Dès que je l’aperçois, je sais que ma vie va changer. Cette certitude s'impose à moi sans en comprendre le sens réel, le pourquoi. Déjà, je cherche la raison de cette émotion que j'ai tant de mal à contenir. Le trouble passé, j’emplis mon esprit de petites choses, d'idées nouvelles, de moments soutenus pour m'étourdir.
Les jours, les semaines défilent. J’y pense sans arrêt. Quelques temps après, un vide m'envahit me laissant morose, triste, vague avec l’impression de ne pas savoir ce qui arrive. Rien jusqu'à ce jour n'a pu entraver ma vie. Une vie de femme libre, indépendante sans contrainte, sans avenant. Ce que j’ai établi est précieux. Je suis intraitable parfois rigoureuse. Mes amis remarquent un léger changement dans mon comportement.
Les vacances s’annoncent. J’en oublie presque cette étrange rencontre. J’ai besoin de me changer les idées. Avec détermination, je reprends le cours de ma vie, vive et joyeuse.
Un matin brumeux, une fine pluie m'oblige à accélérer le pas et le destin, au détour du chemin, me fige face à lui. Mon regard effleure le sien, le temps d'un instant. Je suis émue comme une jeune étudiante.
A l'abri de sa présence, je m'arrête. Je tremble de tout mon être. Mes larmes coulent doucement, délicatement. Rentrée chez moi, j’ai l'étrange sensation de n'avoir pas été à la hauteur, et fautive d'un sentiment nouveau.
Cette réaction me déchire et m'exaspère. Le destin me suit. Je suis impuissante devant cette confrontation inédite. J'admets être intriguée par cette personne, cet individu, ce jeune homme qui m'inquiète, qui m’attire.
Notre troisième rencontre n'est pas fortuite. J'ai le sentiment qu’il m'attend. D'un pas décidé, j'avance vers lui avec quiétude. J'imagine les mille façons de l’aborder, de lui parler. Arrivée à son hauteur, un simple bonjour m'accueille.
J'ai eu de longs jours pour réfléchir à ce garçon et à sa vie qui doit être très différente de la mienne. Inconsciemment, je l'accepte comme il est, étrange, insolite, hors de mes normes. Le bonheur m'envahit.
Après ce bonjour cordial et quelques amabilités de circonstance, il m'invite à prendre un café. Il me dit aussi qu'il m'a aperçue plusieurs fois et qu'il est heureux que j’accepte de lui parler.
Nait alors une amitié qui se construit, sincère, tendre entre nous. Nos rendez-vous sont joyeux, enchantés, heureux et se déroulent toujours dans un petit bistro du coin, un petit havre de paix dans ce quartier cosmopolite.
Un jour, il ne vient pas. Le lendemain non plus. Je n'ai que peu de renseignements sur lui. Il a disparu de ma vie. Ce vide m’affole, m'étrangle. Je deviens folle de cette absence. Une réaction totalement disproportionnée pour cette amitié naissante. Je reste cloîtrée chez moi ou je parcoure la ville à sa recherche. Mon père inquiet me rassure sur quelque chose qu'il ne connait pas. Je ne dis rien à personne. Je le garde secret.
J'ai le sentiment que plus rien ne sera comme avant. Que j'ai perdu l'essence même de ma vie. Les beaux jours ont disparu. Les mots n'ont pas suffi à exprimer, à formuler ce sentiment qui me tue et qu'il est désormais trop tard pour le faire. Je désespère. J'appelle en vain le destin pour qu'il me le rende, ou m'explique enfin cette absence.
Et le temps s'étiole, se fane et en vain, j'attends son retour.