Un air de Famille
Mise en scène : Olivier Leborgne
Avec Olivier Cuvellier : Philippe
Marie-Line Lefebvre : La mère
Julien Lemonnier : Denis
Frédéric Lepers : Henri
Cécile Van Snick : Yolande
Stéphanie Van Vyve : Betty
« A force de préciser sa pensée, on en arrive à très peu de mots pour le dire. J’aime beaucoup le dialogue, j’éprouve un vrai plaisir à le faire, à trouver ce qui est le plus juste. La gageure était d’écrire très parlé et de dire des choses. »
Du 11 au 28 février 2014 au Théâtre Jean Vilar : Un air de Famille, la pièce d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri*
Le pitch : Chaque vendredi soir, la famille Mesnard se réunit au bar-restaurant « Au père tranquille », tenu par l’un des fils, Henri (Riri). L’autre fils, Philippe, vient de passer à la télévision régionale et son épouse Yolande va fêter son anniversaire. Betty, la sœur qui marche sur ses trente ans, vient, quant à elle, d’avoir une sérieuse altercation avec leur chef commun, Benito Massolini. Le cher Philippe (aux airs de tueur) est incarné par Olivier Cuvellier, à la perfection. On attend en vain Arlette, l’épouse d’Henri, pour aller dîner mais elle tarde... Lorsqu’elle se décide enfin à appeler de chez sa copine, c’est pour annoncer à Henri "qu’elle ne reviendra pas ce soir". Elle doit « réfléchir ! »"Paraît que j'ai pas de considération pour elle!" Mais que va dire la sainte famille?
Henri, le patron des lieux est l’imbécile de la famille: le jeu de Frédéric Lepers est parfait. Il a de la tendresse pour les joueuses de tennis en jupette et dit qu'il l'aime, son Arlette. Il nourrit sa conversation de dictons, ce qui irrite prodigieusement Betty. Il est l'enfant maudit de la reine-mère et a pour riche conversation, ses apartés avec son clebs arthritique. "On est comme on est, on change pas, j'te dis! "
Une époustouflante Marie-Line Lefebvre, ou peut-être votre propre belle-mère, bien-pensante et vieux-jeu en diable, interprète Madame Mère en plein délire. Elle se plaint à répétitions de son mari défunt qui manquait tellement de tout et surtout, d'ambition.Tandis que Philippe.... Tout en ne perdant jamais une occasion d'asticoter sa fille Betty.
Cécile Van Snick est une inénarrable YoYo, drôle à souhait, la femme soumise de Philippe et le pendant féminin de RiRi. Elle voudrait juste « un peu vivre », partir à deux en voyage ...et reçoit comme cadeau d’anniversaire du tandem mère-fils un collier de chien et le chien qui va avec. N.B. de la même race que la pauvre ruine appelée Caroso qui jappe dans son panier au fond de la salle. Pour énerver son frère, Betty pousse sa belle-sœur à boire Suze sur Suze. Denis, le serveur, beau à en tomber, met le jukebox "C'est son anniversaire Non? " Ils dansent. Le craquant Denis, écoute, ne juge pas, lit des livres au coin d’une table et astique avec philosophie sa pompe à bière. C'est Julien Lemonnier , sortit de IAD en 2009.
Et enfin Betty la fille pas tranquille du tout, est un paquet craquant de charme, « mal fagoté » débordant de vitalité et de rébellion, qui n’offre rien aux anniversaires et crache sur tous les règlements. Elle a dit son fait à Benito le jour même et - simple question de justice - fera de même avec Philippe et sa mère! Une authentique garce que l’on adore car elle fonctionne au Vrai, passionnément !
Olivier Leborgne ("Sois belge et tais-toi", "Sur la route de Montalcino") adapte cette œuvre avec beaucoup de doigté à la situation d’une famille résolument belge qui veut faire bonne figure mais a tout raté, question communication. Sans avoir jamais l’air d’y toucher, Denis, lui, l'intrus, écoute, compatit, remonte le moral, conseille et charme. Le public l'adore.
Le très beau décor mis au point par Lionel Lesire et Jean-François Viot est une véritable contraction temporelle. Il réussit à projeter l’action au temps de …MATHUSALEM ? Une action qui se déroule dans les années 90 - Dieu que c’est loin ! - avec un décor totalement rétro des années 70, qui donne à son tour la tentation de plonger dans les années 50 ! Toute une vie, quoi ! Mais les relations entre les personnages n’ont pas pris une ride, ni leur parler. Il y a une sorte d'immortalité. C’est du vécu pour chacun d’entre nous, au quotidien… en 2014, tout comme dans la mythique famille Duraton du feuilleton radiophonique des années 50! Du théâtre de conversation où se révèle une image satirique de la société avec son lot de rivalités, d'hypocrisies, de malentendus et d'incommunicabilité.
