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Dernier Volet de l'Évocation de la"Fille d'Apollon" :

quelques détracteurs de la poétesse

I

Critique un rien condescendante de Rémy de Gourmont
sur l'œuvre d' Anna de Noailles

"du Verlaine pour femmes du monde."
 (R. G.)

"Je te garde sur la Domination un article de Rémy de Gourmont,

qui est un liebig de bon sens."

J.Rivière à Alain-Fournier, 7 sept. 1905


LA PROSE DE MADAME DE NOAILLES

                            


                              On peut, je pense, caractériser ainsi le romantisme : prédominance du sentiment sur la raison. Les romantiques raisonneurs eux-mêmes, tels que Jean-Jacques Rousseau ou Michelet, n'échapperaient pas à cette définition. Elle laisserait sur la frontière un poète tel qu'Alfred de Vigny ; elle engloberait au contraire un philosophe qui, comme Théodore Jouffroy, laissa sa raison trembler au frémissement de ses nerfs.
                             Nous connûmes bien des sortes de romantiques. Il y en eut d'exaspérés, il y en eut de doux. La gamme descend de Victor Hugo à Gérard de Nerval. On n'en vit presque aucun, cependant, et pas même Alfred de Musset, abdiquer toute raison : le plus fou eut ses heures de sagesse, je veux dire des heures où l'intelligence reprenait le gouvernement de la sensibilité. Il n'y a qu'une exception : George Sand.
                            Je ne voudrais pas comparer Mme de Noailles à George Sand : elle ne le mérite pas encore tout à fait, et il faut espérer qu'elle ne le méritera jamais entièrement. Mais enfin, toutes deux sont femmes, et elles en abusent. Le mérite de Mme de Noailles est d'en abuser avec élégance. De plus, elle écrit dans une jolie langue, toute fraîche. Son style a des grâces et même des enchantements : la lisière d'un bois, le matin, avec un pré qui descend vers un ruisseau, et toutes sortes de feuilles, de fleurs, d'herbes, de bêtes, de bruits, de lueurs. George Sand, que Nietzsche a si bien nommée «la vache à écrire»,  écrivait en effet comme un ruminant ; le ruminant passionné n'en est pas moins un ruminant.
                            Quelques-uns des plus agréables écrivains d'aujourd'hui, en prose ou en vers, étant des femmes, il est difficile de prétendre que la femme n'est point faite pour la littérature. Si c'est pour elle un métier factice, est-ce donc pour l'homme un métier naturel ? L'homme, de même que la femme, est fait pour vivre sa vie et non pour raconter des vies qu'il n'a pas vécues. Il faut une grande habitude de la civilisation pour supporter sans rire l'idée qu'il y a à Paris deux ou trois mille créatures humaines qui vivent enfermées en de petites chambres, la tête penchée, les yeux vagues, une plume aux doigts. Cela est d'autant plus comique que le résultat de ces écritures, hâtives ou fiévreuses, demeure généralement inconnu. Les hommes persévèrent longtemps. Plus pratiques, les femmes désirent toucher rapidement le but. Chaque nouvel éditeur, chaque nouvelle revue, chaque nouveau journal voient venir à eux des martyrs de l'espoir littéraire qui avouent détenir en des tiroirs des douzaines de romans inédits. Il est très rare que les femmes soient aussi tenaces ; cependant, comme le nombre de celles qui écrivent s'accroît sans cesse, le moment approche où, aussi peu favorisées que les hommes, elles devront attendre et vieillir, en pleurant sur les moissons de leur génie.
                           Présentement, elles sont à la mode.
                           M. Maurras en a compté quatre, dont le talent de poétesse ne le cède au talent de poète d'aucun de leurs contemporains. Quatre, c'est peu. Il y en a d'autres ; il y en a quatre ou cinq autres, au moins : je pense que les dieux ont voulu qu'elles soient neuf, comme les Muses. Presque toutes rédigent, alternativement des romans et des poèmes ; la plus célèbre est Mme de Noailles.
                          Si le romantisme pouvait renaître, l'auteur de la Domination en serait le thaumaturge.                

