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HISTOIRE COURTE 10.

QUAND J'ETAIS POLICE...

 

J'avais rencontré Larry une première fois, il y a plus de 30 ans... une soirée chez ma soeur en Californie, il accompagnait sa petite amie.

Je ne l'aurais donc certainement pas reconnu, d'autant plus que pour moi à l'époque ce genre d'homme trop beau n'attirait que négativement mon regard! Eh oui! J'étais un peu spécial...

Jean-Louis et moi attendions à Roissy que sortent les passagers en provenance de Los Angeles et je cherchais ma grande soeur du regard... chevelure blonde et couleurs vives étaient mes critères, et aussi je la savais accompagnée de cet ami avec qui elle avait entrepris le voyage, répugnant à être seule pour prendre l'avion. Ce fut un superbe Stetson sur une tête plus haute que toutes les autres qui attira d'abord mon regard, ensuite je découvris le blouson à carreaux rouges et à franges et les bottes de cow-boy, et c'est seulement après que je remarquai cette petite blonde scintillante à ses côtés! Mais oui, c'était ma soeur que je découvrais en finale!

Jean-Louis me lança un regard amusé et m'interrogea :"Tu crois qu'on garde la réservation de ce soir pour le Jules Verne? On va faire sensation avec le cow-boy?"

-Peu importe, on s'en fou, lui répondis-je, il va se changer de toute façon, je tiens à ma Tour Eiffel pour ce soir.

Une demi-heure plus tard nous poussions 2 charriots emplis de bagages jusqu'à la voiture... Simone ne voyage pas léger car Larry lui n'avait qu'une petite valise, un gros sac et...un carton à chapeau!!!

Nous avions réservé 3 chambres dans notre petit hôtel habituel non loin de Saint Augustin. La réceptionniste ne pouvait détacher les yeux de Larry et lui fit un sourire aguicheur en lui remettant la clé de sa chambre.

J'accompagnais ma soeur dans la sienne et l'aidai à défaire une de ses valises, qu'elle avait réservée pour Paris. Elle était ravie d'aller dîner dans ce grand restaurant et me dit de ne pas m'inquiéter, Larry peut être très élégant, tu verras! Je me sentais d'un autre monde dans ma petite robe noire au col d'organdi blanc, modèle de Saint Laurent, d'une sobriété qui semblait spartiate face aux volants turquoise de la robe vaporeuse prévue par ma soeur...

Jean-Louis dans son costume d'alpaga gris foncé était très classe, il était descendu nous attendre au petit bar à côté de la réception... A nouveau c'est un grand Stetson que je vis en premier au sortir de l'ascenseur, gris perle cette fois et dessous une longiligne silhouette en bleu marine, chemise blanche et bottes de croco noir! Larry était d'une élégance peut-être différente mais indéniable! Les serveurs du Jules Verne ne s'y sont pas trompés, nous avons été soignés aux petits oignons...comme des stars américaines!

Je me souviens particulièrement du regard de Larry ce soir là, un regard d'enfant heureux qui profite jusqu'à la lie de sa chance du moment. Paris à ses pieds scintillait de lumière, les vins et les mets flattaient son palais et ses yeux ne savaient si je puis ainsi m'exprimer où donner de la tête, trop de jolies femmes en une fois à détailler! Toutefois avec de la discrétion et j'ai apprécié. Son accent canadien et la relative aisance de son français ajoutaient à son charme et l'homme aimait bien raconter, il était même extrèmement bavard! Encore une chose dont je n'avais pas souvenance... Je pense pouvoir dire que nous avons tous les quatre passé une soirée délicieuse... Nous avons fait un tour de Paris en voiture avant le retour à l'hôtel pour montrer la ville lumière dans toute sa splendeur à Larry et aussi à ma soeur qui n'en avait plus qu'un trop vague souvenir, la soirée était tiède, ce début d'octobre avait encore quelques relents d'été, et nous roulions doucement avec même les vitres baissées! Instants précieux, moment de beauté et de conivence.

Après une nuit calme, nous sommes partis vers les 10h pour un petit déjeuner chez Fauchon, la circulation était dense et les places de parking rares! Nous avons donc du marcher un peu, ce qui n'était pas des plus agréable pour Simone qui a toujours détesté cela, mais ce qui a ravi Larry, qui ouvrait à nouveau tout grands ses yeux d'enfant!

