DÉCÈS : GUY MARCHAND S’EN EST ALLÉ
Acteur, chanteur, saxophoniste et écrivain français, Guy Marchand est parti sur un air de tango. Cet air qu’il chantait si bien. « La mort est une belle femme que je vais embrasser », disait ce crooner de charme dans Né à Belleville, son dernier album qui résonne comme une épitaphe : « Sans un regret, sans un remords, on mettra sur ma tombe : Merci, Mesdames. L’homme qui murmure à l’oreille des femmes. Rhabillez-moi tous les violons et coupez le son. »
Le son des violons s’est éteint ce vendredi 15 décembre 2023 à l’hôpital de Cavaillon, dans le Vaucluse, où le comédien est décédé à l’âge de 86 ans. Il était né en 1937.
Voitures et femmes
Fils d’un ferrailleur et d’une mère au foyer pour laquelle il avait une immense admiration, Guy Marchand a grandi à Belleville, dans un quartier de l’est de Paris, durant les années d’occupation et celles d’après-guerre, où la tuberculose le frappe. Une primo-infection dont il se remet lentement en découvrant l’équitation et la passion des chevaux durant sa convalescence.
Cette passion, jointe à la boxe, au polo et au sport automobile, ne le quittera jamais. En 2019, il se disait ruiné par sa passion dévorante des vieilles voitures américaines qu’il collectionnait : une Cadillac en double exemplaire pour les pièces de rechange. La Passionata, chantait-il déjà en 1965. Les femmes aussi, qu’il a aimées pour les épater par son humour et son argent qu’il dépensait sans compter. Qu’il flambait pour tout dire. Jusqu’à toucher le fond du panier.
Dans les années 80, Guy Marchand épouse la comédienne Béatrice Chatelier, qu’il avait rencontrée sur le tournage des Sous-doués en vacances, et avec laquelle il aura deux enfants, Jules et Ludivine. Elle menait aussi, en parallèle, une carrière de modèle. Toujours amoureux des femmes, comme l’acteur aimait le dire, il rencontre en 2000, à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, Adelina, ancien mannequin d’origine russe, qui exerce le métier d’agent de sûreté. Elle est de 40 ans sa cadette. Mais rien n’y fait, il l’épouse en 2007, jusqu’à ce qu’elle le quitte quelques années plus tard pour refaire sa vie avec un nouveau compagnon, dont elle aura des enfants. Guy Marchand n’ayant pas voulu divorcer, les enfants portent son nom. Conscient du temps qui passe, il avait confié à Voici : « Je ne peux pas lui demander de rester avec moi à mon âge. On se voit cependant encore souvent. »
Des seconds rôles
Acteur des seconds rôles, il a joué dans plus de 150 films, n’hésitant pas à faire le grand écart entre Les sous-doués en vacances de Claude Zidi et Garde à vue de Claude Miller, qui lui vaut un César du meilleur second rôle, avec les dialogues incisifs de Michel Audiard. Un bouquet de chrysanthèmes, dira-t-il plus tard avec cynisme. Entre-temps, il tourne Coup de torchon de Bertrand Tavernier, où il botte les fesses de Philippe Noiret, avant de prendre sa place dans la série télévisée Nestor Burma. Il y incarne le célèbre détective privé qui traîne sa gouaille et sa désinvolture sous le chapeau. C’est un fils de la rue, à l’école d’Audiard. Populaire, voire vulgaire. Costa-Gavras, qu’il appelait Costa-Cravate, lui avait dit qu’il perdrait beaucoup s’il passait à côté de cette vulgarité qu’il affectionnait en bon titi parisien.
Au cinéma, qui l’a fait vivre à partir des années 70, il a tourné pour Robert Enrico, François Truffaut, Claude Pinoteau, Philippe de Broca, Maurice Pialat, Bertrand Tavernier, Alexandre Hardy, Costa-Gavras, Pierre Granier-Deferre, Alain Corneau et d’autres encore.
En 1982, la chanson Destinée, qu’il a coécrite et interprétée, est popularisée grâce au film de Claude Zidi, Les sous-doués en vacances. La même année, il tient le rôle d’un journaliste dans le film Nestor Burma, détective de choc de Jean-Luc Mersch, avant d’incarner le célèbre détective privé de la série diffusée sur France 2 entre 1991 et 2003. Il est aussi apparu, entre autres, dans Les cinq dernières minutes, Nos chers voisins et Scènes de ménages.
C’est Boulevard du rhum de Robert Enrico qui a lancé sa carrière en 1970, avec Lino Ventura qui cherchait un acteur pour lui donner la réplique. Son goût pour la boxe lui a fait tourner ce rôle aux côtés de la jeune Brigitte Bardot qu’il serrait dans ses bras sans y croire. Il interprétera la chanson Plaisir d’amour avec elle.
Chanteur de charme
Côté chansons, avec sa voix de baryton léger, il a enregistré 15 albums. La Passionata, écrite en Algérie en 1965, quand il était parachutiste à la Légion, et Destinée pour la bande originale des Sous-doués en vacances resteront ses deux grands succès. Il n’en était pas trop fier, disant qu’il s’était moqué du saucisson de vacances sur l’air de L’été indien, version Vladimir Cosma. Il adorait chanter en espagnol, la langue qui lui donnait un air latino-américain. Un air qui lui avait valu d’être mis à l’écart de la génération yé-yé. Il adorait aussi Frank Sinatra et rêvait de faire partie d’un big band de jazz.
En 2020, Guy Marchand a publié son dernier album, Né à Belleville, qui est son testament de chanteur de charme, écrit avec la collaboration du musicien Ludovic Beier.
Enfin, côté écriture, il a publié en 2007 son autobiographie Le Guignol des Buttes-Chaumont, puis s’est consacré à la rédaction de plusieurs romans : Un rasoir dans les mains d’un singe (2008) et, notamment, Le soleil des enfants perdus (2011), qui a reçu l’année suivante le prix Jean-Nohain.
« L’homme qui murmure à l’oreille des femmes », sur un air de tango, est parti la paix au cœur, dans une grande sérénité, a dit son fils Jules qui veillait sur lui. On se souviendra de sa voix de crooner et de ses yeux malicieux, un rien canaille, sous son chapeau de détective. Adieu l’ami, on t’aimait bien.
Michel Lequeux
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