                           Aucun écrivain d'un talent égal n'a paru, depuis George Sand, qui se soit aussi follement laissé conduire par le sentiment et par le caprice. Peu d'hommes, même de ceux qui n'ont pas beaucoup de suite dans les idées, seraient capables de concevoir un roman aussi désordonné et aussi obscur que la Domination. Mais, concevoir ? Qu'y a-t-il de conçu en un tel livre, si ce n'est le titre et les premières pages ? C'est un gazouillis d'oiseau lyrique, et presque rien de plus. Il vole, cet oiseau, il plane, il redescend ; il nage alternativement dans tous les azurs, celui des cieux, celui des eaux, celui des âmes, celui des yeux.
Il va au gré de son caprice, ou plutôt au gré de sa logique particulière, car il n'y a point de caprices, même chez les oiseaux, il y a obéissance aux directions mystérieuses d'une nature que les hommes ne comprennent point.
                          La nature de Mme de Noailles semble être de s'arrêter à moitié chemin, de s'asseoir et de songer qu'il est doux d'avoir oublié le but de son voyage. Celui qu'elle vient de nous conter se perd dans les brumes qui ont caché au pèlerin la cime de la montagne, mais avec quel charme elle nous les décrit, ces baumes, et que d'azur encore jusque dans ces ténèbres !
                          La Nouvelle Espérance était l'histoire d'un égoïsme féminin ; la Domination aurait pu être l'histoire d'un égoïsme masculin : ce n'en est que l'ébauche, et à peine visible.
                          C'est un jeune homme qui se croit destiné à conquérir le monde. Son ambition touche à la folie : « Que mon jeune siècle s'élance comme une colonne pourprée, et porte à son sommet mon image ! » Ayant publié un livre qui est remarqué, il compare ses ivresses à celles qui, sans doute, au même âge, troublaient le « jeune Shakespeare ». Tout cela est exposé longuement, sans ironie aucune ; on croit à un essai de caricature, c'est une intention d'épopée.
                          Cet amant prématuré de la gloire se destine également à être l'amant de beaucoup de femmes :
                         « Les femmes, dit-il, ne me font pas peur. »
                          Une troisième ambition doit tenter un homme si ardent. Il médite avec émotion cette phrase célèbre : « César pleura lorsqu'il vit la statue d'Alexandre. » Alors, l'éclat de ces deux noms divins, ces larmes, et ce qu'il y a chez le héros d'humain et de surhumain fondirent le cœur du jeune homme, exaltèrent en lui l'orgueil et l'âpre volonté. »
                          Tel est le thème triple et unique du roman. On songe à Balzac. Mais Balzac lui-même recule. Il y a des limites au génie. Raconter les actes, développer la psychologie d'un homme qui va être à la fois Shakespeare, Don Juan et César, qui cela pourra-t-il jamais tenter ? Une jeune femme sourit avec nonchalance ; elle a lu des contes de fées où il arrive des choses encore plus merveilleuses. Mais dans la    Domination, il n'arrive rien que des histoires d'amour. Le héros de Mme de Noailles n'est même pas Don Juan ; il est l'amoureux, le très ordinaire amoureux, celui des aventures qu'il est plus difficile d'éviter qu'il n'est glorieux de les avoir connues.
                          Depuis George Sand et Musset, Venise est le seul cadre qui convienne aux amours romantiques ; il faut, paraît-il, à certains épanchements, l'abri des gondoles. On ne peut pas être lyrique dans un compartiment de chemin de fer ; l'usage s'y oppose ; la gondole, cependant, autorise les plus sublimes divagations. Venise ! Là seulement on peut aimer avec distinction. Il y a aussi Bruges-la-Morte. Mme de Noailles n'a pas manqué de faire participer cette ombre illustre aux émotions de son héros. Héros, du moins, de l'impertinence, car, chose singulière, ce roman, écrit par une femme, respire le dédain de la femme, créature sans importance et qui n'existe que dans le désir de celui qui les aime. C'est une idée qui n'est pas tout à fait déraisonnable, et les femmes elles-mêmes semblent l'admettre, car elles sentent bien qu'elles ne vivent plus dès qu'on cesse de vivre pour elles. Elles ont encore plus besoin d'être aimées que d'aimer, encore qu'il leur soit cruel de détester qui les aime. Mais, vraie pour la femme, cette idée serait-elle fausse pour l'homme ? Si différentes que soient les manifestations extérieures de la sensibilité dans l'un et l'autre sexe, son essence est la même. On voit d'ailleurs, dans la recherche de l'amour, les femmes montrer une réserve qui prouve que leurs besoins d'affection ne sont pas irrésistibles. Les femmes se laissent séduire ; mais les hommes, bien plus encore, et bien plus facilement.
