Ses siestes alambiquées, teintées de souvenirs tranquilles et abêtissants ne vont guère durer. Il y a toujours un fou qui arrive de quelque part, qu’on n’attendait pas, pour casser l’ambiance ! Les fous seront deux. Judith et Guillaume déboulèrent en pleine séance de spiritisme, pleins de cette énergie puisée aux entrailles du bonheur à venir. La pauvre Marienka qui s’était bien accoutumée à sa solitude pensive et mélancolique allait devoir faire face à deux ouragans avant l’heure. Pourquoi ouragans, sans doute un présage ! C’est que les deux tourtereaux avaient calculé s’installer pour un temps à Horaing dans l’espoir, en prenant un peu de recul, de renflouer leur tirelire puisqu’ils n’avaient pas le moindre sou. Comment ? Le plan qu’ils avaient élaboré était le suivant. La maison de Marienka, toute petite, avait besoin d’être agrandie, rénovée, rendue plus attrayante, ainsi elle pourrait intéresser un acheteur et constituer une enveloppe financière pour s’installer dans les îles. Encore fallait-il agir avec prudence. Ne pas dévoiler ce projet foireux à Marienka qui allait devenir, sans le savoir, l’enjeu de la manœuvre. Il fallait la convaincre de faire des travaux pour rendre l’endroit habitable à tous. La pauvre, elle qui faisait la chasse à la plus petite poussière, à la plus petite fourmi qui dérangeait son univers feutré, allait entendre parler les sacs de ciment, les chaussures dégoulinantes abandonnant des paquets de sable et de ciment lors d’incessantes allées et venues à l’intérieur de la maison pour emplir des seaux d’eau et subir le bruit d’une bétonneuse quasiment toute la journée. Les travaux étaient devenus nécessaires, il fallait bien loger sa fille et ce beau-fils improvisé. Comment résister quand l’évidence est telle , quand il s’agit de son enfant ? Guillaume n’était pas maladroit mais incompétent devant les différents problèmes qu’il rencontrait. Le faisait-il exprès ? Tout était commencé, rien n’était achevé. Il avait construit autour de la maison des ajouts de murs et d’orifices pour les fenêtres sans fenêtres sans véritable plan. Il n’y avait pas de toiture, pas de carrelage, pas d’écoulements, pas d’éclairage. Tout ce micmac ressemblait à une invention puérile assemblée au gré d’une imagination créative sur le moment, sans but précis ou, s’il n’y avait ce soupçon d’incapacité professionnelle évident, on aurait pu dire qu’il y avait un but : installer sa présence, devenir indispensable aux yeux de Marienka qui rêvait maintenant que tout soit terminé et que sa fille puisse avoir son « chez-soi ». Une partie du pari était donc gagnée. Les fous avaient pris possession des lieux. Ils en étaient maîtres, animés de leur fougue irrationnelle devant une pauvre femme seule. Il ne restait plus qu’à passer à la deuxième phase du plan.
En face de la maison un jeune type se balançait sur sa chaise au soleil et contemplait tout ce chambard quotidien quand il revenait de l’usine . Il voyait croître sous ses yeux éberlués un assemblage rocambolesque de parpaings et de bouts de bois épars qui lui donnaient le vertige et lui firent perdre l’équilibre un jour, presque à tomber en bas de son siège quand il vit une pancarte « à vendre « qui lui tendait les bras !
Il était gonflé « le Guillaume « ! Il vendait mes travaux et peintures de printemps ! Je voyais ainsi partir avec tristesse une partie de mon enfance au milieu de ce chaos, les tartes, les dimanches après-midi, les tantes, les grand-mères. Mais rassuré au fond par l’homme-balancier qui allait remettre, tel bon funambule qu’il semblait, tout ceci bien d’aplomb , aux premières loges d’une affaire élaborée à son intention sans qu’il ne s’en fut douté le moins du monde ! Quand on lui a dit le prix, il en douta encore moins et se vit changer de trottoir la chaise à la main en vue d’un soleil qui ne brillerait pas tout de suite, il s’en doutait bien, certes, au vu du travail qui l’attendait !
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Un pièce éblouissante de Fabrice Melquiot: Les Tournesols
Publié(e) par Deashelle le 7 octobre 2024 à 6:11
Poème sur la mort, prière amérindienne magnifique, à lire si vous vous sentez mal suite à la perte d'un être cher.
Publié(e) par Dominique Prime le 15 juillet 2012 à 10:27
De l’art d’être malheureux dans « Capitale de la douleur »
Publié(e) par Robert Paul le 25 août 2012 à 11:30
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Commentaires
Toujours beaucoup d'intérêt à la lecture.
Merci pour ce partage
Amitiés.
Adyne