Réponse à " Une lettre imaginaire de petit Pierre",
J’ose à cette heure tardive te déranger mon pauvre petit Pierre
Tu me proposes une curieuse escapade dans le temps
Avec toute la désinvolture qui m’est propre
Je te dis oui mille fois oui
Nous irons au rendez-vous des cœurs grillés
Nous retenant d'une nervosité certaine d'une joie presque masochiste
Comme iraient les voyeurs sadiques se distraire lors d'une visite au musée du malheur des autres
Quelques pas plus loin nous descendons le sentier du silence
Une tombe de muguets mausolée vivante
M’enivre tout pareil après l’ingestion rapide de 2 verres de rhum
L’endroit est si prenant
J’y suis j’y reste selon une promesse faite il y a bien longtemps
Dans tes habits devenus trop grands trop tout trop rien
Je t’observe au loin
Tu prends place sur le petit banc en chêne du parc Damoiseau
Je savoure le triste spectacle d’un homme très beau si pâle presque blanc
Ton visage aux traits marqués par une douleur luciférienne
Offre au monde un modèle surréaliste du chagrin
Je me trouve chanceuse de pouvoir t’observer
Je danserais bien pour la gargantuesque douleur
Des écriteaux précisent "attention en ces lieux la joie c’est mauvais c’est stupide "
Silencieusement planquée derrière le chêne
Le plus ancien qu’il soit en contrebas du lac
Ou lorsque nous étions jeunes nous allions barboter
Nus comme des vers
Je voudrais te savoir mien dans le sens que je suis toi
Que nous serions nous
Que nous ne serions plus qu’un
Brisés tous deux par la faute d’une semblable raison
Morts vivants trainant l’absence
Comme une femme traîne dans l’espace un voile de jeune mariée
Je le porte en moi avec une fierté ostentatoire
Tes mains fines parsemées de sinueux chemins à la répétition de tes gestes quotidiens
Tes mains en carte d’univers
Le monde entier logé dans ma tête quand tu me touches
Nos sangs mêlés n’en auront jamais fini d’écouler l’encre bleu sur des cahiers
Caresses imaginaires flottent au vent cru de ce mois de mai
Tu daignes lever les yeux vers le ciel comme un petit enfant qui s’interroge
Coucher muet dans la terre
Hurlant de l’intérieur à celui qui reçoit avec la plus grande indifférence tes mots terriblement provocateurs
La complainte de petit Pierre ressemble à une vallée fleurie d'un conte d’ogre déchu
Il fait très beau à la lecture de la douleur palpable avec ou sans majuscule
La beauté se trouve en tout
Il suffit non pas de voir plutôt de regarder
Je suis fascinée par la qualité de la tristesse
Etayée en toutes formes en toutes choses
Nourrie par toi dans mes plus obscures pensées
Page après page
Lire et mourir ou l’art d’aimer
Chantyne
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