                           Voici les aphorismes de Mme de Noailles sur l'irréalité de la femme. C'est son héros qui parle, Antoine Arnault :
                        « Oui, toutes les femmes, toutes ces princesses de la terre, elles ne peuvent que plaire, et, si elles ne plaisent point, elles sont mortes : voilà leur sort. Elles n'ont pas d'autre réalité que notre désir, ni d'autre secours, ni d'autre espoir. Leur imagination, c'est de souhaiter notre rêve tendu vers elle, et leur résignation, c'est de pleurer sur notre cœur. Elles n'ont pas de réalité, une reine qui ne plairait pas à son page ne serait plus pour elle-même une reine. »
                          On lisait dans un petit roman, paru il y a quelques années et que je ne nommerai pas :        «Le privilège de vivre ! Mais vous seriez la seule, Hyacinthe, la seule entre vos pareilles ! Vous ne vivrez qu'en celui qui vous aura fait souffrir. » Les paroles de Mme de Noailles résument assez bien ce livre peu connu, et qui passa en son temps pour paradoxal (1). Cependant, comme toutes les femmes, elle exagère : et puis, ce n'est pas tout à fait la même chose de se réaliser dans la douleur ou de se réaliser dans le plaisir.
                          L'impertinence d'Antoine Arnault n'est ici que psychologique. D'autres hommes, qui ne le valent pas, ont sur les femmes des opinions plus bizarres encore et plus excessives. Où son insolence égoïste dépasse en horreur tout ce que l'on peut imaginer de la dureté grossière d'un amant repu, c'est quand il écrit, en la quittant, à une femme qui souffre déjà à cause de lui : « Quelle part de vous ai-je aimée en vous, je ne sais. Je me suis aimé moi-même sur votre douce et claire beauté. » Et ceci encore:                           «Oubliez-moi, et plus tard, si vous aimez l'orgueil, qu'il vous soit cher de penser que c'est vous que, dans Venise, Antoine Arnault a aimée... C'est vous qui chanterez dans mes livres au regard des jeunes hommes. Petite immortelle qui sans moi fût demeurée secrète, une dernière fois je vous contemple comme une créature vivante, et maintenant j'entre avec vous dans le jardin des souvenirs, âme endormie et divine... »
                         Seulement, la délaissée n'aura pas même la consolation, bien médiocre pour une femme qui aime, de figurer en quelque roman libertin, thème de descriptions trop claires, car Antoine Arnault n'écrira plus. Il se marie, devient amoureux de la sœur de sa femme et meurt en même temps qu'elle, sans que l'on sache de quoi, ni pourquoi, quand l'auteur, ennuyé de ce roman absurde, le clôt brusquement, sans aucune explication.
                         Des romans absurdes, il en paraît tous les ans des centaines ; mais celui-ci a cette singularité de déceler en même temps un très grand talent et même une sorte de génie du style. On s'est amusé à piquer, çà et là, dans ces trois cents pages, quelques phrases d'une correction équivoque : s'il fallait noter toutes les images délicieuses et neuves dont il est rempli, il serait plus court de transcrire le volume tout entier. Etant donnée l'incohérence de cette histoire, c'est du lyrisme intempestif, mais c'est du lyrisme.
                        Ainsi que le Visage émerveillé, on acceptera la Domination comme poème ; on en lira quelques pages, en oubliant qu'elles font partie d'un ensemble, car cet ensemble est incompréhensible. « La sensibilité, a dit M. Maurras, à propos de Mme de Noailles, diffère de l'art ; mais elle est la matière première de l'art. » C'est très exact. Ici la matière première est restée à l'état naturel, ou à peu près. On ne nous a pas donné une œuvre d'art, mais seulement les éléments avec lesquels cette œuvre, si les dieux l'avaient voulu, aurait pu être édifiée. Ils ne l'ont pas voulu. Ils ont laissé la femme étouffer le romancier, et le sentiment étouffer dans la femme le peu de raison constructive dont son intelligence était capable.
Ne jugeons pas les femmes qui écrivent d'après les vieux principes, qui furent posés par des hommes, pour des hommes. Il ne faut leur demander que ce que leur nature leur permet de donner. Cela peut très bien être supérieur, en certaines parties, à ce que donneraient les meilleurs d'entre nous. Mais il est surtout nécessaire que cela soit différent. Voici une femme qui écrit sans se guinder à imiter le ton des hommes : c'est déjà un grand mérite, et c'est un grand charme.
 

