Je ne l'ai pas encore vraiment dans les doigts, je m'en rends compte quand je la répète sur mon piano, chez moi ou chez des amis. Mais ... j'avais si peur d'entendre : "C'est dommage que tu la bâcles, celle-là, tu as tell'ment de morceaux au point".

 

Où est l'équilibre ?

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