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Un an sépare le petit Marcel né en 1871 du petit Paul né 1872 ! Proust et Léautaud ? Un même amour absolu pour la mère, mais la comparaison s’arrête là ! Firmin Léautaud, son père (1834-1903), est issu d’une famille de paysans des Alpes-de-Haute-Provence et s’est installé très jeune à Paris suivant des cours de comédie pour entrer à la Comédie-Française et faire une carrière de souffleur. Firmin a été en ménage avec Fanny Forestier, la sœur aînée de Jeanne qui met au monde le petit Paul. Elle reprend son métier de chanteuse d’opéra tout de suite après la naissance de Paul et partira dans des tournées. L’enfant est mis en nourrice jusqu’à l’âge de 2 ans…Tout se joue avant deux ans ? Ensuite, une vieille bonne, Marie Pezé s’occupe de l’enfant pendant une dizaine d’années. Il a l’occasion d’entrevoir sa mère une petite dizaine de fois avant qu’elle n’aille s’installer à Genève, épousant en 1895 un médecin avec qui elle aura deux enfants. Elle ne retrouvera son fils que vingt ans plus tard, à l’occasion de la mort de sa sœur Fanny, à Calais, en 1901. S’ensuit une correspondance émouvante entre la mère et le fils (publiée par le Mercure de France en 1956, Lettres à ma mère) qui dure 6 mois, puis les lettres de Paul restent mystérieusement sans réponse, jusqu’à l’annonce de la mort de la mère. Histoire cruelle et vraie !

« Une mère absente est aussi dangereuse qu’une mère trop présente. Elle laisse dans le cœur de son petit un vide, que rien ne pourra combler. Elle lui ôte la mémoire, tu vois ? Il ne se souvient que d’elle ! »

Les lettres sont la matière de cette production théâtrale éblouissante de vérité de sentiments, de chassés croisés d’amour et de désamour, d’attentes insensées de reproches de pardons et de tendres consolations, le tout machiavéliquement ourlé des deux côtés d’intentions moins nobles, à ce qu’il semble. Serait-on devant de sordides intérêts, captations d’argent ou d’héritages ? Par le jeu d’ombres et de lumière, la dualité des sentiments s’installe, le poison infuse et le rêve de la pureté de sentiments s’estompe progressivement de part et d’autres, même si à chaque instant, on ne cesse de tomber sous le charme de l’un et de l’autre.
Brodé sur un savant travail sur la mémoire affective des protagonistes, s’installe progressivement le doute sur les intentions réelles de chacun. Est-on au cœur d’un roman réaliste comme dans Le père Goriot ?

Terriblement humain. Chaque lettre est un torrent verbal presque sans pause, un geyser d’affects admirablement interprétés par les deux comédiens dans une recherche perpétuelle de qualité de ton. Nicolas Poels et Florence Hebbelynck disent chaque lettre, comme une confession verbale où les mots prisonniers du temps déferleraient vers la liberté absolue. Le jeu silencieux des corps fait le reste. On ressent au plus profond, l’assaut désespéré de l’espace sentimental de la mère, jeune et coquette qui se refuse à ce fils exalté devenu homme qui se damnerait pour obtenir quelques bribes d’amour, à l’instar d’un tout petit enfant. Plus si affinités ! Tous deux sont pris dans la toile d’un rêve qui les dépasse. Tous deux sont pris dans des événements cruels dont ils sont les victimes. Tous deux saisis de désirs égoïstes, dominateurs et excessifs. On finit par envisager que Mère et fils sont finalement génétiquement identiques dans leur besoin de manipulation. C’est d’ailleurs ainsi que l’un et l’autre ont réussi à survivre. C’est ainsi également que le rêve se froisse et que le miroir étincelant se brouille et s’obscurcit. Les deux comédiens jouent leur vie sur le fil, avec sensibilité et maîtrise extrême, tout-à-fait conscient de l’éclat de leur propre jeu et du jeu de l’autre.