 1 : Il s'agit du Fantôme de Remy de Gourmont [note des Amateurs].[texte relu par Grégory Houdusse, 25 avril 2002]
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Kaléiscope de clichés et reproductions picturales d'Anna de Noailles

II

Deux Textes critiques sur Anna de Noailles

par Jean-Jacques Lévêque


Publiés à l'adresse Internet suivante :
http://soleildanslatete.centerblog.net
Jean-Jacques Lévêque Historien d'art :

                            a) Elle aussi est condamnée à "garder la chambre" pour raison de maladie. Elle est aussi, née Brancovan, fréquente, surtout après son mariage avec un de Noailles, ce monde que Proust avait déjà investi. Le même, entre futilités, vanités et calculs, qui n'altère pas les forces principales de son génie propre. Une adhésion sensuelle, profonde, avec la nature. Retirée dans sa chambre du 40, rue Scheffer (dans le 16° arrondissement de Paris), elle poursuit une œuvre surtout poétique : L'ombre des jours, Les Éblouissements, Les Vivants et les morts, Les Forces éternelles.
                            Sa gloire quasi officielle cache la part la plus captivante de sa démarche. Une saturation sensuelle qui vidant le corps de sa substance, nourrit un verbe d'ardeur et de souffrance, à la sensualité chargée de coloration orientale due à ses origines.
                            Tout comme Proust exploite avec ferveur les souvenirs d'une enfance aux riches connotations sensorielles et mémorielles, Anna de Noailles s'appuie sur le caractère merveilleux (et d'un luxe tapageur) mais qui l'écrase, entretenu dans l'hôtel particulier du 34 avenue Hoche, où l'on cultive le souvenir d'ancêtres prestigieux, en leurs terres de Valachie et dont se sent débiteur son père Grégoire Bassaraba de Brancovan, et la "campagne" des bords du lac de Genève où sa famille possède une villa à Amphion, où elle "écoutait, les voix de l'univers".
                            Une œuvre formée dans l'enfance et formulée dans le tapage d'une vie d'abord mondaine avant d'être recluse.

                 

                             Quel contraste d'appréciations, cher monsieur, entre votre première critique, celle-ci, et la deuxième, pour laquelle, vous m'avez, à votre insu, transformée en passionaria...


                         

                             b) Anna de Noailles, les Éblouissements.
                                      par Jean-Jacques Lévêque


                           Les éblouissements tyranniques, les étreintes diaphanes, les voix innombrables d'Anna de Noailles nourrissent une œuvre qui a connu une singulière estime, et poussée par le jeu de la mondanité, a gagné une audience qui fausse la hiérarchie des valeurs poétiques de son époque.
                          Même Proust (il est vrai volontiers flagorneur) n'hésite pas à parler de génie. Capricieuse, névrosée, d'une éducation soignée, et d'une vive intelligence quand elle est "naturelle", Anna de Noailles porte en elle toute la flamme bigarrée de ses origines slavo-balkanaises. Un mélange de fantaisie bariolée et d'enthousiasme authentique que gâche un goût excessif de l'emphase et un égocentrisme poussé à ses extrêmes. Ses origines aristocratiques, son alliance de convention avec une vieille famille française, la situant dans une sphère volontiers portée à l'auto-satisfaction. Dans son œuvre (trop abondante) Anna de Noailles multiplie les cris et les soupirs, mais la notation des sensations est toujours juste, même si elle est celle d'une privilégiée qui peut s'offrir le luxe de les cultiver. Menant une "auto analyse" de son moi, à l'écoute d'elle-même avec le même excessif affinement que Proust, mais dans un registre qui reste celui d'une jeune fille éternellement égarée dans ses propres tourments, et la gamme raffinée de ses sensations, de ses émois intimes, de sa soif inextinguible d'amour. Le quêtant inlassablement, nerveusement.
                         Aux confins de l'hystérie. Surestimée, emportée par l'élan donné par sa cour d'admirateurs, elle s'impose aux premiers rangs de la littérature féminine du début du XXème° siècle alors que celle-ci perdure sous l'éclairage mauve et étudié du saphisme largement partagé, autour de Renée Vivien.

