Carmin.
L’atelier était dans un désordre indescriptible. Des toiles avaient volé dans tous les sens et étaient restées dans l’état où elles étaient retombées. Les chevalets renversés dressaient leurs pieds indécents vers les policiers. Les tubes de couleur avaient éclaté et dégoulinaient le long des murs où les crochets dépouillés de leurs peintures faisaient dévier leurs coulures. Les pinceaux s’éparpillaient dans le fouillis des tissus qui recouvraient à l’origine les œuvres récentes.
Et du sang, du sang partout, du sol au plafond où les giclures avaient dessiné un ciel pointillé de ses éclats.
Et Carmen, affalée au centre de la salle, face contre terre, son ample tablier relevé de manière obscène sur ses larges cuisses poilues ; la main droite levée en un geste de défense, serrant encore son plumeau au bouquet multicolore ; sa main gauche dérisoirement posée sur sa nuque tailladée de multiples plaies.
Et Jean, assis hébété au milieu du carnage, regardant le scène d’un œil fixe, un petit kriss maltais serré convulsivement contre sa poitrine osseuse.
-Mais qu’est-ce qui vous a pris, Monsieur Martin ? Après quarante ans de mariage… Qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?
-Elle a perdu le rouge carmin… Elle le savait qu’elle ne pouvait pas toucher à mes tubes…
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