Il est encore temps de vous précipiter…encore à l'affiche jusqu'au 07/05/11
De l’excellent théâtre satirique contemporain, et même classique, pour l’observance de la règle des trois unités. Le texte est d’un sarcasme exquis. Le collège catholique Saint-Nicolas respire lui aussi la règle, la rigueur, la vertu. Sa directrice, sœur Aloysius admirablement interprétée par Patricia Ide a la voix sèche comme des feuilles mortes, le visage fané et jauni, la paire de lunettes austère, la cambrure des reins hautaine, la coiffe et la pèlerine, noires de paranoïa. Elle a même entamé une campagne de mauvais aloi contre les stylos à bille.
En 1960 dans le Bronx, c’est le seul établissement scolaire qui permettra l’accès au lycée et ensuite à l’université. Donald Miller, 12 ans, est un enfant isolé et aussi un enfant de couleur, le seul parmi ses congénères. On apprendra qu’il est battu par son père car dans l’air… il y a des doutes, sur « ses tendances ». Accueillant, charismatique, rêvant que l’église s’ouvrira à plus d’humanité et moins d’hiérarchie, que l’enseignement a une vocation progressiste, le père Flynn (le talentueux Olivier Massart) écoute l’enfant esseulé.
L’air étouffe de non-dits, mais ce qui se dit est que ce prêtre a sans doute des attitudes ambigües avec cet enfant protégé par sa mère mais sauvagement rejeté par son père.
Cela dérange, cette passion du jardinier de voir s’épanouir dans la douceur, les jeunes qui vous sont confiés. Les mêmes reproches s’adressent à Sœur James, (la radieuse Caroline Kempeneers), jeune professeur d’histoire, toujours en mal d’approbation mais si inspirée dans sa générosité de cœur. Elle aussi fait tache dans cet univers caverneux. « Ne vous laissez pas séduire par leur intelligence ou la vôtre », prévient la directrice. « La satisfaction est un vice ! » « Donnez le cours d’histoire sans y donner le sucre ! » « Les professeurs naïfs sont souvent dupés » lâche-t-elle d’un ton glacial. Le père Flynn joue au basket au soleil et prépare avec une créativité nouvelle le spectacle de Noël. Las ! La directrice est forte de ses certitudes et fera une campagne féroce contre le prêtre, armée de sa seule conviction personnelle sans aucune preuve contre lui …
Cris de corbeaux, jardin de cailloux, phrases à double sens, humour mordant, atmosphère nauséabonde, tout contribue à l’éviction du généreux homme. Les larmes aux yeux, la mère de l’enfant, plaidera pour un peu de mansuétude et posera cette question troublante: « Pourquoi avez-vous besoin d’être si sûre de quelque chose dont vous n’êtes pas sûre ? ». La directrice, méprisante et inaccessible, sait ce qu’elle a à faire et l’enfant pleurera.
Le rythme du spectacle tient le spectateur aux abois, le texte tourmente, les interprétations engagées du quatuor de personnages sont magistrales, la comédienne africaine, Babetida Dadjo, est un régal d’humanité. Le public du Public, immensément reconnaissant, bat cinq retours sur scène consécutifs. Doute ? A conjuguer sans doute … à l’impératif.
DOUTE
de John Patrick Shanley
Mise en scène: Michel Kacenelenbogen / Avec Patricia Ide, Caroline Kempeneers,
Olivier Massart, Babetida Sadjo
DU 22/03/11 AU 07/05/11
http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=265&source=videos
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