CE QU’EN DIT LA PRESSE
« Le rythme est époustouflant, l’inventivité chorégraphique scotchante, les artistes formidables et les chansons d’Yves Montand, toujours aussi belles. Un régal. » Télérama
« Tout simplement jubilatoire ! Accompagnés d’un accordéoniste, quatre superbes comédiens et chanteurs font vivre avec une énergie communicative, son épopée, sans artifice ou presque. Un très beau spectacle dont on ressort le cœur empli d’allégresse. » Le Parisien
Bon tout est dit, mais on va en rajouter… Car on a adoré la production de Ki M’aime me suive! Ecoutons d’abord Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos, les créateurs-comédiens metteurs en scène : « Raconter l’histoire d’Yves Montand nous est apparu instantanément comme une évidence. La force du personnage, la période historique qu’il traverse et les rencontres qui jalonnent sa vie sont au-delà de l’imagination. Ne disait-il pas lui-même : « Les meilleurs scénaristes s’inspirent de la vraie vie ». Le destin d’Ivo Livi nous plonge dans la grande histoire, celle du XXe siècle, du fascisme en Italie, de l’occupation en France, de la guerre froide et du communisme. L’histoire d’un migrant, qui poussé par la passion du cinéma et du music-hall devient un artiste hors norme.
Un artiste qui a su parler à toutes les couches sociales de son pays. Du prolétariat à la bourgeoisie en passant par les grands intellectuels de sa génération, le monde entier a été conquis par ce phénomène. Un artiste de la mondialisation donc, bien avant l’heure, puisqu’il fut le premier à importer le concept de one-man-show et qu’il fût aussi bien applaudi à Paris qu’à Tokyo, Moscou, New York etc. Nous souhaitons développer une narration singulière, sans artifice, inviter le public à se projeter avec nous, à tout faire exister avec rien. »
C’est exactement ce qui se passe sur le plateau du théâtre Le Public. Les cinq joyeux saltimbanques, comédiens-chanteurs-danseurs vêtus d’ensembles marron, ne cessent d’éblouir par leur virtuosité et leur vitalité. En trois temps, trois mouvements on passe de l’Italie de Gigi l’Amoroso à l’Italie fasciste où règne la terreur au moment de la naissance du futur Yves Montand. Treize heures d’accouchement, faites chauffer l’eau des pâtes, et soufflez madame, la star est née sous les chants des partisans communistes. La pétulante mamma italienne est mâtinée de mère juive explosive ! L'avenir est dans les claques. et dans le bilinguisme: Ivo, Monte! Ivo, vai su!
Le récit démultiplié et facétieux se développe comme une mosaïque, comme un kaléidoscope sans cesse renouvelé, chaque artiste faisant l’Artiste à son tour… Avanti popolo ! Rafles, xénophobie, la famille décide de fuir vers l’Amérique de … Dicaprio ! Pitreries de Lucky Luke, Bonjour les anachronismes, pourquoi pas ! Las ! A l’ambassade, no more visa, Basta !
Installation forcée et vie pauvre mais pittoresque dans les bas-fonds de Marseille, tous solidaires. Quelle tendresse, quelle résilience, quel exemple de solidarité, ces familles de réfugiés! Un salon de coiffure pour la sœur dans le garage, Ivo est la coqueluche des vieilles dames… Il rêve d’une seule chose, les planches et le spectacle. Il adore Fred Astaire: « I’m in heaven, dancing cheek to cheek !»
Et le public, lui aussi est au septième ciel devant tant de créativité, d’inventions, de bonne humeur qui ne cesse de traverser le quotidien tragique d’une vie légendaire et d'une carrière artistique fulgurante. Que d’humanité déposée avec le sourire dans notre imaginaire gourmand de belles et vraies histoires. On est sans cesse à l’affût dans cette chasse au bonheur, alors que pour tout décor il n’y a qu' ampoules électriques à incandescence, deux chaises et deux praticables… et un accordéon. Humour et tendresse vont et viennent, même des coups de foudre... On a devant les yeux et dans l’oreille un incessant torrent de talents chorégraphiques et musicaux généreux qui créent l'allégresse et entraînent le spectateur émerveillé vers les sommets du plaisir théâtral. Tout cela, dans l’esprit même de notre ami Yves pour qui « le devoir d’une femme et d’un homme de scène, c’est de se faire assez plaisir pour pouvoir le communiquer aux autres. » Le rythme trépidant, les mimes et les mots s’arrêtent soudain avec l’arrêt cardiaque de l’Artiste en pleine gloire et une salle comble se lève sans hésiter, émue aux larmes par un tel chef d’œuvre de scène qui a su rendre à Yves Montand un si vivant et si chaleureux hommage. Cinq étoiles.