Réponse à l'analyse partiale de Jean-Jacques Lévêque :
Ou de la subjectivité dans l'art.



"Le manque d'appréciation est une trahison à l'âme de l'artiste".
William Turner.



                             Bien que je vous respecte infiniment, Monsieur, en raison de vos multiples fécondes parutions, recouvrant un large éventail d'époques, de chants et de bâtisseurs apolliniens, je trouve absolument désobligeant, réducteur, inique et par la même, dégradant, votre parti pris au travers d'un semblant d'analyse un rien condescendante d'une œuvre littéraire, que selon toute vraisemblance, vous méconnaissez, étant de surcroit, resté en surface de la signification véritable délivrée par les messages de ces écrits ("Le mot est un son qui devient sens", affirme Claude Nougaro) aux antipodes de toute mondanité artificielle relative à quelques "poseurs" de salons, mépris insinuant que le culte suscité par elle, est disproportionné, infondé, et qu'en conséquence, il contribue à "fausser" l'échelle des valeurs de nos femmes et hommes de lettres, jugement symptomatique de ceux qui s'adonne "à l'art de disséquer" les créations d'autrui, ou "l'engagement" des interprètes les faisant revivre, tombant comme un verdict sans appel !
                             Pourquoi, entre nous soit dit, établir ce type d'études comparatives sommaires, de surenchère artistique, en prescrivant à n'importe quel prix, un degré d'évaluation entre ces disciples d'Orphée et maints "orfèvres ciseleurs" ? En vertu de quel critère, une critique tyrannique de l'intelligentsia parisienne, ose décréter du "couronnement" de ceux-ci, ou à l'inverse, de leur "bannissement" ? Le comble du mauvais goût n'est il pas de jouer au "Précieux dégoutés" pour paraphraser Éric Satie, en appréhendant l'histoire de l'art en similitude de cotations en bourse, décernant ici, des louanges, là, une désapprobation vindicative, synonyme de condamnation ?
                            Afin d'étayer notre argument, laisser nous prendre modèle sur ceux que l'on a coutume de désigner chez Appellanire et Euterpe, par une appellation à connotation péjorative, de "Petits Maitres" ; eh, bien, quel serait, dites-moi, le motif, qui nous contraindrait à nous ranger à des avis de pseudo spécialistes, nous certifiant, par exemple que les "peintres de fleurs" portés à leur apogée, notamment grâce au pinceau botanique de Pierre-Joseph Redouté, ce devancier du maitre-verrier naturaliste de l'École de Nancy, Émile Gallé, ne sauraient égaler les paysagistes ou portraitistes de renom ?
Que le "roi des ciels" "tutoyant l'azur", Eugène boudin, précurseur de l'Impressionnisme aux côtés de Johan Barthold Jongkind, ne léguera à la postérité que des témoignages secondaires en rapport d'un William Turner et d'un Claude Monet, tout comme les musiciens Gabriel Fauré, Francis Poulenc ne peuvent prétendre s'inscrire parmi les compositions du "grand répertoire" rivalisant avec celles d'un Claude Debussy et d'un Maurice Ravel, pour n'évoquer qu'eux !!!
                           Quant à la maestria des chantres révérant Calliopée, craignons que ne pleuvent à leur encontre, des images stéréotypées affligeantes faisant mouche, constatées fréquemment au détour de publications, analogues à : "Colette une Sagan", également qualifiée "d'icône chic" de la littérature, ou bien encore de "petite paysanne", quand ce n'est pas de "paysanne pervertie"…
                            En admettant que notre "Ingénue libertine", qui revendiquait crânement ses racines bourguignonnes, en digne fille de Gaia éprise des joyaux de "Natura", flore et faune confondues et savamment entremêlées au centre d'une prose poétique, ai pu charmer le tout Paris par sa fraicheur, son authenticité et la pertinence de ses perceptions sensitives recueillies en ses terres enchanteresses de Saint Sauveur, ne doutons pas, qu'elle fut jamais une petite provinciale gauche, style "nouvelle communiante", ou à la manière de notre pauvre Bécassine nationale parodiée. Il n'y a qu'à feuilleter ses albums de souvenirs pour s'en convaincre, particulièrement celui contenant le cliché photographique, où se balançant dans un hamac, la jeune fille coiffée de tresses, darde sur nous ses prunelles aiguisées, volontaires, paraissant nous lancer un défi.
