Colin et Chloé
Conjoncture des étoiles : il n’y a pas de hasard. Que Bernard Damien, en personne, vienne du fin fond de sa France étoilée, déposer aujourd’hui précisément, au théâtre de la Clarencière à Bruxelles, le cadeau formidable d’un texte qui l’a occupé presque toute une vie : « L‘écume des jours de Boris Vian », c’est bouleversant.
Michèle Friche, journaliste au Soir, ne parlait-elle pas de lui à l’époque, comme « d’un homme libre en colère, directeur de compagnie, metteur en scène, comédien, aussi fou de littérature que de lumière provençale. En colère contre l’humanité, se battant sur tous les fronts de la passion, … tout comme Boris. » Boris et Bernard ? Une filiation fidèle et poignante, éternelle?
Ce bouillant professeur d’art dramatique qui a pris aujourd’hui ses quartiers dans le Sud de la France, mit en effet « L’écume des jours » en scène pour l’avènement de l’an 2000, au théâtre du Rideau, avec des grands noms de notre scène belge : Nathalie Hanin, Gérald Wauthia ,Patrick Brüll, Emmanuel Dekoninck, Steve Driesen, Micheline Goethals, Isabelle De Beir, Valérie Marchant, Isabelle De Hertogh, Nicolas Ossowski… C’est tout dire.
Cette fois, devant un public médusé, il endosse tout seul les rôles de ce conte poétique et c’est d’une densité dramatique à couper le souffle. A ses côtés, à l’autre bout de la scène il y a le musicien au visage impassible de pianiste de jazz qui égrène les bruitages, les atmosphères, l’orchestre de jazz, les émotions, comme une riche bande son d’un film en salle de cinéma. Au milieu, règne, tenez-vous bien, l’intelligence artificielle qui défile sur un écran beau comme un tableau de maître, de somptueuses images oniriques et réalistes à la fois, à chaque changement de lieu. Quel exploit, Hopper doit être jaloux ! Ces compositions lumineuses surgissent, inexorables et fascinantes, à chaque pas de l’histoire qui court vers son tragique dénouement. Presque sans pause, dans l’urgence, la sublime voix humaine du metteur en vie transmet le texte inoubliable, faisant frémir le cœur et les souvenirs.
Or, presque 25 ans se sont écoulés entre la création de l’adaptation de l’œuvre pour le théâtre par Bernard Damien en 1999, et cette inoubliable soirée à la Clarencière. Peut-être que les mots vivent d’immortalité. Et non, Colin et Chloé ne sont pas morts ! Ni l’adorable souris, ni le chat compatissant, ni le formidable cuisinier de Colin, l’obséquieux Nicolas, collectionneur d’aventures, mais aveugle face à l’amour d’Isis. Et bien sûr, le pauvre ingénieur désargenté, Chick…le double inversé de Colin, rendu fou à lier par son fétichisme pour les objets et productions de Jean-Paul Partre… Est-ce la fantaisie, le surréalisme et les créations lexicales abracadabrantes de ce poète qui crache sur les tombes, qui porteraient une œuvre hors des griffes du temps? Quitte à faire au passage le procès de la violence, de la maladie, de la guerre, du travail et des religieux. Et de l’argent.
Et puis il y a soudain, flottant dans l’air scintillant des émotions artistiques, une autre histoire, toute aussi vraie qui se déroule hic et nunc, sous l’œil attentif la directrice des lieux. Elle nous conte sa passionnante empathie pour cette femme, Nefer Ti, jeune et belle, mère de trois joyeux bambins qui se voit à 36 ans au stade final, désormais sans sa resplendissante chevelure blonde, les yeux brillant d’amour, implacablement dévorée, non pas par le fatidique nénuphar de Chloé, mais par un ours encore pire que le crabe, comme elle le nomme. Ce mal incurable qui l’assaille.
Il a suffi donc de cette concomitance extraordinaire des étoiles, pour que Fabienne Govaerts mette sur pied dans son petit théâtre, – prenez vos billets pour le 23 mars 2024 – un extraordinaire projet caritatif pour aider matériellement ladite jeune famille vivant à la campagne, et hélas sans plus le moindre doublezon, pour passer leurs derniers jours de bonheur ensemble. Accablés par le destin. Mais, la poésie sauvera le monde : Bernard et Boris, unis dans la magie des mots font oeuvre de liberté et d’amour. Et nous, et vous … peut-être.
Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour Arts et Lettres
au théâtre littéraire de la Clarencière, 20 rue du Belvédère à Ixelles
Direction artistique
02/640 46 70 du mardi au vendredi de 11h00 à 17h00
Fabienne Govaerts
fabienne.govaerts@skynet.be
Elle revient donc, cette soirée dédiée à l'Amour en compagnie de Mathieu Moreau *** Le samedi 23 mars à 20h30 - SOIREE CARITATIVE EN FAVEUR DE NEFER TI *** au théâtre littéraire de la Clarencière, 20 rue du Belvédère à Ixelles
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