Yuntian Liu (Chine, 23 ans) & Andrew Tyson (USA, 26 ans)
Après avoir étudié au Conservatoire de Musique de Xinghai, Yuntian Liu poursuit sa formation aux États-Unis. Il s’est produit dans plusieurs villes américaines, chinoises et européennes, en récital ou en soliste. Premier lauréat du Concours International de Wiesbaden, en 2004, il est également lauréat du Concours National Golden Bell, en Chine (Médaille d’or, 2004) et du Concours International Horowitz pour jeunes pianistes, en Ukraine (2e Prix, 2007).
Le malicieux Yuntian Liu révèle une intériorité poétique marquée dès son entrée dans les Sonetto 123 del Petrarca (Franz Liszt). A la surprise de l’audience, il n’hésite pas à muser la mélodie et convoque sous ses doigts une douceur de sonorités très colorées. Il plonge dans le romantisme qu’il semble savourer avec bonheur. Moelleux, souplesse de la rêverie musicale. On croit dès lors que toute l’exécution de son récital sera caractérisée par le raffinement des sonorités et portée par une exaltation profonde.
Il enchaîne tout de suite son Dream (Frederic Rzewski), connu par cœur, une perle d’exécution pianistique. Il fabrique les trilles les plus impérieuses de tous les candidats. Elles jettent l’auditeur dans les tensions intenses des différentes facettes du ying et du yang. Des forces sombres et claires s’opposent avec énergie au sein de l’immensité poétique. Devinez quelles seront ses 4 dernières notes suspendues à mi-course du rêve et qui se brisent soudain sans prévenir ? Quatre délicates notes de yang, sans nul doute!
Crescendo dans l’audace et la construction de son programme, Liu laisse là la poésie pour tâter du chaos, de l’inquiétude et de la guerre. Sa Sonate n. 6 en la majeur op. 82 (Sergey Prokofiev) explose de sensations fortes et fracassantes. De la matière musicale veloutée surnage ici et là dans les éclaircies lyriques, mais très vite les accents parfois jazzy se mutent en notes piquées brutales, en accords abyssaux. La frappe de l’Orlando furioso chinois devient acharnée, les triolets rapides lancinants se culbutent avant d’aller sonner le glas à la main gauche. Chevauchée ardente et déferlements d’octaves envahissent le clavier, c’est incandescent, méphistophélique et sarcastique. Yuntian Liu a le sens de la narration… Passent des pantins désarticulés. Le pianiste fait des moulinets avec sa main droite avant de lancer les derniers cataclysmes. On ne peut s’empêcher de penser à du Stockhausen!
Son Concerto n. 17 en sol majeur KV 453 (Wolfgang Amadeus Mozart) d’une précision absolue, superbement charpenté et mélodique présenté le premier jour des demi-finales semble bien loin de ce récital trépidant. Tout le monde se souvient encore de sa très belle expressivité et de la beauté de ses timbres. Le jury sans doute aussi!
Ses parents adorent la musique mais ne sont pas musiciens. Le jeune pianiste débute sa carrière concertante à 15 ans à New York. Elève de Robert Mc Donald à la Juilliard School, il remporte le cinquième prix au Concours de Leeds en 2012. Il écume les plus prestigieuses salles de concert américaines mais donne aussi des concerts chez lui. Il voyage en Europe (Suisse, Portugal, Pologne), au Mexique ou en Nouvelle-Zélande, tant en soliste avec différents orchestres américains qu’en musicien de chambre, avec des partenaires comme R. Díaz, R. Kirshbaum, J. Silverstein, Ray Chen.
Son Concerto n. 21 en ut majeur KV 467 (Wolfgang Amadeus Mozart), présenté dès le premier soir de la demi-finale a séduit d’emblée, quelle classe ! De l’émotion juvénile véritable couplée à une virtuosité impeccable. Sa cadence très personnelle, intense et lumineuse, éclairée par le sourire intérieur le place tout de suite au rang des pianistes que l’on rêve de suivre jusqu’au bout. Qu’à cela ne tienne, puisqu’il nous emmène avec tant d’intelligence et de goût. Il est à l’écoute de l’orchestre, jetant souvent des regards furtifs vers les violons alto et semble éprouver du plaisir. Son récital sera étincelant.