IVO LIVI OU LE DESTIN D'YVES MONTAND
De Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos
Mise en scène : Marc Pistolesi
Avec : Ali Bougheraba (en alternance), Matthieu Brugot, Camille Favre-Bulle, Jean-Marc Michelangeli (en alternance), Cristos Mitropoulos et Olivier Sélac.
https://www.theatrelepublic.be/season.php?type=1
DU 04/09/18 AU 27/10/18
UNE PRODUCTION DE KI M’AIME ME SUIVE. AVEC LE SOUTIEN DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE. Photo affiche © Johann Hierholzer. Photos spectacle © Fabienne Rappeneau.
Commentaires
Plus que le grand artiste international, c'est en effet l'homme que l'on découvre... quand il était encore Ivo Livi - né le 13/10/1921 - dans le petit village italien de Monsumano, Toscane, Italie. Le récit, "l'histoire d'un migrant", qui a intéressé les co-auteurs, Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos, commence dès le berceau.
Et l'on voit la famille Livi fuir le régime de Mussolini pour s'installer à Marseille où le jeune Ivo va toucher à tous les petits métiers: livreur, manoeuvre, ouvrier métallo et même assistant dans le salon de coiffure de sa soeur. Il rencontrera un impresario amateur, Berlingot, qui va le pousser jusqu'à l'Alcazar (1938) où il sera l'interprète de chansons connues de l'époque.
Intermède aux "Chantiers de Jeunesse" et puis, autre rencontre et combien importante: celle d'Edith Piaf qui l'incitera à renouveler son répertoire. Il sera "vedette américaine" de son spectacle... tout indiqué pour celui qui aimait tant, enfant, "les cow-boys dans les plaines du Far-West"...
Mais "interprète", c'est ce qu'il affirmera toujours vouloir être, comme il sera plus tard acteur porte-parole de grands réalisateurs (Costa-Gavras entre autres). N'a-t-on pas dit de lui qu'il était: "l'interprète le plus talentueux et le plus respectueux de la chanson française"? (André Halimi). Inspiré par Fred Astaire, on pourra dire aussi que tout chez lui était "sous contrôle" et que son "show" avait été préparé avec un soin extrême.
L'équipe de "Ki M'aime Me Suive" a fait de même pour un spectacle truffé de moments musicaux qui ne souffre d'aucun temps mort. Reflets du style de Montand, le programme combine le musette populaire au swing américain; "Les Feuilles Mortes" ou "A bicyclette" entre autres, ne seront pas oubliés, tout comme la présence (discrète) de l'accordéoniste et arrangeur Olivier Sélac.
Outre la part réservée à la jeunesse d'Ivo, la vie sentimentale d'Yves fera également l'objet de plusieurs séquences -toutes très brèves- du spectacle. Les comédiens vêtus de noir "à la Montand" jouent à l'être tour à tour, tandis que la comédienne-chanteuse-danseuse est à elle seule toutes les femmes de la vie d'Ivo-Yves. Après sa liaison avec Edith Piaf, ce sera Simone Signoret avec qui il formera un couple de monstres sacrés, malgré certaines "parenthèses" (Marylin Monroe)...
De "La Chansonnette" au "Chant des Partisans"
Seront chantés et dansés des moments des grandes chansons du répertoire Montand et si "C'est si bon"..., on n'oubliera pas le "Bella Ciao", ce chant des partisans italiens bien connu de la famille Livi et venant comme en rappel des positions politiques du chanteur, son soutien au parti communiste, qui le décevra.
Voilà un spectacle "tous publics", certes, et respectueux de l'homme comme de l'artiste. Avec une scénographie épurée qui mise surtout sur l'inventivité collective, il est mis en scène par Marc Pistolesi et mené tambour battant par un quintette d'artistes multidisciplinaires autour d'une figure unique et légendaire: Yves Montand, pardon Ivo Livi.
http://www.ruedutheatre.eu/article/3945/ivo-livi-ou-le-destin-d-yve...
Lundi 17 septembre 2018, par Jean Campion
Une Comédie musicale exaltante et chaleureuse
En 2014, les comédiens-chanteurs de la Team rocket cie nous entraînaient dans les coulisses du "Cabaret Blanche", à l’aube de la guerre 14. Le succès de cette revue burlesque, tonique et émouvante a poussé les auteurs Cristos Mitropoulos et Ali Bougheraba à récidiver, en proposant à l’équipe une comédie musicale consacrée à Yves Montand. Pas pour chanter ses louanges dans une biographie flagorneuse ni pour simplement reprendre ses tubes dans un hommage. Frappés par son destin exceptionnel, ils nous racontent : "l’histoire d’un migrant, qui, poussé par la passion du cinéma et du music-hall, devient un artiste hors norme."
