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Maman, j'ai peur JGobert

Depuis quelques jours, je suis ici, rescapé sous un soleil de plomb. Mon passé m'a lâché sur ce sol ensablé. Je ne suis pas seul. D‘autres comme moi, sont venus s’échouer sur cette plage de sable fin. Ils sont agars, épuisés, perdus. Leurs visages portent les traces du malheur et la laideur de ce qu'ils ont vécu se lit sur leur front. Ils ont faim et soif.

Maman, je te cherche et j’ai peur.

Je me suis égaré dans ce monde d‘adultes qui s’ouvre à moi de façon étrange et cruelle. Ton doux repère me manque.

Beaucoup de gens me disent que tout va s’arranger mais je saisis dans leurs regards qu’ils n’en savent rien. Ces gens sont trop occupés pour penser à demain. Les nouvelles ne sont pas bonnes. Chaque jour, d’autres naufragés se déversent sur la côte. D’autres embarcations arrivent sur cette eau noire la nuit et si bleue le jour. Un abysse qui engloutit certains.

J’ai posé les pieds sur du sable chaud et cette chaleur m’a réconforté.

Malgré ma détresse, mon désespoir, je pense à toi . Comme j’ai besoin de consolation, de tes bras protecteurs. Afin de me réconforter, j’ai trouvé dans ce camp, une place à l’abri du vent, du soleil, de mes souffrances. Un endroit pour toi et moi, très petit mais suffisant pour pleurer.  C’est ici que je m’endors le cœur gros en pensant à toi.  

Une personne d’un village voisin a croisé mon regard. Sa figure ne m’est pas inconnue. Mon cœur s’est mis à battre tellement fort que j’ai failli défaillir. J’ai espéré ta présence mais cet homme ne te connait pas. J'ai appris que d'autres campements existent et j’ai repris espoir.

Depuis mon arrivée, un petit garçon ne me quitte plus. Lui aussi a perdu sa famille durant cet exode. Son langage m’est inconnu. Il vient d’un autre ailleurs que nous, il vient de là-bas. Nous sommes deux déracinés,  deux laissés pour compte, sur cette langue de terre entre deux continents. Deux grains de sable jetés à la face des éléments et que personne ne perçoit plus comme humain. Un nombre sans racine qui dérive vers d’autres nombres.  

Là-bas sous les bombes qui n’arrêtent pas de tomber, l'avenir de cette terre se réduit au néant. Une terre maltraitée, frappée aveuglément afin d’en extraire, d'en ôter le mal.

Maman, des enfants y vivent aussi et y meurent. Sont-ils responsables de la folie des hommes ? La vie ne tient plus qu’à un fil. Dans l'impossibilité de se sauver, ils sont témoins de l'anéantissement de la vie. Jamais ils n'oublieront ce que leurs yeux ont vu et n'accepterons le bien fondé de ces actes. Images de mort, de chaos, de détresse que le film de la terreur leur impose.

Maman, je ne comprends plus. Le pays où nous allons n’est pas en paix. Les gamins y meurent aussi, assassinés par ceux que l'on dit "fou" On tue des enfants sans raison également.

L’humanité est-elle devenue si barbare qu’elle s’acharne ainsi sur tous les enfants. Les hommes ont-ils perdu le sens de la vie ? Tuer pour tuer. Rendre la mort palpable à ceux qui n’y sont pour rien. Punir, châtier pour venger les enfants de là-bas. Fustiger le monde et faire couler le sang sur la terre.

Maman, j’ai peur.

 



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Commentaires

  • Bonjour Martine,

    C'est un sujet fort d'actualité et que l'on ne peut passer sous silence. J'ai connu dans la vie réelle un étudiant transplanté chez nous et qui a dû s'adapter. On ne réalise pas toujours les véritables problèmes de ces gens qui ont toujours un pied chez eux. Sans tomber dans le plus profond désarroi, certains ne s'en sortent jamais et trainent derrière eux une vie sans joie. D'autres rentrent au pays et sont de nouveau confrontés à la guerre. C'est un choix terrible.

    Merci pour ton commentaire.

    Josette

  • merci pour ce texte, Josette. Ce problème me touche profondément. J'avais écrit ceci dans une revue:

    A un ami resté là-bas
    Mon cher Nassim,
    J’espère que ce mot jeté par-delà les mers, au plein cœur de la guerre, te parviendra. Je voulais te rassurer, nous sommes tous bien arrivés. Dans un monde inconnu, où le ciel est sans couleur et l’air un peu froid, mais ne t’inquiète pas, tout va bien.
    Je pense à toi, mon ami, à nos conversations le soir à l’ombre de l’amandier, au soleil rouge qui enflammait pour nous les hautes montagnes enneigées, je pense à mes enfants et à tout ce qui aurait pu être, je pense à la folie des hommes et à tous nos amis, perdus, morts ou dispersés. J’ignore si mes yeux reverront jamais les eaux bleu marine de l’Euphrate et nos douces collines nacrées plantées d’oliviers, je ne sais même pas ce qu’il en restera. L’avenir, immense et incertain, un précipice. J’ignore comment nous nous en sortirons et si la greffe prendra, dans cette terre étrangère. Ou bien nous faudra-t-il encore nous transplanter ailleurs ?
    Zayane, ton amie exilée

    Martine Rouhart

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