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Baudelaire comme immense critique littéraire

 

Baudelaire a réuni dans son ouvrage « L’art romantique » en 1868 ses pages de critique littéraire, écrites depuis 1845 et pendant les années suivantes et publiées pour la première fois en volume posthume, dans l'édition de ses oeuvres, par les soins de Th. Gautier et de Ch. Asselineau. Le titre (heureux autant qu'inadapté) a été choisi par les deux éditeurs: car Baudelaire, de son côté, avait eu l'intention de réunir toute sa production critique sous le titre de "Curiosités esthétiques" avec, comme subdivisions: "Art" et "Littérature", soulignant ainsi l'étroite union de principe et de style de sa recherche dans ces deux domaines. Dans ces textes, Baudelaire fait preuve d'une admirable lucidité de pensée, d'une sûreté dans l'exposé des principes théoriques, d'une délicatesse de sensibilité et d'une précision de jugement, d'une rigueur d'expression enfin, qui le placent parmi les plus grands critiques de la littérature moderne. L'essentiel du livre est formé par les réflexions sur quelques-uns de ses contemporains, (Hugo, A. Barbier, Marceline Desbordes-Valmore, Th. Gautier, Pétrus Borel, G. Le Vavasseur, Th. de Banville, Pierre Dupont, Leconte de Lisle, Hégésippe Moreau, qu'entourent d'autres articles de circonstance: sur les récits de Jean de Falaise (le premier article par ordre chronologique), sur "Les martyrs ridicules" de Léon Cladel, sur "Les Misérables" de Hugo, sur Ménard et l' "Ecole païenne", sur "Les drames et les romans honnêtes ou L'école de vertu et de bon sens", etc. Il y a encore un curieux écrit moral de 1846, plein de finesse et d'une vive saveur ("Conseil aux jeunes littérateurs") et une série de véritables essais, sur "Madame Bovary", sur Gautier et Wagner.

 

La critique de Baudelaire, que l'on peut qualifier de philosophico-technique, forme l'exact pendant et le nécessaire complément de la critique psycho-moraliste de Sainte-Beuve; elle représente dans l'histoire de la pensée et dans le tableau de la civilisation littéraire du XIXe siècle, une valeur certaine qui n'est en rien inférieure à celle de la critique de sainte-Beuve. Pour Baudelaire, l'activité poétique est autonome; c'est une faculté de l'homme qui tend au Beau, comme la raison critique tend au Vrai et la volonté morale au Bon. Ayant ainsi revendiqué l'autonomie de l' art, il entreprend une vive polémique contre la tendance de la philosophie idéaliste à identifier ces diverses manifestations de l'esprit, dont toutefois il reconnaît les points de contact dans la pratique. Mais l'originalité de la critique baudelairienne consiste dans le fait qu'elle ne se déduit nullement d'un système quelconque et n'offre, en conséquence, aucune rigidité: partant de l'analyse directe des oeuvres, il retrouve un certain nombre de principes, simples et absolus, qui sont en parfait accord avec ses recherches techniques raffinées et son sens de la "forme" considérée comme une valeur absolue. Ainsi, les "Iambes" de Barbier lui donnent l'occasion de montrer les rapports entre l' art et la morale; en revanche, les poésies de Marceline Desbordes-Valmore se prêtent admirablement à la mise en lumière de l'importance du "sentiment". L'essai très important sur Gautier l'engage dans une véritable leçon d' esthétique sur le caractère distinctif du beau poétique, leçon au cours de laquelle il cite un passage extrait des "Notes sur Edgar Poe", qui est resté célèbre. Mais Baudelaire ne se confine pas pour autant dans une esthétique strictement intellectuelle ou dans un aride classicisme: ainsi, en face d'un rapide et très pénétrant bilan de la poésie lyrique de Victor Hugo, voici un article sur "Les misérables" où sont franchement appréciées les raisons morales de l'oeuvre; à propos du futur grand maître des parnassiens, Leconte de Lisle, il fait un prompt rappel à Renan; en un autre article où il analyse avec lucidité la poésie à caractère social de Dupont, il reconnaîtra aisément les qualités de style d'écrivains comme Leroux et Proudhon. Il offre enfin à propos de "Madame Bovary", un splendide essai de critique psychologique. Faisant preuve d'un sens très vif de l'universalité de l' art, sans qu'on puisse le taxer d'incohérence, Baudelaire retrouve, dans son cheminement de critique, les principes du parnasse, du symbolisme et même du surréalisme. Il faut aussi ne pas oublier non plus de mentionner le long essai de critique musicale, dont les tentatives pour acclimater l'oeuvre de Wagner en France (1860-1861) furent l'occasion, et qu'il publia à part sous le titre: "Richard Wagner et Tannhaüser à Paris" (1861). Dans cet essai, nous trouvons un examen aigu et pénétrant de la psychologie du public, une rapide esquisse du caractère de Wagner et de sa formation intellectuelle, une lumineuse illustration de l' esthétique wagnérienne, et d'attentives études sur la nature de l' art musical en général, sur "Tannahaüser, "Lohengrin" et la musique de Wagner en particulier.

 

D'autres écrits de caractère critique, déjà publiés dans des revues et journaux, ou restés inédits, furent réunis à deux reprises dans les "Oeuvres posthumes" de 1887 et de 1908 et sont depuis imprimés avec "L'art romantique". Parmi ceux-ci, une fine analyse des récits de Champlfleury, un curieux article sur la "Biographie des excentriques", un plan étendu pour un essai sur "Les liaisons dangereuses" et surtout un important écrit de ton satirique, très riche en notations morales, sur "L'Esprit et le style de M. Villemain".

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