Après un Dream (Frederic Rzewski) hiératique en hommage à la musique contemporaine, il convoque avec autorité naturelle tout l’esprit du compositeur dans La Partita n. 1 en si bémol majeur BWV 825 (Johann Sebastian Bach). ll égrène de ses longs doigts des nuances généreuses. La main gauche se prend pour un violoncelle et la main droite est aérienne. Mais voici Le jeu des contraires (Henri Dutilleux) où il s’élance avec jouissance. Il crée des sonorités vibrantes, jouant par à-coups d’inspiration lumineuse. Il nous plonge avec audace dans l’envers des choses, s’aventure dans des sentiers inconnus, émiette des bulles de cristal, gronde des rages contre le monde, court-circuite les émotions et captive l’audience par ses fulgurances.La Sonate n. 3 en fa dièse mineur op. 23 (Aleksandr Skryabin) fait preuve de dramaturgie puissante. Il cerne les soubresauts et les tortures de l’âme avec conviction. Peu à peu émergent des débris de valse. On assiste à une débandade sonique, les doigts pirouettent dans les gerbes d’accords sombres. L’esquisse de bonheurs tranquilles affleure en fondus enchaînés. Devant la fonte des sentiments et la fuite du temps, seule la musique sans doute est divine et consolatrice. Le pianiste s’en prend à la réalité dure et rebelle, la saisit par les cheveux et lui fait courber la tête avant de se fondre dans les bras de la mélodie retrouvée. On reste pétrifié devant tant de talent naturel.
Commentaires
Serge Martin
cmireb2013Mis en ligne jeudi 30 mai 2013, 23h47
Yuntian Liu et Andrew Tyson, 26 ans tous les deux, étaient en finale du Concours Reine Elisabeth ce jeudi soir. Le compte rendu de la soirée.
Liu Yuntian, une virtuosité conquérante à sens unique
Liu Yuntian (Chine, 26 ans) est un bon élève qui sait où il va et a les moyens d’y aller. Il s’attaque à la première grande sonate de Beethoven, l’op.10 nº3 dont il bouscule les rassurantes formes classiques dans un mélange de précipitation dérangeante (« Presto ») et de méditation inquiète (l’imposant mouvement lent). Sa lecture de l’imposé est plutôt univoque. Il y poursuit son chemin d’une façon assez littérale et glaciale sans utiliser vraiment les trésors de dialogue avec l’orchestre que propose la partition.
Même sentiment d’unilatéralité dans un premier concerto de Tchaïkovski abordé avec des sonorités conquérantes et un réel abattage. De la fougue certes, de l’éclat sans doute mais pas vraiment de grande ligne. D’évidence, ce pianiste aime en imposer par sa célérité et sa virtuosité entreprenantes. Mais sans authentique lyrisme, Tchaïkovski devient terne. Le mouvement lent est vite rattrapé par un motorisme expéditif et le finale est franchement bousculé et erratique.
Andrew Tyson, la beauté de l’évidence
Avec Andrew Tyson (Etats-Unis, 26 ans), la sonate de Mozart devient le moment de bonheur de ce concours. Des notes égrenées avec un dosage infinitésimal dont la réconciliation crée une ligne d’une absolue limpidité. Le Mozart de la 15e sonate appelle un travail d’orfèvre qui met en valeur les contrechants et suscite les jeux de réplique d’un théâtre secret. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans cet étincelant « allegro ». Et quelle intensité dans la pudeur pour régner sur e questionnement de l’identité ! Quel sourire nostalgique dans le rondo final ! Dans l’imposé, il suscite l’orchestre plus qu’il ne le suit, variant les attaques, les intensités, les couleurs dans un dialogue presque zen qui demeure constamment l’écho d’une pensée.
Les moyens du pianiste explosent ensuite dans un 2e concerto de Rachmaninov, gorgé d’une sève enthousiaste et d’un chant majestueux. Gravité pensive et chant généreux de l’« andante sostenuto », sens du suspense et chevauchée altière du finale : cette musique n’est décidément jamais aussi belle que lorsqu’on la laisse respirer dans sa simplicité originelle. Superbe prestation !