                         Mais recentrons nous sur l'objet du délit, si je puis m'exprimer ainsi, c'est-à-dire, sur votre étude succincte d'une "femme-mage" décrite par l'auteur de :
                         "À la recherche du temps perdu"…Outre ses inclinations pour un monde frivole que vous lui prêtez, perversion brocardée dans l'univers proustien, et dont elle ne fut, elle-même, jamais dupe, sachant pertinemment distinguer ses amis perdus au milieu de courtisans, vous allez jusqu'à tenir rigueur à Madame de Noailles, du florissant arbre généalogique dont elle descend, soulignant au passage, d'un ton empreint d'ironie, qu'elle ne su résister à une "alliance de convention" imposée par les siens, usage alors en vigueur naguère !
                          L'étude des mœurs des civilisations occidentales, ne nous apprend elle pas, combien l'union entre deux êtres, quel que soit leur rang social, était généralement, dans un proche passé, le fruit d'une association de raison, un pacte scellé entre des familles blasonnées ou non, afin d'assurer la pérennité d'un nom et de rassembler les richesses d'un patrimoine légué par les aïeux ? Déjà à l'époque du grand siècle, un visionnaire répondant au nom de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, avait dénoncé en empruntant un ton satirique, cette vénérable institution sous le titre du "Mariage forcé" !!!
                           En l'occurrence, comment aurait-elle pu décliner ce dit arrangement, Anna Bibesco Bassaraba de Brancovan, que tant de pauvres et fragiles épousées offertes en holocauste, objet d'odieux marchandages, dénuées du droit de consentement, eurent à subir dans leur chair, en dépit des sentiments les animant qui leur soufflait, qu'un jour, leur descendance serait enfin épargnée en s'émancipant de ce rôle de prisonnière du foyer patriarcal ? Fallait il qu'elle prononce des vœux de carmélite pour avoir la fortune d'échapper à son triste sort ? Notez, que "entrer en poésie", c'est un peu comme entrer dans les ordres, tant l'isolement est grand, la quête de soi, incessante, surtout, que la "Petite Assyrienne" d'Anatole France n'était pas "fabriquée" dans un moule stéréotypé et qu'elle ne se voua certes pas à l'écriture en dilettante, cultivant son "violon d'Ingres" afin d'occuper ses loisirs de "Jeune fille en fleur", d'aristocrate désœuvrée, hésitant entre la tapisserie, la broderie et autres "hobbies" !!!
                           Seriez-vous, par ailleurs, en possession de documents inédits, que vous vous ingénierez à dérober à l'histoire de la littérature, manuscrits autographes au sein desquels notre "Cœur innombrable" se livrerait en confidences intimes, pour vous positionner de la sorte, soit, en argumentant d'une manière fallacieuse, sinon tendancieuse ?
                          Je n'oserai vous faire l'injure suprême de taxer votre raisonnement de misogyne voire pire, d'instruire votre "procès" en phallocratie; non, loin de moi cette idée ! Vous laissant le bénéfice du doute, pour lors, je vous avouerai sans plus de détour, mon tourment, à ce que vous participiez en signant cette esquisse de "Portrait" où plutôt devrions nous préciser, de caricature à la limite de l'insulte, à perpétrer des poncifs dommageables, ne pouvant que nuire à la réputation de notre poétesse encore trop méconnue et grandement mésestimée, du moins par certains, puisque, Dieu merci, de fins amateurs éclairés réunissant "amoureux fervents et savants austères", se donnent la mission de lutter contre cette "profanation" synonyme de négation, en relevant la gageure de soulever un pan du voile qui masque son corpus poétique, avant qu'il sombre irrémédiablement dans un oubli immérité, succédant au purgatoire qu'il traverse en ce début du XXIème siècle, auquel vous n'êtes pas, assurément, étranger, en publiant ce genre de thèse erronée.
