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Les « Poésies » d’Edgar Allan Poe paraissent en 1831. Chacun de ces poèmes gravite autour de la notion d' angoisse: accablante solitude de l'homme, inutilité de l' effort, regrets et remords que laisse la vie dévastée. Pour Poe, la poésie est un monde en soi qui doit s'ériger loin du monde extérieur. Sorte de religion, elle n'a d'autre fin qu'elle-même: son principe et son but se confondent. Elle est "The rythmical creation of beauty" et ne veut pas être davantage. Mais chez Poe cette beauté n'est pas faite de sérénité, d' espérance et de fidélité aux formes réelles. Elle réside dans une atmosphère de terreur, d' oppression, de pressentiments. Poe nous montre son pays: il est situé "sous un étrange et fatidique climat, qui gît hors de l'Espace et hors du Temps." Voici des cieux semblables à ceux, non moins étouffants, de Baudelaire, des châteaux et des bois hantés: des allées de cyprès, des rivières sulfureuses, des arbres dévastés par la foudre, des étoiles qui ne se lèvent que pour se voiler. Voici les rivages plutoniens de la nuit, les temples ouverts, les tombes béantes, les étangs lugubres où habitent les goules, les sombres routes désertes où passent de mauvais anges.

 

L'apparition de ces poèmes est une date décisive dans l'histoire de l'esprit. Le génie de Poe fut d'abord reconnu à l'étranger: en Allemagne, où il semblait un second Hoffmann, et surtout en France où il trouva ses meilleurs traducteurs (Baudelaire et Mallarmé) et fut considéré tout de suite comme l'enchanteur par excellence ou plutôt le détenteur de vérités éternelles. Même si la génération actuelle a cessé de partager cette ferveur , elle n'en est pas moins contrainte de subir tout le sortilège de son art. De cette voix étrange où triomphe la mort, Poe chante le Corbeau, le malin esprit, l'horrible oiseau qui répète: "Jamais plus!" (voir "Le corbeau"); Hélène, dont la beauté est comme ces barques nicéennes d'autrefois qui, sur une mer parfumée, portaient doucement le voyageur fatigué à son rivage natal; le Palais hanté aux rougeâtres fenêtres où passent de vastes formes s'agitant sur une mélodie discordante (voir "A Hélène"); le Ver vainqueur, héros de tragédie intitulée l'Homme: "Ulalume", ce nom de femme écrit sur la porte d'un tombeau: Leonore, soeur de la fiancée tragique de la ballade de Bürger, "la rare et rayonnante jeune fille que les anges nomment Leonore et qui apparaît dejà dans "Le corbeau". Après Leonore, c'est Annabel Lee, la femme-enfant que les esprits envient et tuent: puis la Dormeuse, symbole où la beauté et la mort se fondent en un désir d' immortalité. Prodige de virtuosité, le poème "Les cloches", avec ses répétitions et ses allitérations, est proche de l'hallucination. La Cité en la mer annonce tout le symbolisme: loin dans la mer, il existe une ville morte, qui fait songer à l' Atlantide; elle n'est point éclairée par le soleil, mais par une lumière qui vient d'en bas; sur la tour la plus haute, la Mort règne et regarde: les portes ouvertes des tombes et des temples laissent entrevoir des masses de joyaux: mais les eaux alentour sont immobiles: pas une ride sur ce désert de cristal et pourtant il suffirait d'un très léger mouvement pour que la ville s'engloutisse jusqu'aux enfers prête à la recevoir.

 

Pour "Israfel", Edgar Poe s'est inspiré du Coran. Dans la poésie de Poe que cerne l'angoisse de la mort, "Israfel" est un éclair de joie divine. Israfel est le symbole de ce monde d'épanouissement et de passion auquel Poe aspire en essayant de se libérer de sa nature. De tout ce recueil, le poème qui sans doute permet le mieux de comprendre ce que fut pour Edgar Poe la poésie, semble bien être celui qui s'intitule: "Un rêve dans un rêve". Citons-le donc en entier: "Tiens! ce baiser sur ton front: Et, à l'heure où je te quitte, oui, bien haut, que je te l'avoue: tu n'as pas tort, toi qui juges que mes jours ont été un rêve: et si l'espoir s'en est enfui en une nuit ou en un jour-dans une vision ou aucune, n'en est-il pour cela pas moins le "passé"? Tout ce que nous voyons ou paraissons, n'est qu'un rêve dans un rêve. -Je reste en la rumeur d'un rivage par le flot tourmenté et tiens dans la main des grains de sable d'or -bien peu! encore comme ils glissent à travers mes doigts à l'abîme, pendant que je pleure -pendant que je pleure! O Dieu! ne puis-je les serrer dans une étreinte plus sûre? O Dieu! ne puis-je en sauver un de la vague impitoyable? Tout ce que nous voyons ou paraissons, n'est-il qu'un rêve dans un rêve?"

 

On sait que ces poèmes furent traduits en français par Stéphane Mallarmé lui-même (de 1875 à 1877): traduction qui passe à juste titre pour un véritable chef-d'oeuvre. Elle figure dans les "Oeuvres complètes" de Mallarmé (Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard).

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Commentaires

  • Edgar Allan Poe ..."le Munch" de l'écriture.
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