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Les finales sont toujours pleines de surprises. Après plus de trois semaines d’épreuves, ce moment du concours est peut-être le plus dur. Il faut avoir des nerfs d’acier pour tenir cette soirée. Les candidats ont beau avoir fait des éliminatoires et demi-finales magnifiques, c’est la finale qui compte pour le classement. Hier soir, deux candidats très attendus et deux façons de jouer complètement opposées.
Le premier candidat est le Chinois Yuntian Liu. On se souvient de ses épreuves aux éliminatoires et demi-finales, très contrôlées, fines et d’une grand concentration. Hier soir, il a montré qu’il pouvait se lâcher. Sa Sonate en Ré Majeur de Beethoven (opus 10 n°3)fut d’emblée prise dans un tempo extrêmement rapide ; trop rapide parfois, ce qui rend certains traits mélodiques difficiles à comprendre. Liu est musicien mais ses doigts courent tellement vite que l’ on a du mal à le suivre. Son deuxième mouvement fut très réussi, très lyrique et d’une belle conduite. Quand il ne s’agit pas d’aller vite, Liu parvient à prendre son temps, à respirer. Le troisième mouvement fut le plus réussi de la Sonate. On a retrouvé le pianiste qui nous avait tant charmé dans sa Sonate D.664 de Schubert, beaucoup de finesse, un toucher élégant et surtout une grande simplicité. Le dernier mouvement fut repris à un tempo démesurément rapide mais musicalement plus compréhensible. Dans la pièce concertante imposée In the Wake of Ea de Petrossian, on a compris, dès les premières notes répétées, que la vitesse est une constante chez Yuntian Liu. Techniquement, il maîtrise parfaitement l’oeuvre mais il ne dialogue pas assez avec l’orchestre. Concentré sur sa partie, il en oublierait presque qu’il est accompagné. Toutefois, Liu ne manque pas de nuances, il peut aller loin dans ses pianos et ses notes répétées ont de quoi faire pâlir plus d’un pianiste, mais le tout semble décousu et sans rapport de couleurs avec le riche instrumentarium de la pièce. Dans le Concerto pour piano en si bémol mineur opus 23 de Tchaïkovsky, Yuntian Liu va prendre des tempos excessivement rapides, laissant l’orchestre de Marin Aslop bien derrière lui… L’oeuvre commençait bien, Yuntian Liu a un son puissant, envoûtant bien en phase avec l’orchestre mais, dès le retour du premier thème, il accélére sans raison et perd l’orchestre. C’est dommage car tout ce qu’il propose est intéressant, vraiment musical et d’une grande sensibilité, mais à chaque passage virtuose, une irrésistible envie de presser lui vient et l’orchestre a du mal à le suivre. Dans le deuxième mouvement il fut plus à son aise et plus avec l’orchestre et il nous a offert de très beaux moments. Ce pianiste est émotionnellement très généreux, il ne joue pas en finale d’un concours mais en concert. Il s’est lâché, trop peut-être. Que dire du troisième mouvement sinon qu’il a battu tous les records de vitesse et les plus gros décalages avec l’orchestre au point qu’ils n’arrivent pas à finir ensemble le concerto. Mais tout cela n’enlève rien au fait qu’il est musicien et qu’il a su être touchant.
