BOX-OFFICE de David Mamet DU 08/02/11 au 26/03/11
Charly, fidèle chien de chasse depuis dix ans, compagnon d’infortunes de son ami « Bo-oooob ! », un producteur assez obscur à Hollywood, lui rapporte un jour, le scénario d’un film prêt à consommer, cousu de violence et de salivation plébéienne, pour une superproduction qui leur donnera accès enfin à l’argent avec un grand A, si pas au grand Art. Ils rêvent tous deux de s’installer enfin à « la table des Grands», tant convoitée.
Intervient alors au deuxième acte, cette figure féminine de rêve, une intérimaire. Envoyée du ciel ? Ange ? Personnification de la grâce, à qui Bob demande, non sans intentions diaboliques et lubriques, de lui faire une « note de lecture » sur un ouvrage dont il est décidé d’avance qu’il n’a aucun avenir cinématographique. Pour le soir même, rendez-vous chez lui ! Il lui explique qu’on lui a commandé une « lecture de courtoisie » et qu’il lui fait « l’honneur » de lui déléguer la tâche. … Au bois sacré de l’argent, les dés sont toujours pipés! A Hollywood, le monde est fait de vent, qui souffle sur tout ce qui n’est pas empire des sens ou de l’art-gent.
Le titre du livre est étrange et prémonitoire. « Radiations » parle de fin du monde, de dernière chance offerte aux hommes pour être assis « à la table céleste », de rôle à jouer pendant notre séjour sur terre, de contemplation du beau, du bon, du vrai, une fois notre monde d’illusions disparu. Selon la belle Karen, ce livre fabuleux doit avoir le feu vert, et devenir une œuvre cinématographique chargée de sens, contrairement au polar abject proposé par Charly. Elle est idéaliste, croit au progrès, au changement, à la force de l’amour. Illuminée par la beauté tant extérieure qu’intérieure, Karen représente toutes les illusions perdues de Bobby. La tentation est grande d’emprunter la voie étroite proposée par cette mystérieuse égérie qui, au début, n’avait que les apparences d’une intérimaire naïve et écervelée. Une joute pathétique, presque un pugilat, s’engage entre anges et démons. …. On ne dira pas la fin.
C’est le genre de pièce qui, en dépit de la simplicité de son canevas, fait rouler les pensées et la réflexion bien au-delàs du temps du spectacle. Bien sûr, l’entrée en scène de la ravissante comédienne belge de 23 ans, Nina Drecq est captivante. On est soufflé par sa grâce, sa voix d’argent, les courbes de ses gestes et de son verbe gracieux…et les deux personnages masculins sont mis à rude épreuve. Deux acteurs hors pair : Francis Lombrail dont la métamorphose est stupéfiante et Philippe Sivy, emblème du monde sans pitié.
Au début, la pièce semblait avoir du mal à décoller: un acte entier de dialogues de rupture, chers à l’auteur américain, très déstabilisants pour le spectateur. Ce discours, si difficile à traduire en français, avait un tour chaotique et plus que masculin, fort énervant. Le décor jaune vif aux arêtes coupantes agaçait par son agressivité, mais dès l’entrée en scène de la fascinante porteuse de bonne nouvelle, l’espoir renaît. L’idéalisme retrouve sa place et le théâtre son plaisir. On est scotché à son siège et l’on tend l’oreille au charme rédempteur du chant d’optimisme: simples paroles et manipulation, ou vérité ? Prison ou libération ? A la fin, l’homme est toujours l’homme…
Mise en scène: Anne Bourgeois / Avec Nina Drecq, Francis Lombrail et Philippe Sivy
Une création et production du Théâtre Le Public et du Théâtre du Lucernaire ( Paris ).
http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=263&type=1
Commentaires
extrait du billet de Roger Simons:
"
- Quel est le titre original américain de cette pièce ?
Anne Bourgeois (metteuse en scène) : « Speed-the-Pow » , abréviation du proverbe paysan : « God speed the plow », littéralement « Dieu Active la Charrue ».
Cela indique à quel point David Mamet a imaginé avec cette bataille des consciences à trois personnages une parabole sur le sentiment de perdition des hommes lançant vers le ciel un appel à la fertilité, à la réussite.
Cette pièce nous fait entrer dans le cercle infernal des producteurs cinématographiques hollywoodiens.
Un spectacle à voir…sans réserve aucune."
lisez la suite: http://theatre.cinemaniacs.be/theatre2.php?id=2406
un magnifique dossier: pédagogique ou " de presse" ?
http://www.lucernaire.fr/beta1/files/dossiers_presse/DP%20Box%20off...
« Box-office », de David Mamet (critique de Céline Doukhan), Le Lucernaire à Paris
Un monde sans pitié
Un studio de cinéma, deux producteurs aux dents longues et une charmante secrétaire : c’est « Box-office », une tragi-comédie grinçante avec un excellent trio d’acteurs.
la suite sur: http://www.lestroiscoups.com/article-box-office-de-david-mamet-crit...
Critique - Théâtre - Paris
Box-office
Le cinéma selon Mamet
Par Marie GERHARDY
Les pièces fortes se prolongent en nous malgré nous. Au fil des jours, nous cherchons comment ne plus en être envahis ; ou hantés.
Nous essayons même de nous en défaire par quelques critiques secondaires. L'acteur n'est-il pas dépassé parfois par son personnage, ne le joue-t-il pas un peu à-côté ? L'actrice n'abuse-t-elle pas de son stupéfiant décolleté ? L'autre acteur ne tire-t-il pas sa férocité de trop de cruauté ?
Aucun de ces détails ne tient seul. Ensemble, ils forment les contrastes nécessaires où vient se déployer ce mystérieux esprit, ce souffle d'une pièce quand elle a pris, s'y est prise, et nous piège, ravis.
Pour être vivant, le théâtre doit répondre à des exigences paradoxales : affirmer des caractères mais les glisser dans la fluidité des répliques ; inventer des situations, imprévisibles mais inéluctables ; porter l'attention au rythme de vagues dont une seule suffirait à tout engloutir, l'instant suivant ; apparaître comme disparaître ; inquiéter comme aimer ; déranger comme écrire, autrement.
Réussir ce parcours, à la crête du texte et de ses enjeux, est nécessairement le fruit d'un travail collectif d'une grande qualité d'écoute, où chaque acteur a pu se travailler. Mettre ainsi à nu chaque fragilité tend le texte à chaque phrase, et la salle. Silences denses, capture immédiate.
Le sujet est simple ; l'intrigue file l'essentiel de toute vie : le choix. En résumé, cela se passe à Hollywood chez un puissant producteur. Il doit décider entre deux films, deux destins, deux alliés, deux chemins. Mais l'un renverse le jeu, l'autre détraque les plans ; et ma liberté se retrouve entre tes mains.
Vous en dire davantage serait déjà démonter les ressorts cachés que vous aurez le plaisir de chercher. Au début, vous ne me croirez pas. Puis l'inquiétante étrangeté de cette pièce ne vous lâchera plus.
http://www.theatrotheque.com/web/article2249.html