Difficile de s’en passer…voici un festival croquignolet dirait-on dans le Routard, à propos du Brussels Piano Festival
Hospitalité, cordialité et excellence sont les maître-mots de ce festival bruxellois qui se déroule chaque année dans un cadre bruxellois prestigieux, rien moins qu’une des plus belles salles de Belgique, la salle gothique de l’hôtel de ville de Bruxelles... L’initiateur de ce festival est Marc Castelain, lauréat du Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles (classe de piano d’André Dumortier) et licencié en Musicologie (ULB) qui pourrait sûrement dire avec Leonard Bernstein « On ne vend pas la musique. On la partage. » On l’a connu et écouté avec passion sur les ondes de la RTBF (Musiq3). Il était particulièrement connu pour ses présentations d’opéra et ses émissions consacrées au piano. Cet instrument est son porte-bonheur et le mène aux quatre coins de la planète pour visiter festivals et concours internationaux de piano.
C’est là qu’il repère les talents qui ne sont pas encore « phagocytés par les circuits classiques ». Chaque artiste invité est une réelle personnalité et possède ce quelque chose de particulier que les autres n’ont pas. Ainsi à l’ouverture du festival, le public a pu s’en prendre plein les oreilles avec les fulgurances pianistiques gorgées de plaisir du jeune pianiste belge Florian Noack, remarqué comme « l’un des pianistes les plus prometteurs de la nouvelle génération ».
Florian Noack découvre le piano dès l’âge de 4 ans. Il entre à 12 ans à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth dans le cycle pour ‘jeunes talents exceptionnels’. Il suit des master class auprès d’A.R. El Bacha, D. Bashkirov, V. Margulis et Brigitte Engerer. Alors qu’il n’a que 14 ans, celle-ci écrivait : « J’ai été très impressionnée par sa maturité, ses grandes capacités techniques, son intelligence et sa musicalité naturelle. Pour moi, son brillant avenir de pianiste ne fait aucun doute. »
Il remporte de nombreux prix et parcourt l’Europe : passionné par les œuvres rares du répertoire romantique et post-romantique (Medtner, Liapounov, Dohnanyi…), Florian Noack est également auteur de transcriptions d’après des œuvres de Tchaïkovsky, Rachmaninov, Rimsky-Korsakov, etc. Un créatif-natif !
Il est l’invité de nombreux festivals en France, en Allemagne, en Chine, en Corée et aux Etats-Unis. La Lettre du Musicien le qualifie de « tout jeune virtuose à la sonorité éblouissante », à la suite de son récital à Lyon.
A 20 ans, il remporte le 2ème Prix et le Prix du Public au concours Rachmaninov, et, l’année suivante, le 3ème Prix au Concours International de Cologne, le 2ème au Concours International Robert Schumann et enfin, en 2013 le 1er Prix du Concours Karlrobert Kreiten.
Il est devant nous ce soir, pour partager lors de son récital tous les facettes généreuses de son âme et la virtuosité de son talent. Il a réalisé la transcription pour piano du Concerto pour quatre clavecins BWV 1065 de JS Bach, œuvre elle-même transcrite de Vivaldi. La méditation centrale est entourée de carillonnements virevoltants, c’est un festin presque jazzy, bouillonnant de couleurs. On est conquis. Ensuite viennent les Variations sur un thème de Hüttenbrenner D. 576. de Schubert ciselées avec tendresse, rondes nostalgiques, couleurs franches et sonorités flûtées, réveils de cordes qui rappellent la harpe, mais il est au piano bien sûr. Il sème à tous vents ses accords graves vifs et claquants. Le toucher est délicat, long et caressant. Voilà la mélodie qui saute à gauche, les accords à droite ont une saveur et un art de confiseur, puis la main gauche explose de notes frappées pendant la promenade d’arpèges à droite. Le jeu de dynamiques sautille, cabriole ! Schubert est magnifique sous le regard des statues de bois sculpté de la salle gothique et d’un public profondément heureux.
Le charme pianistique est contagieux dans les Danses polovtsiennes de Borodin qu’il interprète dans un arrangement personnel éblouissant. Le deus ex musica déborde d’énergie vitale et de passion bondissante. Après l’entracte il y aura les Six des Douze Etudes Transcendantes op. 11 de S. Lyapunov: Berceuse, Carillons, Tempête, Nuit d’été, Ronde des Sylphes, Lesghinka. Un déluge de puissance et de ferveur, de mystère et de bonheur que l’on peut retrouver gravé dans son dernier CD.
Ce n’est pas tout: le musicien dans l’âme et le corps offre des encore avec une pièce à la manière de Borodine de Ravel et le Nachtbilder No.8 de Theodor Kirchner!