Quand à la deuxième partie de soirée, Andrew Tyson a débuté sa prestation par une Sonate de Mozart (N° 15 KV 533) comme on peut l’imaginer quand on a entendu ses épreuves passées. Une sonorité très douce, un toucher ultra-délicat et des ornements parfaitement ciselés. C’est un beau choix de Sonate pour une finale. Tyson fait partie de ces pianistes qui ont une grande personnalité ; chaque pièce qu’il aborde est appropriée et devient quelque chose d’original. Son deuxième mouvement était très intense et bien construit, Andrew Tyson a l’art de faire parler les silences et sait prendre son temps. Son jeu est très détaillé, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une conduite à long terme. Cette Sonate a confirmé ce que l’on pensait de lui : Tyson est un grand mozartien. D’une grande finesse sans jamais en faire trop et tomber dans l’afféterie. Dans l’imposé In the Wake of Ea, Tyson fut captivant dès les premières notes : cette oeuvre est une pièce concertante de musique de chambre. Les thèmes de l’orchestre se retrouvent au piano et Tyson l’a bien compris, il regarde les musiciens solistes qui jouent et calque sa sonorit sur l’instrument qui intervient. L’oeuvre est alors sublimée et prend tout son sens. Durant un quart d’heure sous ses doigts, l’oeuvre fut riche de sonorités impressionnistes. Il utilise très bien la pédale et ose des résonances très subtiles qui installent une ambiance fort intéressante. Autant dire que l’on attendait impatiemment le Deuxième Concerto de Rachmaninov. Très impatiemment même car depuis le début du concours, Tyson a choisi des oeuvres où il faut avoir une grande science des couleurs, un jeu très fin, précieux et subtile. À aucun moment on ne l’a entendu dans une oeuvre où il faut avoir de la force et de la puissance sonore comment on doit en avoir chez Prokofiev, Bartok ou Rachmaninov. Tout en gardant ses qualités qui font de lui un pianiste attachant on peut regretter que Tyson ait manqué parfois de présence aux côtés de l’orchestre dans cette oeuvre passionnée qui demande de l’énergie et de la robustesse. Il timbre bien la mélodie mais n’a pas un son plein et ne parvient pas à aboutir les climax. Quel dommage car l’oeuvre en contient plus d’un. Par moments il semble se ressaisir et lancer un thème avec autorité mais quelques mesures plus loin il se ravise et redescend comme s’il avait peur d’aller trop loin et de choquer l’auditeur. Durant tout le concerto on a attendu le moment où il allait exploser et se lâcher complètement. Ce moment n’eut pas lieu et le concerto se termina sur un sentiment de frustration. Était-il fatigué ? Aurait-il du choisir un autre concerto ? Andrew Tyson a en somme manqué d’élan. On sort de sa prestation un peu frustré, après un Mozart et un imposé très réussis. Tyson reste malgré tout un grand musicien, sensible et d’une grande intelligence.
les photos du Concours: © Bruno VESSIÉ
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Andrew Tyson
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Concours Reine Elisabeth: les prestations de ce jeudi soir
Nicolas Blanmont & Martine D. Mergeay (2013)
Les étapes de la finale se succèdent...Mis en ligne le 30/05/2013
Yuntian Liu, précipité
Malgré sa technique brillante, le Chinois impressionne plus qu’il n’émeut.
On l’a déjà écrit et décrit : le cheveu un peu rare et filasse, le front trop large, les lunettes austères et – cette fois – le costume cravate hors du temps, Yuntian Liu a plus le look d’un roi des mathématiques que d’un pianiste romantique.
Mais on l’aime justement aussi parce qu’il s’en fiche : point n’est besoin, il sait le prouver, d’avoir l’allure d’un ange pour jouer de façon parfois céleste.
De Beethoven, il a choisi la sonate n° 7 en ré majeur : une sonate encore marquée au sceau du classicisme, et qu’il aborde comme telle, fluide et fraîche comme une cascade. Le presto initial est ici plus que rapide, parfois presque précipité avec à la clé l’une ou l’autre scorie.
Nervosité ? Le largo e mesto, en tout cas, est un contraste bienvenu. Apaisement, respiration et profondeur : on entend même sa voix, chantant tout doucement la ligne mélodique. Peu à peu, l’intensité du discours captive et émeut. Le Chinois conclut par un magnifique rondo, ludique et puissant tout à la fois.
« In the Wake of Ea », l’imposé de Michel Petrossian, est mené sur le mode impressionniste, rêveur et interrogateur. Avec un tempo parmi les plus rapides – treize minutes au lieu des quinze habituelle – sa lecture est de celles qu’on admire mais qui ne fascine ni ne bouleverse. On est, par contre, impressionné par ses capacités de maîtrise et de contrôle.