Et le jeu des acteurs fait tout, car la simple lecture des textes, s’avère … poussiéreuse ? Tandis que la mise en scène ? Géniale ! Signée Bruno Emsens. Les deux acteurs ont donc mis au point un ballet sans faille, sans cesse renouvelé et inventé. C’est tout juste si on n’imaginerait pas ces lettres chantées, comme à l’opéra, tant l’intensité des sentiments et des couleurs est omniprésente. Le jeu corporel est captivant, les regards et les gestes charmeurs ou ravageurs, palpitants. Body language speaks millions… Les deux protagonistes, rient, pleurent, mordent, et se câlinent comme des chats sauvages. Ils sont beaux, magnifiques d’énergie et bouleversants de vérité au milieu du champ maléfique, représenté par les secrets bien gardés de la grand-mère (Céline Péret) , où peu à peu on est contraint de défricher leurs mensonges.

Et cela se passe au BOSON 

C’est l’histoire d’un homme qui ne s’est pas conformé,
D’un homme jeune et authentique.
C’est l’histoire d’un homme qui aime les femmes libres,
vraiment libres.
C’est l’histoire d’un homme abandonné par sa mère à
8 jours
Et qui la retrouve après 20 ans d’absence.
C’est l’histoire de l’amour hors du commun de cet homme
pour cette femme inconnue,
Et de sa rupture définitive.
Une histoire de liens donc,
Ceux qui relient et ceux qui entravent,
Ceux qui tissent un amour véritable,
Entremêlant attachement indestructible et liberté absolue...

http://www.leboson.be/fr/

Nous ouvrons les portes et le bar à 19h30, le spectacle commence à 20h15.

Chaussée de Boondael, 361
1050 Bruxelles - Belgique
 

Tél: +32 (0)471.32.86.87 | Contactez-nous


AMOUR(S)

Avec Florence Hebbelynck, Céline Peret et Nicolas Poels


27 février > 17 mars

D’après les "Lettres à ma mère" de Paul Léautaud
(Ed. Mercure de France)  – avec Florence Hebbelynck etNicolas Poels


Adaptation et mise en scène /  Bruno Emsens
Avec:  Florence Hebbelynck, Céline Peret et Nicolas Poels
Scénographie  / Vincent Bresmal
Chorégraphie  / Camille Raséra
Création lumières /  Gaëtan van den Berg
Création sonore  / Thomas Raa
Costumes /  Elise Abraham, en collaboration avec le costumier Maghet
Coiffure / Thierry Pommerell
Maquillage /  Marie Messian
Régie / Showup!

Crédit photos © Alice Piemme

Une production de la Compagnie des Bosons! 

Reservations@leboson.be

0471 32 86 87

LE METTEUR EN SCÈNE
Après un début de carrière au C.E.R.N. (Genève) comme chercheur en
physique des particules, Bruno Emsens revient en
Belgique où il travaille comme journaliste scientifique
au Vif/L’Express et comme critique cinéma pour le
magazine Première. Entre 1993 et 2008, il réalise
des courts-métrages souvent primés : Le Concert,
Ombres et lumières... En 1996, il crée la société
Blue In Green Productions qui se consacre au
développement et à la production de ses projets de
fiction: La bague, Pantone 549 et de documentaires
de création : Dernière nuit au Travers, Chercheurs entre rêve et réalité, Les
ateliers d’Orphée.
En parallèle à l’univers cinématographique, il ouvre la Brussels Playhouse
dans le quartier universitaire de l’ULB. Ce lieu est dédié aux acteurs et
au jeu. Il y organise des laboratoires, des trainings et des masterclasses.
Il s’associe avec l’acteur et metteur en scène américain Larry Silverberg
et fonde le True Acting Institute Europe, antenne européenne de l’institut
américain dédié à l’approche Meisner du jeu. En 2012, il fonde le Théâtre
des Bosons (devenu entre-temps «le boson») et met en scène sa première
création : Trahisons de Harold Pinter. Il monte ensuite L’aide-mémoire de
Jean-Claude Carrière avec Michel Scotto di Carlo et Florence Hebbelynck
(nommée Meilleure Comédienne aux Prix de la Critique 2014) ; Pour un
oui ou pour un non de Nathalie Sarraute, avec Benoît Verhaert et Patrice
Mincke ; L’homme du hasard de Yasmina Reza, avec Jo Deseure et Christian
Crahay ; Trois Ruptures de Rémi de Vos, avec Catherine Salée (Nominée
aux Prix de la Critique 2016 dans la catégorie Meilleure Comédienne) et
Benoît Van Dorslaer ; et enfin Les Dactylos et Le Tigre de Murray Schisgal
en octobre 2016, avec Julie Duroisin et Nicolas Luçon.
Amour(s) est sa première adaptation à partir d’un texte non-théâtral.

