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                        L’AUTOPORTRAIT PAR LE BIAIS DU SUJET : L’ŒUVRE D’ANIK BOTTICHIO

Du 01-08 au 30-09-18, l’ESPACE ART GALLERY (83 Rue de Laeken, 1000 Bruxelles) vous a présenté une exposition dédiée à l’artiste peintre française Madame ANIK BOTTICHIO, intitulée FILIGRANE.

La question que nous pose FILIGRANE se résume à ce qu’est, en définitive, un sujet. Sans nul doute, il s’agit ici de la FEMME. Une Femme déclinée en plusieurs fractions psychologiques, traduites dans une série de poses, conçues dans une intimité à chaque fois renouvelée, qui s’affirme dans plusieurs étapes de sa vie : de l’enfance en passant pas l’adolescence pour terminer à l’âge adulte. Ses étapes, ou pour mieux dire, ses états d’âme, se muent en une série d’interrogations exprimées dans une série d’attitudes, lesquelles prennent pour cible des personnages ayant marqué l’Histoire de l’art, tels que Frida Khalo.

Cette série d’interrogations, plastiquement soulignées par un chromatisme généralement sombre, nous présente un visage féminin campé de profil, à la blancheur immaculée.

NOUS (120 x 90 cm-acrylique sur toile).

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Cette œuvre a quelque chose de sculptural, en ce sens que jaillissant de la robe tout de noir conçue et surplombée d’une coiffure dont la couleur brune épouse celle du vêtement, la blancheur carrément translucide du cou, issue d’une échancrure laissant deviner une partie du tronc aboutit sur un visage à la lucidité désarmante. L’œuvre est parsemée, sur la gauche (par rapport au visiteur) par un ensemble calligraphique en évanescence. Sur la droite de la composition, apparaît le visage furtif d’un homme à peine ébauché. Il fait office d’apparition. Sa position face à celui de la femme laisse penser à un rapport étroit, soit terminé, soit amorcé. L’idée du baiser, à venir ou passé, affleure l’imaginaire du visiteur. La conception de la composition est tout simplement magistrale : une zone rouge au centre de la toile, délimite deux cadres – un cadre extérieur et un cadre intérieur. La zone rouge se trouve en fait à l’intérieur, laquelle forme un deuxième cadre. Le visage de l’homme, à peine esquissé, se trouve à l’intérieur de ce cadre. Celui de la femme irradiant l’espace domine la zone extérieure. Tout en étant rapprochés, ils appartiennent à deux univers différents.

Le visage de la femme est souligné par un trait fortement prononcé pour bien en faire ressortir le volume.

UNE ROUTE ENFIN DEGAGEE (120 x 60 cm-collage et acrylique sur toile)

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Ici encore le sujet se démultiplie en une seule image : la petite fille qui regarde le ballon s’envoler, la position de son corps traduisant l’attente de quelque chose. Le titre d’un journal sur ce qui peut être une palissade : « Rêvons ». Enfin, la couleur blafarde, évoquée par un blanc laiteux à outrance, traduisant par sa consistance, la symbolique de l’innocence.

Ayant pour sujet la profondeur du Moi dans tous ses abîmes, la symbolique tient dans l’œuvre de l’artiste une place capitale. Une de ces images symboliques est celle du carré. Plus exactement, le carré dans le carré. Il est semblable à un jeu de poupées russes, l’une emboîtée dans l’autre, jusqu’à atteindre le tréfonds (si tréfonds il y a!) de l’âme de l’artiste. Le carré dans sa valeur symbolique se retrouve constamment imprimé vers le bas des toiles. Soit il recouvre la forme de six petits cubes (à l’instar de NOUS, cité plus haut), associés à la signature (trois fois gravée verticalement) de l’artiste : le logo se trouvant dans chaque carré. 

LES AUTRES (120 x 90 cm-acrylique sur toile)

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évoque une fois encore un discours similaire. Un personnage féminin délimité par deux espaces, enjolivés par un subtil jeu de perspective à peine visible, lequel est placé à gauche de ¾ par rapport à celui de droite, conçu en plan. Celui-ci émerge de la zone rouge apparaissant déjà présente dans NOUS. Mais ici son rôle est plus puissant, en ce sens qu’étant enserré dans un demi carré de couleur blanc-cassé, délimitant l’espace vers la droite, le visage du personnage n’apparaît qu’à moitié. Ce qui donne le sentiment d’être en retrait par rapport à celui de gauche. Tous deux fixent le visiteur instaurant un dialogue intérieur. La femme de droite devient le double de celle de gauche. Elle la représente en tant que masque, assurant le rôle de la « Persona ». Remarquez la façon de mettre en valeur les visages : à l’instar de NOUS, un trait puissant en délimite les contours tandis que l’expression faciale émerge du chromatisme uniforme composant la coiffure ainsi que la robe : blanc pour le personnage de gauche, brun-foncé pour celui de droite. Bien que la dialectique ne soit pas la même, le visage scindé en son milieu du personnage de LES AUTRES répond en quelque sorte au visage de l’homme, à peine esquissé de UNE HISTOIRE SANS FIN (120 x 7O cm- collage et acrylique sur toile). Une calligraphie évanescente se superpose sur la toile.

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UNE HISTOIRE SANS FIN contient également une zone rouge comprise dans un carré de laquelle émerge la femme dont l’expression traduit une certaine inquiétude (position de la main droite devant la bouche). Le bras, légèrement avancé pour atteindre la bouche, n’existe que comme un jeu de propulsion du corps en tant qu’émergence de l’Etre vers la réalité sensible.