Elles vont faire merveille dans son plat de résistance : un Premier de Tchaïkovski attaqué avec autorité, mais où le plaisir de jouer n’est jamais absent. Un plaisir gourmand, qui se communique parfois à la salle mais pas toujours. Liu s’amuse visiblement, et la vitesse est son péché mignon: les contrastes qu’il force peuvent être splendides, mais ses sprints peuvent surprendre, voire agacer.
C’est que de contraste, il est aussi question entre ces moments démonstratifs assumés aux limites du kitsch et des passages plus en retrait, à l’humour distancié. Tant et si bien qu’on finit par se demander quel est le fil conducteur de sa lecture et qu’on perd parfois ledit fil.
Comme s’il s’agissait de très subtiles équations mathématiques qu’un cerveau trop au-dessus de la moyenne n’arrivait pas à nous faire comprendre.
L’andantino n’arrive pas à émouvoir, et c’est comme à distance qu’on admire son allegro final, frisant à nouveau parfois la précipitation – et le kitsch. Con fuoco assurément, mais on ne brûle pas.
Dans le monde d’Andrew Tyson
Un musicien génial, un artiste raffiné, un pianiste accompli. La joie.
Le choix de la sonate n°15 K. 533 est en soi un trait d’audace, et, quand on joue comme Andrew Tyson, un coup de génie !
Une sonate visionnaire, mais comme faite de rien sauf de temps (une des plus longues composées par Mozart), dont le jeune Américain (26 ans) dégage les lignes et la structure, autant en plan large que dans les détails. Après un premier mouvement, allegro, lumineux et simple – les complexités d’écriture étant naturellement intégrées au discours – l’étrange andante, prend les allures d’un voyage intérieur décisif, nostalgique, poignant, aux limites de d’égarement (y compris tonal) et renouant quand même la lumière.
Le rondo en témoigne avec sa petite mélodie, qui ne veut entraînante mais dont la joie est bien fragile… Imagine-t-on partager tout cela, à l’occasion d’un concours, avec un public qui, a priori, espère surtout les émois des grands concertos ? Tyson y parvient. Cette sonate est un cadeau.
« In the Wake of Ea », jeté d’emblée dans le mystère le plus dense, se déploie selon ses deux axes essentiels : la narration et la couleur. Andrew y donne l’impression de faire surgir lui-même les timbres de l’orchestre pour mieux nourrir son histoire… Contrastes, éclat, aisance dans toutes les nuances d’intensité, du triple piano au triple forte, appel à la beauté (ça existe aussi) font de cette pièce un deuxième voyage exclusif.
La troisième entrée sur scène de Tyson sera aussi souriante que les deux précédentes. Et l’entrée dans le 2e Concerto de Rachmaninov aussi personnelle et évidente que tout ce qu’on a entendu de lui jusqu’ici. Le tempo est rapide et le caractère plutôt léger, ce qui n’exclut pas la profondeur, ni, lorsqu’il faut y aller, la puissance mais sans aucune lourdeur.
L’Américain emploie ses immenses moyens et son génie musical à servir une vision émerveillée de l’œuvre, vierge, dégagée des clichés, et, une fois encore, plus intérieure que démonstrative. Le Moderato initial cédera la place à un Adagio sostenuto pensé comme une seule grande phrase à la tension croissante, quasi insoutenable, jusqu’à courte cadence et à l’épanouissement d’un chant apaisé, réconcilié.
L’allegro final - fantasque comme le prescrit l’adjectif « scherzando » - connaîtra quelques décalages avec l’orchestre, mais, après un passage suspendu magnifique, prendra fin dans l’euphorie. Somme toute, le même parti de raffinement et d’élégance que Liu Yuntian, mais cette fois pleinement réussi.
Yuntian Liu (Chine, 23 ans)
Jeudi 30 mai, 20h. Beethoven sonate n° 7 en ré majeur. Tchaïkovski, Concerto n° 1 en si bémol mineur
Andrew Tyson (USA, 26 ans)
Jeudi 30 mai, 21h45. Mozart, sonate n° 15 en fa majeur. Rachmaninov, concerto n° 2 en ut mineur