Lorsque la dynamique de la férocité familiale s’enclenche, personne ne sait où cela va s’arrêter! La réunion hebdomadaire de famille tourne au cauchemar. Les interprétations de chaque personnage sont succulentes: des plats cuisinés de typologies hypertrophiées qui ont le don de faire rire à chaque tournant de phrase ou de non-dit! Du théâtre intelligent et sensible, une présence en scène fabuleuse pour chacun des personnages, une gestuelle merveilleusement étudiée… jusqu’à celle du pauvre clebs ! Et par-dessus tout, la splendide diction, le charme, la jeunesse et la finesse de notre comédienne préférée : Stéphanie Van Vyve !
A vos agendas! http://www.atjv.be/
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*La pièce d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri créée en 1994 au Théâtre de la Renaissance à Paris, qui obtint l’année suivante deux Molières et fut adaptée au cinéma par Cédric Klapisch rafla trois Césars en 1997.
Commentaires
crédit photos © Grégory Navarra
PS d'Olivier Leborgne: " Gross Kiss à vous mes Suricates chéris! "
La pièce dure 1 heure 25 «mais comptez 2 heures avec les rires», prévient le metteur en scène Olivier Leborgne. Celui qui déguise volontiers sa voix pour les publicités en radio, emprunte les chemins les plus fous pour remporter un match de la ligue d’impro et se glisse chaque matin dans la peau d’un journaliste dans Votez pour moi sur Bel-RTL s’attaque cette fois à un boulot sérieux. La mise en scène de la célèbre pièce écrite par le redoutable duo parisien Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri en 1994, Un air de famille, pour le Théâtre Jean Vilar.
«Je connaissais la pièce et le film qui ont connu un succès remarquable. J’adore l’écriture de Jaoui et Bacri. Ce sont des contemporains qui vieillissent bien. La pièce aborde des questions tellement universelles. C’est une pièce sur nos contradictions, nos angoisses, nos questions existentielles… Vingt ans après, on a tous un air de famille avec ce spectacle. Soit parce que l’un des membres de notre famille leur ressemble, soit parce qu’on se retrouve soi-même dans un de ces personnages.»
Un seul lieu pour cette pièce où les ripostes fusent à la vitesse de la lumière: le café Au Père tranquille, qui se révélera n’être pas si tranquille que ça.
«Entre les comédiens, c’est comme une bonne thérapie, ils se balancent les répliques cinglantes à la tête. La pièce est assez évidente, ça reste une comédie, il ne faut pas aller chercher de la dramaturgie où il n’y en a pas. Il faut laisser évoluer les personnages. Mais il y a du fond aussi, ce n’est pas juste de l’humour tût tût, pouet pouet…»
Roi de l’impro, Olivier Leborgne, est ici privé de son sport favori. «On ne peut laisser aucune place à l’improvisation dans cette pièce. Le rythme est soutenu, les situations tendues, ça n’arrête pas. Ca n’a l’air de rien mais c’est très précis. Les comédiens me font penser à des suricates, tout le temps sur le qui-vive, en alerte. Ils doivent se montrer très vifs. Il y a aussi quelque chose de proche du fonctionnement d’une meute de chiens, mais pas des rottweillers.»
Un touche-à-tout
Trouver le temps pour jouer son rôle de metteur en scène n’a pas été simple pour cet électron libre de la scène francophone. Mais il en a fait une priorité.
«C’est vrai que j’ai des journées bien remplies mais j’aime conserver de la diversité. Le matin en radio, l’après-midi en répète au théâtre. Pouvoir faire ce métier, c’est génial. J’adore mettre en scène, élaborer des décors, des costumes, penser aux accessoires, etc. Avec moi, rien n’est jamais acquis. Je peux changer des détails de mise en scène jusqu’au dernier moment.»
S’il n’habite pas le Brabant wallon, Olivier Leborgne n’en est pas moins un habitué de la région. On l’a vu à plusieurs reprises au Théâtre de la Valette à Ittre et au Théâtre Jean Vilar. On l’a même vu animer la Mercuriale de la gouverneure Marie-José Laloy il y a deux ans.
«Je suis très heureux quand je viens à Louvain-la-Neuve. Je me sens chez moi. Tout a commencé ici pour moi, il y a 22 ans, quand je suis entré à l’IAD (NDLR, école artistique située sur le site de l’UCL). Lors de mon examen d’entrée, deux des profs avaient un avis négatif mais Armand Delcampe a dit: “ Il faut l’accepter, il vient de Leval-Trahegnies, c’est mon village ”. Et puis tout s’est enchaîné, j’ai rencontré Patrick Ridremont la même année, il est devenu mon ami et mon complice… Au fond, vous avez raison, c’est chouette ici. Je devrais peut-être venir m’installer en Brabant wallon.»
« Un air de famille », d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, mise en scène d’Olivier Leborgne, à l’Atelier Théâtre Jean Vilar, du mardi 11 au vendredi 28 février. Réservations :0800 25 325, www.atjv.be.
http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=dmf20140210_00...