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administrateur théâtres

Après notre brûlant été 2018, c’est une saison fantastique  qui s’ouvre à Liège avec Il Trovatore de Verdi,  et voilà  un incendie qui se déclare! Alerta ! Alerta ! Du coup de foudre, au brasier des passions, aux tourments du bûcher, aux glaives incandescents sous l’enclume, à cette croix monumentale du Christ rongée aux quatre bouts par les flammes, au feu de camp des gitans,  à l’incandescence des voix…

 S'inspirant du roman gothique romantique de Gutiérrez, Verdi offre des rôles solistes superbement caractérisés qui sont interprétés avec fougue par un casting irréprochable. Voici une sublime installation de tragique sans jamais rien de statique, des voix off oniriques du choeur et de certains solistes, des chants rutilants et visionnaires...  Verdi  fait jaillir la musique enflammée des passions dont nous voyons l’embrasement se propager inexorablement  comme un feu de forêt jusqu’à l’apocalypse finale et ses paroles de damnation. Les solistes, le choeur et son choriphée très proche du théâtre antique sont portés en parfait équilibre avec un orchestre où ils se partagent crépitements, jaillissements, sublimations, éclats, fureurs, explosions et contribuent à accentuer les cascades de pressentiments, les sanglots de douleur et d’amour, les tourments de la jalousie, de l’envie, et de la vengeance. Le châtiment  pour tous. L’œil de la vengeance est immense comme celui de Caïn dans la tombe.  

L’image contient peut-être : une personne ou plus, feu et ciel 

 L’action se déroule dans la Saragosse du XVème siècle. Le comte de Luna est éconduit par la dame d’honneur de la princesse de Navarre, Leonora dont il est éperdument amoureux. Lenora, une divine Yolanda Auyanet  a eu le coup de foudre pour le vaillant Manrico, mais aveuglée par l’amour, elle se trompe de galant...  Azucena, la mère de Manrico, est une gitane obsédée par l’image de sa mère envoyée au  bûcher pour sorcellerie  et qui sur le chemin de son supplice  lui a fait jurer de la venger.  Manrico décide de fuir avec Leonora mais défie Luna qui veut le tuer et  envoyer sa mère au bûcher elle aussi.  Les voilà emprisonnés.   Manrico  en arrive à maudire Leonora dont il croit qu’elle  s’est donnée au Comte pour le sauver. Mais celle-ci bien sûr  a avalé du poison et ne sera jamais l’épouse de Luna.  De rage,  celui-ci ordonne  l’exécution par les flammes de Manrico  tandis qu’Azucena lui explique  qu’il vient de tuer son propre frère  puisque Maurico a été adopté suite à un malencontreux échange d’enfants sur le bûcher. L’opéra s’achève sur la vengeance d’Azucena  qui  a enfin vengé la mort de sa mère… Stefano Virioli signe la mise en scène, Franco Marri est aux lumières: scènes de genre embrasées et flaques de lumière dans les scènes intimes.   

 Cet opéra, un monument de séduction musicale,  dirigé par Daniel Oren aura subjugué une salle, elle aussi enflammée.  Comment ne pas être consumé de plaisir devant la beauté vocale périlleuse des différents  interprètes, tous animés d’une gigantesque flamme intérieure, d’une force et d’une énergie impressionnantes. La complexité musicale de la partition, sa finesse et ses paroxysmes sont  rendus  à la perfection  par l’illustre Daniel Oren, figure légendaire du monde musical  régulièrement invité  dans les lieux les plus prestigieux de notre planète.  On  est certes reconnaissant  au directeur de L'Opéra de Liège Stefano Mazzonis di Pralafera d’avoir pu le convier sur la scène liégeoise. Scrupuleusement attentif aux possibilités vocales de chacun, il maintient une balance parfaite entre les chanteurs et l’orchestre, offre des litières de pizzicati quasi inaudibles pour accueillir les émotions les plus délicates  lors des moments de grâce. Chaque phrasé et chaque nuance sont presque palpables. Quelle douceur infinie dans cette scène avec Violetta Urmana en Azucena,  « mère » passionnée de Manrico-Il Tovatore et figure prophétique,  qui, dévastée par la douleur, clouée au sol, presque morte, émet un chant en duo avec Leonora  que l’on sent émerger de façon quasi imperceptible,  sans que personne ne puisse dire quand cela a commencé. 

 L’œuvre, un monument d’imbroglio romantique et d’invraisemblances, prend le public au cœur de l’irrationnel et de l’émotionnel,  là où siègent les pires pulsions humaines, un lieu sombre où prospèrent les superstitions,  l’on met à mort les sorcières, où fleurit la rivalité,  la haine, où règnent l’orgueil, la jalousie et la soif du pouvoir et finit par conduire inexorablement vers l’enfer.

  O terque qua terque… voici l’inévitable triangle  évoqué par le choix du décor qui évoque une  sorte de pyramide monumentale au pied de laquelle coule le sang des sacrifices humains et rappelle la forme préférée des bûchers. Elle est constituée de deux volées d’escaliers sur lesquels fourmille la sombre dramaturgie espagnole et les gitans.

Le triangle évoque le personnage central, Il Trovatore, un légendaire Fabio Sartori qui est à la fois le rival amoureux du Comte de la Luna, son ennemi guerrier, et l’enfant volé qui s’avère être son frère perdu... Hélas, les retrouvailles sont sanglantes, et frappées par un destin aveugle et destructeur qui indique que la vengeance n’a pas de fin dans la lutte subconsciente entre frères… 

Cette pyramide souligne bien sûr aussi le triangle infernal dans lequel évolue le mysticisme de l’amour  indéfectible de l’ardente  Leonora et son formidable trouvère, Fabio Sartori, un monstre de la scène,  face à  Mario Cassi dans le rôle du Comte de la Luna, qui  nous offre une remarquable performance de  la passion virile et  dévorante. Tous trois jouent à fond l’intensité dramatique, jusqu’aux limites de l’insoutenable violence des sentiments.

La pyramide  est aussi couronnée par trois pics d’actes manqués, qui stigmatise l’aveuglement des passions humaines et souligne une  criante   symbolique  émotionnelle  chez ces personnages.  Leonora, dans la scène du balcon  dans son duo plein de fraîcheur avec Inès (Julie Bailly)  rêve à son idylle, mais  se trompe  fâcheusement d’amoureux! Ensuite, la sorcière se trompe d’enfant et jette le  sien dans le brasier, et finalement, le frère finit par tuer par erreur, son propre frère.  Et c’est la musique somptueuse de Verdi sculptée dans  une infinité de  clairs-obscurs qui soutient  ces  différents édifices de façon grandiose.  C’est ainsi que le public, conquis par cette production fantastique entre mélodrame, onirisme et symbolisme, offrira de longues flambées d’ovations et d’applaudissements pour saluer le succès de ce spectacle monumental servi par des artistes flamboyants.  

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SAMEDI 22 SEPT. 2018 à 20h30 sur Culturebox.

    https://www.operaliege.be/spectacle/il-trovatore/

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