Il y a ceux qui n’aiment plus que de mémoire, tendresse rangée dans les cartons, dans les albums, dans les tiroirs. Alors, de déménagement en déménagement, lorsque les tiroirs dégueulent leur foutoir inutile, on s’arrête sur un objet stupide, bout de plastique oublié laissé par un enfant depuis longtemps parti. Et que cette fois-ci encore, on ne jettera pas.
Il y a ceux qui n’aiment que péniblement, du bout de la peau, du bout des doigts, mais tout au fond du cœur. Ceux que l’on ne touche pas, parce que leur corps est blessure. Et qui voudraient bien que, quand même, même sans la peau, on les aime, quand m’aime. Alors ils essaient de toucher du fond des yeux, du fond des mots, du bout des sourires.
Il y a ceux qui n’aiment qu’en étouffant. Et ceux là, il faut les prendre, les serrer, profiter de leur air et guetter chacun de leur geste. Répondre à chaque mot, courir à chaque cri. Consoler, rassurer, nourrir, élever jusqu’à soi, élever tous les jours jusqu’à l’improbable âge adulte. Et pour ceux là, il faut leur apprendre, ne jamais les laisser, leur promettre toujours, être les murs d’une indestructible maison, être refuge et évasion. Et pour ceux là, il faut être tout.
Il y a ceux qui aiment pour rien. Et sans jamais tendre la main. Ceux là marchent seuls, le cœur trop plein. Ils aiment en silence, comme si le dire faisait peur, comme si les mots faisaient fuir, comme si l’évidence ne pouvait être que muette. Ceux là fuient les effusions, les déclarations qui perdent l’amour propre, ils aiment l’amour qui se sait sans mot dire et craignent le mensonge de la vie qui dépasse. Ils noircissent des feuilles pour que les choses durent. Ils aiment par écrit, ne parlent d’amour qu’avec les yeux et ne veulent rien en échange.
Il y a ceux qui aiment à en pleurer, devant l’écran et dans la vie, qui aiment malgré eux et contre toute raison.Ceux là ont perdu le chemin entre bonheur et chagrin. Ils pêchent par soumission et laissent leurs émotions couler. Ils sont sans pudeurs et supplient pour qu’on les garde. Ils menacent et ils grondent, ils attentent à leur vie, en font un marchandage. Ils aiment plus que tout, de mal en pis et croient être seuls à aimer. Ils sont ceux qu’on quittent, ils sont ceux qu’on trompent, ils sont ceux qui piègent.
Il y a ceux qui aiment pour toujours.
Il y a ceux qui n’aiment jamais.
Commentaires
Superbe ce poème en prose de l’amour « dans tous ses états » !