Notez les prochaines dates de récital du Brussels Piano Festival Infos www.brusselspianofestival.com :
Le 11/10 : Heejae Kim (Corée), dans Chopin, Bach, Bach/Busoni et Schubert
Le 18/10 : Alberto Ferro (prix Musiq’3 du Reine Elisabeth 2016) Italie, dans Chopin, Debussy et Chostakovitch
Le 25/10 : Tomoki Sakata, dans Mozart, Liszt, Takemitsu et Granados
Commentaires
Une découverte, tant de l’oeuvre que de l’interprète
Le 16 janvier 2017 par Bernadette BeyneSergei LYAPOUNOV
(1859 – 1924)
Oeuvres pour piano Vol. 2 : Novelette op. 18 – Barcarolle op. 46 – Humoreske op. 34 – 3 Pièces op. 1 – 7 Préludes op. 6 – Chant du crépuscule op. 22 – Variations et Fugue sur un thème russe op. 49 – Fêtes de Noël op. 41
Florian Noack (piano)
2016-SACD-79’25 »-Textes de présentation en allemand, anglais, français-Ars 38 209
Après un enregistrement consacré à la danse dans l’oeuvre pour piano de Sergei Lyapounov, Florian Noack propose ici le second CD de ce qui sera une intégrale de l’oeuvres pour piano du maître russe. Il fallait la curiosité toujours en éveil de ce jeune pianiste pour réaliser cette entreprise. Car que reste-t-il de ce compositeur aujourd’hui ? Bien sûr les Etudes transcendantes inspirées de Liszt ou encore le concerto pour piano. En réalisant cette intégrale, Florian Noack nous fait entendre le chaînon manquant entre le Groupe des Cinq / Tchaikovski et la génération Scriabine, Stravinsky, Prokofiev et Chostakovitch. Disciple de Mili Balakirev qui fut aussi son mentor, Sergei Lyapounov nous laisse presque quatre-vingts opus consacrés surtout au piano mais aussi des quatuors, des oeuvres chorales et symphoniques. Les pièces reprises ici ne se déclinent pas selon un thème comme ce fut le cas pour le premier CD consacré au compositeur si ce n’est qu’elles nous font découvrir plusieurs facettes de celui-ci, des oeuvres de jeunesses et de moins jeunes. A travers celles-ci, on accompagne son parcours fait de virtuosité -Lyapounov était également pianiste-, de poésie, d’intimité, de mignardise parfois, maître de la grande et de la petite forme, tantôt inspiré par son maître, rappelant ci-et-là Chopin ou même Scriabine sans négliger l’inspiration populaire. Les opus 18, 34 et 22 sont des premières au disque. Il fallait la palette extrêmement variée du talent de Florian Noack pour nous offrir la quintessence de ces pièces qui, sous d’autres doigts, regagneraient le répertoire de salon. C’est avec naturel que ce jeune pianiste maîtrise le son et la couleur serties au sein d’une technique infaillible et jamais démonstrative.
Bernadette Beyne
Son 10 – Livret de Guy Sacre 10 – Répertoire 8 – Interprétation 10
Et voilà le tant attendu volume 2 des oeuvres pour piano de Sergei Lyapunov par Florian Noack
le bel article de MARTINE D. MERGEAY :
Parmi les initiatives de "niche" qui font la vitalité musicale d’une ville comme Bruxelles, le Brussels Piano Festival se présente comme une scène privilégiée : s’y présentent, sans tambour ni trompette (il en faudrait un peu d’ailleurs), des pianistes de tout premier plan, recrutés aux quatre coins de la planète par le directeur artistique du festival, Marc Castelain, musicologue, ancien producteur de Musiq’3, fin connaisseur de ce piano qu’il lui-même pratiqué et enseigné. Les artistes invités ne sont pas nécessairement connus en Belgique, mais tous sont lauréats des concours les plus exigeants et sont déjà largement reconnus au niveau international. Coup de bol : l’invité de mercredi soir, répondant à tous ces critères prestigieux, n’en était pas moins belge, il fut d’ailleurs présenté dans ces colonnes à l’occasion de son passage au Concours Reine Elisabeth 2016.
Né à Bruxelles en 1990, formé à Cologne et à Bâle, passé par la Chapelle Musicale Reine Elisabeth (à 12 ans), Florian Noack apparaît aujourd’hui comme un artiste profondément original, exprimant à travers un piano totalement maîtrisé - mais de façon naturelle, organique, "amicale" - une familiarité stupéfiante avec la matière musicale et une richesse d’inspiration infinie.
Selon son habitude, il avait mis au programme de son récital un assortiment de transcriptions de son cru - le Concerto pour 4 clavecins de Bach et les Danses Polovtsiennes de Borodine - et d’œuvres peu ou pas connues - les Variations sur un thème de Hüttenbrenner de Schubert et six des douze Etudes transcendantes op. 11, de Serge Liapounov (au programme de son dernier CD). A travers tout : un maximum de couleurs, de nuances, de douceur, de virtuosité, de dynamique - avec des passages éclatants de puissance - et d’engagement, un plaisir visible (et partagé) et une lisibilité quasi pédagogique de la musique, autant dans les enchevêtrements savants des voix de Bach que dans les réminiscences de l’orchestration de Borodine ou les déferlantes de Liapounov. Avec une grâce quasi surnaturelle. La quadrature du cercle.
Les prochains récitals du Brussels Piano Festival permettront d’entendre la Coréenne Heejae Kim, dans Chopin, Bach, Bach/Busoni et Schubert (le 11/10), l’Italien Alberto Ferro (prix Musiq’3 du Reine Elisabeth 2016) dans Chopin, Debussy et Chostakovitch ((le 18/10) et le Japonais Tomoki Sakata, dans Mozart, Liszt, Takemitsu et Granados (le 25/10).