En virevoltant, les cinq acteurs se passent le relais pour jouer, chanter et danser différents épisodes de cet itinéraire, qu’un narrateur balise avec précision. Le 9 novembre 1991, juste après le tournage du film IP5, Yves montand meurt d’un infarctus. Un flash-back nous ramène dans un petit village de Toscane, pour assister à la naissance d’Ivo Livi, un an avant la prise du pouvoir par Mussolini. Fuyant les fascistes, la famille Livi, militante communiste, espèrerejoindre les Etats-Unis. Hélas ! le consulat américain ne délivre plus de visas depuis... vingt-quatre heures. Désappointés, les Livi s’installent à Marseille, où s’affrontent gangsters et clans de "macaronis". En 1929, ils obtiennent la nationalité française. Le père, qui avait créé une fabrique de balais florissante doit déposer le bilan, ruiné par la grande dépression. Ivo quitte l’école à 11 ans. Bref passage en usine, puis il obtient un CAP de coiffeur. Dans le salon de sa soeur Lydia, l’apprenti charme les clientes et les épate par ses imitations de Fred Astaire et de Charles Trénet, ses idoles. Berlingot, un imprésario local le repère et lui ménage des rencontres professionnelles fort utiles. Yves a beaucoup à apprendre, mais il est tenace et veut percer. Il y parvient en domptant plusieurs fois le public impitoyable de l’Alcazar. Emile Audiffred, un producteur important, croit en lui et stimule son ambition. La guerre freine sa carrière, mais en 1944, il se sent prêt à conquérir Paris. Cependant une vérification d’identité (Livi ou Lévy ?) le perturbe profondément : "A deux voyelles près, j’avais droit à un aller sans retour pour Auschwitz."
Dans la suite de l’histoire, plus connue, le spectacle isole quelques rencontres marquantes. Edith Piaf l’aide à s’imposer sur scène, à devenir une vedette et... le largue après une courte liaison. Avec Simone Signoret, Montand s’engage dans des combats politiques. Boycott de l’Espagne franquiste et soutien au parti communiste. L’invasion de Budapest par les chars soviétiques, en 1956, ébranle leurs convictions. La tournée en URSS est pourtant maintenue, mais Montand et Signoret réclament des explications au chef du Kremlin. Trois ans plus tard, nanti du fameux visa, le couple est acclamé aux Etats-Unis. Yves triomphe sur une scène de Broadway et Simone reçoit l’Oscar de la meilleure actrice pour son interprétation dans "Les Chemins de la haute ville".
Les auteurs préfèrent garder le silence sur la relation de Montand avec Marilyn et sur ses changements de cap politiques. Ils se contentent d’effleurer sa carrière d’acteur. Si Cristos Mitropoulos et Jean-Marc Michelangeli jouent une scène de "Jean de Florette", c’est pour faire un clin d’oeil au destin. Obscur figurant dans "La Prière aux étoiles", un film inachevé de Marcel Pagnol, Montand force l’admiration, en incarnant le papet, héros tragique imaginé par l’auteur provençal. Cependant, c’est bien l’image du passionné de music-hall, bourreau de travail épaulépar des artistes talentueux, qui s’impose et qui justifie le choix de certaines chansons. Dans la peau d’Ivo Livi, Matthieu Brugot s’efforce de maîtriser le rythme de "Boum", tente de rivaliser avec Fernandel dans "Barnabé" et affirme son style en chantant sereinement "Dans les plaines du Far West". Camille Favre-Bulle, qui incarne toutes les femmes, interprète avec sensibilité "La Vie en rose", "Trois petites notes de musique" et "Les Feuilles mortes". Trois chansons classiques incrustées dans la vie de l’artiste.
Chemises et pantalons marron, les comédiens sont fidèles à la tenue de scène de Montand, mais aussi à son perfectionnisme. La mise en scène précise et inventive de Marc Pistolesi leur permet de nous entraîner dans une farandole de séquences sur un rythme époustouflant. Pas de temps mort, mais un spectacle bourré d’énergie, qui respire la joie de vivre. Les comédiens rendent quelques scènes touchantes mais misent avant tout sur l’humour. Ils nous amusent par leurs apartés et leurs fausses chamailleries. On apprécie leur ironie, lorsqu’ils imaginent différentes versions de la rencontre Montand - Signoret à Saint-Paul-de-Vence. Par contre, leur goût du burlesque les pousse à charger la discussion avec Khrouchtchev. Olivier Selac ne se contente pas d’accompagner ses camarades à l’accordéon électronique, il se coule astucieusement dans l’action. La complicité fait merveille, quand l’équipe chante à pleins poumons la révolution ou qu’elle roule "A bicyclette". Comment ne pas s’enthousiasmer devant ce spectacle intelligent, chaleureux et jubilatoire, qui n’a vraiment pas volé son "Molière 2017" ?
Jean Campion