A propos d'enfants, ceux que nous croisions se retournaient sur Larry qui avait repris sa tenue de trappeur, blouson à carreaux et tutti quanti!... Je me souviens de l'un d'eux qui se planta devant lui et lui demanda :

-Toi tu es un cow-boy, tu viens du Far-West?

Et mon Larry de lui répondre en français à sa grande stupéfaction

-Oui mais j'ai du laisser mon cheval à l'hôtel, c'est très difficile ici avec les voitures!

-Où as-tu appris le français?

-Ici, je suis arrivé hier, j'ai eu tout le temps, nous les cow-boys, on apprend vite!

La tête du gamin me fait encore sourire aujourd'hui. J'ai adoré l'humour un peu particulier de Larry!

Le temps était toujours aussi clément et c'est sous le soleil que nous avons visité toute la journée, alternant monuments, parcs et bords de Seine. Le soir nous étions si fatigués qu'un plat du jour à la brasserie non loin de l'hôtel nous a parfaitement convenu et nous sommes rentrés tôt car le lendemain nous partions en direction de la Provence...

L'autoroute du soleil portait admirablement son nom, nous nous sommes arrêtés juste pour un sandwich et de l'essence car nous comptions arriver le plus tôt possible dans notre repaire au creux des vignes, nous y étions à 18H pétantes! Performance de bon conducteur, Jean-Louis avait assuré!

Au sortir de la voiture, l'odeur du thym et de la lavande nous est comme à l'accoutumée montée au nez... Larry étira ses grands membres, sourit et nous dit, c'est un coin de paradis ici, Simone frissonnait car malgré le soleil en ce début de soirée la température était fraiche, nous nous hâtâmes de mettre en route le chauffage électrique et de descendre les bagages, puis j'encourageai ma soeur, juste 5 minutes en voiture jusqu'au resto du village, tu vas voir, c'est délicieux et sympa et après un gros dodo dans un lit douillet et une chambre bien chaude... J'eu droit à un pâle sourire et comme commentaire : Demain on ne bouge pas!

Larry me fit un clin d'oeil, je crois que c'est à cet instant qu'une coninvence s'est installée entre nous.

Nous étions les seuls convives dans le resto "La petite cave" car il était encore tôt et nous étions complètement hors saison. Le patron nous offrit l'apéritif et s'installa à notre table, posant plein de questions à Larry, qui s'amusait visiblement de la curiosité qu'il suscitait!

Simone enfin détendue évoquait ses souvenirs parisiens lorsque durant la guerre elle y rencontrait le bel officier qui serait son mari et dont elle se voulait encore inconsolable après près de 10 ans de veuvage! Mais la fatigue du voyage se faisait sentir chez chacun, nous décidâmes de nous diriger vers la petite maison où nos lits vite faits, bien faits, nous attendaient.

Jean-Louis proposa :

-Les filles vous allez chercher la voiture et je descends au bistrot du village avec Larry, prendre un dernier verre et lui montrer les lieux où chaque matin je viens prendre un petit noir en allant chercher les croissants...

-O.K. on vous récupère dans un quart d'heure!

Nous attendîmes 20 bonnes minutes au coin de la rue que les hommes se décident à nous rejoindre... ils étaient tous deux hilares! Larry avait fait sensation en retirant son portefeuille de sa botte pour payer... il était déjà baptisé Gary Cooper par le village, et était bien décidé à aller aux croissants avec Jean-Louis le lendemain!

Je me réveillai tôt le lendemain matin, j'avais parfaitement récupéré et étais impatiente de redonner vie et surtout allure à la maison. Un coup de balais sur la terrasse où le mistral amassait les feuilles, couper les feuilles du palmier là ou le brun avait gagné, sortir les matelas et les chaises longues, le temps était radieux, il n'était que 7H mais je me sentais dans une forme olympique et voulais profiter du sommeil de mes hôtes et de mon mari pour m'avancer...

Tout de même je voulais commencer par un petit café et dans la cuisine...je découvris Larry, torse nu et une tasse à la main qui me sourit et interrogea :

-Je viens d'en faire, je me suis permis, étant toujours matinal, je vous en sers un?

Ce disant il prit le pull qui était posé sur la table et l'enfila en me souriant de ses dents éclatantes de blancheur...

-Merci, avec plaisir dis-je en m'assayant sur le siège face à lui après avoir sorti une boite de biscuit du vaisselier.