Son visage jaillit, si l’on ose dire, du « fait divers », puisque en tenant compte du titre inscrit sur le panel, il participe comme tout un chacun d’une histoire. La coupure de presse lui concède le passage vers la réalité immédiate. Tourné vers sa gauche, son visage évite pudiquement celui du visiteur.

C’TE VAS ? (80 x 80 cm-acrylique sur toile)

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demeure globalement sombre dans son chromatisme, à l’exception des quatre bagues, de la boucle d’oreille et des deux fermoirs fixant la chevelure : le turquoise, le bleu, le jaune et le rouge sont esquissés.

FRIDA (120 x 70 cm-acrylique sur toile)

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par contre, laisse littéralement exploser la couleur, renouant avec la psychologie de Frida Kahlo. Particulièrement lorsque l’artiste fait pousser des plantes à l’intérieur de son corps.

UNE ROUTE ENFIN DEGAGEE (cité plus haut) met avant tout sa technique en relief. Elle se définit à la fois par le collage, l’acrylique et l’huile. Sa peinture est avant tout très diluée. Elle frotte énormément sur la toile avec toutes sortes de brosses pour rendre la forme la plus lisse possible. Comme elle dit d’emblée, sa technique s’applique à fuir la ligne car elle s’évertue à fuir l’académisme. Néanmoins, elle y revient car en le fuyant, elle ne reconnaît plus son travail. L’académisme devient dès lors un référent à son écriture picturale.

La Femme, comme vous l’aurez remarqué, est le véritable sujet de son œuvre. L’Homme est très peu présent. Sans doute n’est-il là que pour la mettre en exergue. Ce furent ses états d’âmes qui ont motivé sa production car il faut, aux dires de l’artiste, considérer son œuvre comme un ensemble d’autoportraits soulignant diverses étapes de sa vie. Cette mise en scène est précisée par un cadrage extrêmement rigoureux, lequel contient, délimite et structure la composition. Le titre de l’exposition, FILIGRANE, souligne la transparence ainsi que la profondeur qu’exige la prise de conscience exprimée par tout véritable autoportrait. Un élément ne manquera pas d’interpeller le visiteur, à savoir la présence d’une calligraphie qui refuse de se laisser lire, n’entraînant ainsi aucune interprétation. Les carrés sont (comme nous l’avons spécifié plus haut) sa signature en forme de logo. 

ANIK BOTTICHIO a suivi une formation académique à Nancy et à Metz. Outre sa trajectoire artistique, elle pratique également l’art-thérapie en milieu hospitalier. Et lorsqu’on lui demande si l’art, en lui-même, n’est pas une forme de thérapie, elle répond par la négative, en affirmant qu’il faut un tiers pour être à l’écoute de la souffrance. Que le simple contact avec l’œuvre d’art n’apporte rien en matière de résilience. La création devient alors un exutoire permettant à l’artiste de redimensionner la souffrance vécue par l’intermédiaire du sujet.

Germain Bazin disait à très juste titre que le précurseur de l’autoportrait est Rembrandt car la suite de visages qu’il exposait de lui-même mettait sa conscience à nu, à la fois pour lui-même et pour le regardant en qui l’acte d’introspection rejaillit à l’intérieur de sa propre conscience. Faut-il, dès lors, s‘étonner de voir Frida Kahlo représentée? Elle personnifie à la fois la souffrance ainsi que l’émergence de la révolte face à l’inéluctable. Le refus de capituler face à sa condition de femme castée à la fois par le handicap physique ainsi que par les conventions d’une société mexicaine conservatrice peu enclin à accepter sa liberté assumée, exprimée par son homosexualité. Son corps à l’intérieur duquel naissent des fleurs est une évocation de sa volonté de renaissance. Thématique qu’elle utilisa bien souvent tout au long de sa trajectoire créatrice. 

L’artiste n’en finit pas de nous interpeller au travers de ses visages féminins en attente de sortir enfin de leur ombre blanche et froide. Derrière le « sujet » il y a ANIK BOTTICHIO qui, par de-là la condition humaine, se fait l’étendard de l’universalité de la condition souffrante.

Acte courageux et diaphane qu’exprime la translucidité de chaque visage féminin à la souffrance interrogative.

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" ©  2019 Robert Paul

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste Anik Bottichio et François L. Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

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Photos de l'exposition de ANIK BOTTICHIO à l'ESPACE ART GALLERY 

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Commentaires

  • ADMINISTRATEUR GENERAL

    L’artiste française Anik Bottichio a exposé ses œuvres dans la galerie en 2018. Et son billet d’art du critique d’art François Speranza sera publié dans le « Recueil n° 7 de 2018 » par « Les Éditions d’art EAG » dans la Collection « États d’âmes d’artistes » en 2021. 

    Lien vers la vidéo lors du vernissage de son exposition dans la galerie :

    https://youtu.be/UAgacdJ-QOs

  • Une bien intéressante découverte.

  • Tous ces visages féminins sont fort beaux  par la technique du peintre, bien sûr, par leurs traits et surtout parce qu'ils révèlent un sentiment.. Dire que ce sont des portraits, c'est peu dire; ils laissent transparaître une vie intérieure.

    La petite fille dont le regard dans son  attente et l' étonnement qui passent également dans ses mains, se distingue de  beaucoup de portraits d'enfants  (ceux que je connais) desquels doit émaner obligatoirement l'innocence. Cette  petite  est plus originale .

    Félicitations à Anik Bottihio

  • Merci pour la découverte des magnifiques œuvres de cette Artiste. 

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