" ACI, GALATEA E POLIFEMO " de George Friedrich Haendel (HWV072, 1708).
RENE JACOBS CONDUCTOR
AKADEMIE FÜR ALTE MUSIK BERLIN
SUNHAE IM ACI
SONIA PRINA GALATEA
MARCOSFINK POLIFEMO
Plongeons dans une pastorale antique et un hymne aux cœurs purs. Le livret, version italienne, écrit par Nicola Giuvo en 1708 est tiré de la légende d'Acis et Galathée telle qu'elle est rapportée dans Les Métamorphoses d’Ovide. L’intrigue est simple et le message encore plus: l’amour sera sauvé, la jalousie ridiculisée.
L’histoire :
Acis, fils de Pan, et Galathée, la nymphe des mers, fille de Neptune, sont épris l'un de l'autre. Mais Galathée verse des larmes. Interrogée par Acis, elle lui révèle qu'elle est poursuivie par le désir vorace et jaloux du cyclope Polyphème. On entend soudain un fracas effroyable. Polyphème sort de sa caverne et s’approche des amoureux. Les trompettes résonnent. Galathée supplie Acis de fuir et de la laisser seule avec le géant. « O dio, t’invola al suo barbaro sdegno, e ti consola ! »
Polyphème, vengeur, s’enflamme et menace de tuer son rival. « Ma che ? Non andrà inulta la schermnita mia flamma, io vilipeso » Réponse « forte » de tout l’orchestre. Mais Galathée défend la cause de l'amour avec courage. Polyphème, impitoyable, se fâche et Acis apparaît soudain pour défendre son amante. Galathée préfère la mort plutôt que de céder au cyclope. Au comble de la jalousie, Polyphème, sûr de ses droits, somme Galathée de répondre à son amour et réitère ses menaces mortelles. Galathée appelle alors son père Neptune au secours. Polyphème se retire sur sa montagne.
Acis, resté seul est rejoint par Galathée. De son côté, Polyphème attend le passage d'Acis pour le fracasser. Alors qu'Acis et Galathée échangent des paroles d'amour, il fait rouler un énorme rocher qui va écraser Acis.
« Verso già l’alma col sangue, lento palpita il moi cor. » Galathée est désespérée. « Misera, e dove sono ? » Elle en appelle alors à son père pour qu'il transforme son amant en fleuve. Polyphème essaye de la retenir, mais elle a déjà rejoint Neptune. Il ne peut que contempler Acis, transformé en fleuve, qui embrasse Galathée dans les flots d'argent.
Si Galathée, Sonia Prina, a un jeu scénique plutôt statique et un registre de voix sans grandes surprises malgré l’émotion et les tourments qui sont bien là, Sunhae Im exploite sa jeune fougue vocale et sa fibre dramatique avec exaltation. Une épaule découverte et vêtue d’un « catsuit » de sombre émeraude parsemé d’incrustations de jais, elle joue à cache-cache parmi les musiciens, tout en nous livrant ses récitatifs très expressifs, et ses vibratos surprenants. Mélange de cabri et de chat, elle chante et bouge en agilité et souplesse puis disparaît et réapparaît comme par magie. C’est une jeune virtuose vocale qui joue avec les couleurs de sa voix de façon audacieuse et sûre, jusqu’à oser des miaulements dorés. Impétueuse, elle a aussi des envolées lyriques pleines de tendresse, particulièrement cet air, agrémenté de flûtes joyeuses : « Qui l’augel da pianta in pianta ». Ses arias entraînent le ravissement musical du spectateur qui en oublie l’orchestre, pour se suspendre à ses lèvres.
C’est une voix d’enfant soulignée par les accords pointés des violons seuls, qui ourlera la mélodie, à la façon de l’astre du jour s’évanouissant dans la mer.
Quant à Polyphème, Markos Fink, voilà une star totalement fascinante. Sa voix semble couvrir presque trois octaves. Sa démonstration vocale stupéfie et il épouse le rôle de Polyphème de façon très théâtrale, descendant de la montagne à pas de géants accompagné par d’âpres dissonances et des violoncelles lugubres. Il est le drame. Sans lui, il n’y aurait pas d’histoire. Ses désespoirs et ses menaces sont vibrants d’intensité et de puissance. On manque d’applaudir en plein spectacle son aria « Fra l’ombre e gl’orrori ». Et sans l’autre géant, René Jacobs, le chef d’orchestre, il n’y aurait pas de musique.
Cette musique à la fois bucolique et somptueuse… créée par Haendel, à 23 ans à peine, a tout pour ravir : la légèreté, la volupté, l’amplitude, la majesté et surtout une richesse d’expressions sans cesse renouvelée. Cela fourmille d’inventivité et d’effets évocateurs, de la palpitation du cœur au ruissellement des eaux. Les instruments y sont pour beaucoup car on se croirait au milieu d’un ballet de hautbois, clavecin, orgue, timbales, basse continue s’ébrouant parmi le grésillement estival des violons.
Cette musique, véritable source de bonheur, est splendidement ciselée par René Jacobs à la baguette. La performance a été applaudie debout, tant l’orchestre « Akademia für alte Musik Berlin » excelle dans l’interprétation.
http://www.bozar.be/activity.php?id=11037&selectiondate=2011-9-13
http://www.klarafestival.be/fr/concert/aci-galatea-e-polifemo
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Sunhay Im