Il faisait encore frais dans la maison, mais un beau soleil traversait la fenêtre et nous faisait le cadeau de sa complicité.

Larry me servit le café avec beaucoup de naturel, il était parfaitement intégré et semblait être toujours et partout à l'aise. Il profita de cet instant d'intimité pour me remercier chaleureusement de notre accueil et me dire son émerveillement à se retrouver là dans la vielle Europe dont il rêvait depuis l'enfance! J'ai toujours su que j'y viendrais un jour mais je ne l'espérais pas dans ces conditions, je noublierai jamais le regard que vous m'avez permis d'avoir sur Paris!

A mon tour, je l'ai remercié d'être un ami fidèle et présent pour ma soeur et de l'avoir aidée après son deuil. Il me sourit et enchaina :

-Il me faut bien un peu de patience, car son entente avec Herbert était souvent conflictuelle les dernières années, elle ne supportait pas son penchant pour la bouteille depuis son retour de Corée, qui s'était amplifié lorsqu'il fut pensionné trop tôt à cause de ses années de guerre! Ah! Entendre ses regrets éternels pour son grand amour, alors qu'elle pourrait encore profiter du bonheur de vivre... Mais je lui suis tellement reconnaissant de nous avoir aidés Yetti et moi que je lui pardonnerai toujours tout! Je suppose que tu connais l'histoire?

-Oui, dans les grandes lignes.. toi aussi tu as perdu ton big love!

-C'est vrai que Yetti fut ma grande histoire et si j'ai accepté de la partager avec son mari à cause des 4 enfants, je ne l'ai pas idéalisée pour autant, simplement elle m'était nécessaire parce que ma vie était plus belle avec elle de n'importe quelle manière! J'ai fait tellement de choses avant de la rencontrer, j'ai chassé l'ours étant enfant dans les montagnes avec mon père, j'ai même fabriqué mon propre savon tellement nous vivions replié sur nous-même, puis il y eu la guerre que je fis dans le pacifique  et où mon innocense s'est envolée et au retour, je suis tombé amoureux d'Harriet, cette jolie blonde qui travaillait à l'hôpital où j'ai été soigné!

Je l'ai si vite épousée de peur qu'elle ne m'échappe, je voulais tellement vivre et rattraper le tems perdu par cette foutue guerre!

Elle rêvait de Californie et nous sommes donc partis nous installer à Los Angeles où je me suis fait engager dans la police assez facilement suite à mes états de service des 4 années les plus pénibles de mon existence!

Je travaillais beaucoup et je n'ai pas de suite observé la descente aux enfers de ma moitié... pour moi, je l'avais épousée, je travaillais dur pour assurer notre confort! Je lui avais fait 2 fils... que désirer de plus? Et lorsque je me suis rendu compte de mon erreur et de ma stupidité, il était déjà trop tard, la seule chose concrète que je pouvais encore faire pour Harriet était de la placer dans une maison appropriée où on l'empêcherait de se faire du mal et j'étais seul dorénavent pour assumer nos fils!

C'est eux, curieusement qui m'ont conduit vers Yetti que j'ai rencontrée lors d'une réunion parentale à l'école. Non seulement elle était d'une beauté qui attirait tous les regards mais elle semblait si tranquille, si en accord avec elle-même, avec la vie, elle prenait très au sérieux l'éducation de ses 4 enfants et trouvait l'école trop laxiste sur l'obéissance et le savoir vivre. Pour l'européenne qu'elle était restée mentalement l'enfant n'était pas un roi mais un petit prince qui devait apprendre avec respect les modalités de la vie et se conformer aux désirs et surtout à l'expérience des aînés, je lui ai donc tout naturellement parlé de mes difficultés à me faire obéir et me suis toujours félicité d'avoir mis ses principes de bon sens en pratique!

Nous étions un vendredi soir et tout simplement elle nous a invités mes fils et moi pour un barbecue le dimanche midi. J'ai donc fait la connaissance de son mari Louis et de ses beaux-parents qui tous trois étaient en admiration devant elle, ce qui je l'ai tout de suite deviné l'agaçait prodigieusement!

Il y a eu entre nous ces regards qui ne trompent pas, une attente l'un de l'autre, une soif qu'il fallait étancher! Et nous l'avons fait et cela a duré plus de 20 ans! Je pense que Louis avait compris mais il a su se taire et ainsi garder sa famille, contrairement à ce qu'on peut penser ce n'était pas un faible, mais une grande force tranquille qui attendait que tout rentre un jour dans l'ordre et qui a fini par l'obtenir!