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Commentaires

  • administrateur théâtres

    LE SCÉNOGRAPHE
    Son diplôme d’architecture en poche (1996), Vincent Bresmal suit sa
    passion pour l’univers du spectacle en prenant le chemin de Milan et du
    Piccolo Teatro. De retour à Mons, il présente en 1999, lors de l’exposition
    collective Machina OZ, des projets pour trois opéras de Gluck. Il a eu
    le plaisir de collaborer avec Giuseppe Lonobile (pour sa première
    scénographie, Agatha, en 2001), Frédéric Dussenne (Elseneur – 2007,
    Hamlet(s) – 2008, Occident – 2011, Comme un secret inavoué – 2013,
    Ô ministres intègres – 2013, La Compagnie des hommes – 2014), Sylvie
    Landuyt (Don Juan Addiction – 2012, Elle(s) – 2014), Hassiba Halabi,
    Quentin Simon, Bruno Emsens (Trahisons – 2013, L’aide-mémoire –
    2013, Pour un oui ou pour un non – 2014, Trois Ruptures - 2016), Thibaut
    Nève (Sois belge et tais-toi), Jessica Gazon (L’Homme du câble – 2009,
    Terrain vague – 2013, Vous n’avez pas tout dit – 2013, Synovie – 2014),
    Peggy Thomas (Politicovskaia – 2010, Un fil à la patte – 2011, Made in
    China – 2014) et Thierry Debroux (Dom Juan – 2015)

  • administrateur théâtres

    NOTE D’INTENTION
    Il y a deux ans, je vagabondais de livres en livres à la recherche d’une pensée vraiment libre ; j’avais le pressentiment de sa rareté dans le monde d’aujourd’hui car je me sentais submergé d’influences extérieures : tous ces avis, ces commentaires, ces opinions sur tout ce qui se passe partout, à chaque instant !
    Un écrivain m’intrigue alors, Paul Léautaud. Ce qui me frappe d’abord, c’est que cet homme n’a pas été élevé, sa mère l’a abandonné à 8 jours et son père, chez qui il a habité pendant son enfance, ne se souciait que très peu de lui.

    Il a donc poussé tout seul, sans les influences parentales habituelles. Il en a développé une pensée et un comportement formidablement libres. En parcourant la correspondance avec sa mère, j’ai aussi découvert qu’il était doué d’une capacité d’aimer hors du commun. Y avait-il un lien entre cette liberté de pensée et
    cet amour extraordinaire ? Est-ce parce qu’il y a tant de conformisme aujourd’hui que l’amour véritable est si rare ? L’envie de plonger dans ce matériau est devenue irrésistible. Les lettres entre Paul et Jeanne, sa mère, sont denses, fortes, longues et magnifiquement écrites. Mais comment amener tout cela sur la scène ?

    Lors de mon travail sur L’homme du hasard de Y. Reza (2015), j’avais exploré comment deux acteurs pouvaient faire entendre leurs pensées intimes dans une forme particulière de dialogue où l’on s’entendait sans vraiment s’entendre et où l’on s’adressait à l’autre sans vraiment le faire. Poursuivant cette ligne, j’ai imaginé les protagonistes adresser leurs lettres directement l’un à l’autre, dans une forme très spéciale de dialogue : on peut alors voir dans le même instant l’intention et l’émotion de celui qui écrit/dit la lettre et son impact sur
    celui ou celle qui lit/écoute la lettre.


    Pour goûter pleinement de l’intimité que ces lettres recèlent, j’ai pensé qu’un prologue était nécessaire et nous voulons le créer sur le plateau, avec l’équipe, dans une écriture centrée sur les corps avec l’aide de Camille Rasera pour les chorégraphies et Thomas Raa pour une composition sonore originale.


    Mon complice habituel, Vincent Bresmal, a imaginé une scénographie constituée de vêtements féminins, assemblés
    pour former un écran sur lequel seront projetées les images de cette création.
    Il s’agira donc, encore une fois, d’une plongée dans l’intime de deux êtres liés par un amour hors du commun qui se terminera de manière tragique…


    Bruno Emsens

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