Traversant le matin à l'éveil de la ville,
J’ai vu des hommes œuvrant de leurs mains viles!
A maints coups de burins bruts et assourdissants,
je les ai vus détruire sans égards, cassant
La pierre grise, noble et lissée pas les ans,
La pierre tant révérée par les maîtres d’antan.
Insensibles à ses cris, sans foi, ils brisent,
Le roc qui autrefois fut une dure entreprise.
Pire, éviscèrent impitoyablement,
De leurs ancêtres, le diamant.
J’entends à chaque coup qui lacère,
Le souffle des vieux bâtisseurs de naguère;
Je sens l’odeur de leur sueur, ils sont heureux;
Je vois la passion flambant dans leurs yeux.
N'était-ce point étincelle de sainte folie ?
Les pierres, une à une, ne sont plus que débris,
Écrasant le respect et tout un testament,
Inexorablement.
Dans le regard des nouveaux créateurs,
Aucune joie, pas d’amour, aucune lueur ;
Rien qu’une horloge dans leurs prunelles mortes,
Dont le tic-tac à eux seuls importe.
Minutes marquées dans leur iris pour cadran,
Pendule moderne de la fin du tourment.
Point rompus, point fourbus, guillerets,
-Malheur à eux, s’ils s’étaient au travail usés-
Quand ils pousseront la porte de leur royaume,
Leur vie commencera par un verre de rhum !
Quelques fois, un soir, une femme dans leur lit,
Jamais la même, toujours une plus jolie.
Sur un mur plâtré aux airs faussement lisses,
Un projecteur de mensonges et d’images
Convie à de lubriques et fallacieux voyages;
Un gramophone plus petit qu’un biscuit
Diffuse une obsédante cacophonie.
Et le sourire enfin s’empare
De leur faciès ignare !
Il faut être patient,
Faire avec son temps.
Se dire qu’autre part
Se renouera l’histoire.
Peut-être, sans doute,
Quelques uns croient encore
Qu’arpenter les sentiers d'alors,
Refaire les même routes,
Soit une mission enrichissante.
Mes amis, tout s’invente
À chaque tour de roue !
Nous les hommes sommes sots ou sublimes fous
Et restons toujours pareils,
De magnifiques bêtes aux longues oreilles,
Les yeux écarquillés par émerveillement...
Ou par abrutissement.
Dirons nous : c’est épatant…
Ou « hi-han » ?
Avance, me dis-je, avance,
Parcours la circonférence
Sois l’ultime maille,
et que recommence le travail !
Le vert écrin des songes
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