 

Dans la maisonnée les bruits du matin se sont manifestés et notre aparté prit donc fin. La journée était magnifique, nous décidâmes de partir au marché de Lorgues et d'y déjeuner sur place.

C'est 2 jours plus tard que nous partîmes pour Monaco, le temps était merveilleux, ensoleillé sans être trop chaud en cette arrière saison. Nous sommes partis tôt ayant le projet d'un arrêt à Nice pour y déjeuner, c'est ce que nous avons fait à une terrasse près du marché aux fleurs. Larry était heureux et excité comme un enfant, SImone en aparté me confia :

-Il m'énerve, je me demande si je n'aurais pas mieux fait de venir seule, tu ne m'en veux pas de te l'avoir infligé?

-Mais pas du tout, je trouve sympathique en diable cet enthousiasme chez un homme d'âge mur!

-C'est vrai qu'il était grand admirateur de Grace Kelly, c'est son type de femme, j'ai toujours trouvé que Yetti lui ressemblait, le feu sous la glace... alors découvrir l'endroit où elle a vécu...il est sur un petit nuage!

Après nous être promenés dans les si beaux jardins de la principauté, nous nous sommes retrouvés devant le palais, où une sentinelle monte la garde.

Larry ne pouvait détacher ses yeux de cette silhouette immobile en tenue d'apparat et Jean-Louis eut beau lui expliquer qu'il n'avait pas le droit de bouger et encore moins celui de parler... Mon Larry s'est planté devant le pauvre homme et a commencé une conversation qui bien entendu s'est avéré un monologue!

Ma soeur,Jean-Louis et moi-même étions resté à bonne distance, ne voulant causer aucun problème et nous n'entendions que des bribes du monologue qui avait commencé par :

-Quand j'étais police, pendant la guerre en Europe et puis à Los Angeles, nous montions la garde parfois, mais cela ne nous a jamais empêché de parler... Allons mon garçon, pourquoi tu ne veux pas me dire si le prince...

Le manège a duré un bon quart d'heure et nous craignons que si la relève arrive, elle ne bouscule un peu notre grand enfant! Jean-Louis finit par se décider à aller prendre Larry par le bras en lui promettant la visite du meilleur bar à cocktails  de la principauté. L'argument était bien choisi et nous avons quitté la place en compagnie de notre homme qui pour le reste de la soirée n'a cessé de nous expliquer que ce genre de règlement devait dater du moyen-âge et était totalement absurde...

Quant à moi je n'ai jamais pu oublier la vision de Larry gesticulant devant le palais dans le soleil couchant et nous, impuissants et essayant de garder notre sérieux sans y parvenir d'ailleurs!

Le soir dans notre chambre en évoquant cette anecdote Jean-Louis et moi pleurions de rire. Nous aurions voulu être extralucides pour lire dans les pensées de cette malheureuse sentinelle dont le stoïcisme nous avait bluffés!

 

Deux années plus tard, lorsque Simone dans un courrier nous apprit la mort de Larry, emporté par un cancer qui avait eu raison de son opiniâtreté et de son optimisme et contre lequel il avait lutté avec détermination tout en sachant sa cause perdue, ce sont d'autres larmes que nous avons versées en évoquant les souvenirs de ce voyage et de celui que nous appelions affectueusement depuis cette époque ...Monsieur Quand j'étais police...

 

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Commentaires

  • Merci, d'avoir donné vie à mon texte avec vos commentaires, toujours si attendus... j'adore raconter c'est une façon de s'évader de la routine...

    Beau dimanche à tous

    Amicalement

    Jacqueline

  • Bonjour Jacqueline,

    Merci d' avoir partagé ce moment de sympathies  intercontinentales sur fond de senteurs  estivales avec les amis d' Arts et Lettres ! 

    Ton texte montre à merveille la fragilité de toute chose...

    Belle fin de semaine et amitiés, Nicole

  • Bonjour Jacqueline

     

    Nous apprenons de ceux qui font force et qualité de ce qu'on pourrait leur reprocher ... Ce sont eux qui détiennent la vérité de comment il convient d'exister ...

     

    Bonne journée. Amitiés. Gil 

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