La frénésie s’est-elle emparée de nous ?
Alors qu’on pouvait penser que seules certaines coutumes ancestrales, au cours desquelles l’on danse jusqu’à épuisement en entrant dans des transes épileptiques subsistaient encore , en fait il n’en est rien. Ces transes là nous ont rejoints ou plutôt nous sommes allés vers elles pour être précis. Alors que nos déguisements sont différents- même si la tentation de ce chemin exotique revêt parfois des accoutrements semblables –la frénésie semble tout à fait pareille.

Exemple : le tam-tam annonciateur des nouvelles dans la brousse s’est répandu chez les « civilisés » de la ville. On pouvait bien se moquer des joueurs emplumés de tam-tam ou des indiens, l’oreille collée au sol. Nous les avons copiés et rejoints, une petite boite collée à l’oreille. Certains ont songé à la greffer à l’oreille ou à une dent ce qui permettrait de mieux faciliter encore le tam-tam. Nous pourrions ainsi entrer en transe perpétuelle, même si nous n’en sommes plus très loin, devant des fromages, des vitrines de chaussures, des belles voitures ! Les yeux au ciel, fiers d’être » modernes », connectés à l’autre bout de la planète, nous nous marchons sur les pieds comme des zombies. Pas le temps d’une excuse, seul le forfait compte, rien que la question ou la réponse au cadran compte. La peur inconsciente d’être déconnecté provoque une frénésie grandissante de l’immédiateté au péril de tout le reste.

Ouf, voici le week-end. On va pouvoir décompresser et intégrer la jungle de l’oubli de soi : la discothèque. Enfin la « boite » pour être précis. On quitte « la boite » de son emploi pour rejoindre » la boite » de sa folie. Là, où sur des contorsions aussi ahurissantes qu’abêtissantes, nous faisons revivre notre ancêtre néanderthalien ou crétacé. Crétacé, crétin-sait .C’est facile, je sais, mais c’est fait !

Assourdis à gogo, nus et enivrés jusqu’à l’étourdissement, nous nous encastrons définitivement dans le premier pylône. Quelques derniers sursauts viennent clore la frénésie naïve et innocente sensée nous distraire de la réalité avant de perdre définitivement connaissance. Voilà, c’est la fin des contorsions, du jusqu’au- boutisme qui s’est infiltré dans nos esprits comme le vent d’un nouveau bonheur !

De toute évidence la peur est à l’origine des comportements frénétiques. Peur du lendemain, de la solitude, de vieillir, du temps qui passe, des horizons bouchés, des diplômes qui ne servent à rien, d’affronter les compromissions, d’obéir, de diriger, d’assumer… et le » toujours plus » qui n’est pas étranger à la liste. A quand le « plutôt-moins » pour mettre un peu de sérénité, ne serait-ce que le temps d’un mois de vacances ?

Pensée d’un matin pluvieux ( 8/7/2012 )