                          De plus, pensez-vous sérieusement que les pauvres humains que nous sommes, ont le loisir de choisir le berceau de leur origine, ainsi que leurs chromosomes? La force d'Anna de Noailles réside, selon l'humble appréciation d'une lectrice-interprète qui la fréquente assidument depuis nombre de saisons, qu'elle ne représente en rien la voix du "sexe faible" dit également, le "deuxième sexe".
                         Jamais, au grand jamais, sa voix ne s'est faite vindicative, se voulant la porte parole absolue de ce dernier. Elle est bien trop libre pour cela, et si elle brave avec ferveur et engagement, loin de tout militantisme "féministe" relatif au "Mouvement de Libération des Femmes" voyant le jour après l'éclosion de "Mai 68", l'hypocrisie même des convenances rigoureuses et de la violente autorité imposée à la gente féminine, rejetant l'étroit carcan d'une société policée, fondée depuis des millénaires, par les hommes, dévolue à servir leur gloire et intérêts, enfermée par les codes et usages d'une noblesse dont elle dépend, et qu'elle ne saurait renier, c'est, certes en empruntant un langage qui lui est propre, reflet éclairé de sa compassion envers le déshérité, l'opprimé, que le Fatum, ce triste Sire, se plait à malmener -- son témoignage poignant sur Verdun et les sacrifiés de la "Grande guerre", en est une probante illustration, elle qui fut de façon innée, "habitée par l'ardente charité du genre humain"* --!
                        "Ô mes humains, consolons nous les uns les autres", implorait Jules Laforgue…
                         Or, cette "fière Antigone" d'essence lyrique, baptisée de la sorte par Maurice Barrès, "divinement simple et sublimement orgueilleuse" suivant le témoignage de Jean Cocteau, ô combien voluptueuse et sensitive, se contente de retranscrire la palette de ses émotions profondes ressenties au cours de son cheminement émaillé d'agréments ("Plaisir, vous qui toujours, remplacez le bonheur", proclamait elle, lucide) sans pour autant occulter l'autre versant du premier, semé de Dédales et labyrinthes, sentant ni le creux ni le factice, ni encore moins le "pathos". Sans conteste, elle aurait pu reprendre à son compte, l'illustre adage d'Edgar Allan Poe : "Pour être heureux jusqu'à un certain point, il faut que nous ayons souffert jusqu'au même point."
                        Égérie d'un cercle littéraire et d'arts d'admirateurs ne pouvant que louer et "savourer" son génie", n'ayons pas peur du mot, à la source de vocations dont les figures de proue ne comptaient pas moins de deux génies, Marcel Proust, ainsi que le Père de "L'Aigle à deux têtes" précité, en vertu de quoi, je vous prie, hormis le tenace dogme chrétien de la faute originelle initiée par notre mère universelle, Ève "la grande pécheresse", devrions-nous lui tenir grief d'avoir désiré inspirer de vives affections par le biais d'un verbe envoûtant, elle qui tenta cependant de résister aux flammes dévorantes de la passion, jusqu'au risque de se perdre dans les méandres de l'auto destruction, vertiges frôlant sans doute l'aliénation mentale, mais dont elle mis constamment un point d'honneur à maitriser en lieu et place de s'y consumer, s'accommodant tant bien que mal des élans fougueux générés par son tempérament superbe, de cet ouragan dévastateur perpétré par le sentiment amoureux, ayant conscience pour l'avoir éprouvé, combien "L'Amour n'est ni joyeux ni tendre", reviviscence salutaire à la germination de son œuvre, comparable au Phénix rejaillissant de ses cendres, car n'aurait elle pas pu aussi proclamer, en tant que " prêtresse bacchique", à l'instar d'une morale d'Épicure, et non en adéquation de l'attitude prônée par la coquette Célimène du "Misanthrope" :
                       "Hâtons nous de succomber à la tentation avant qu'elle ne s'éloigne."
                         Laissons enfin, en conclusion, la parole à un membre de l'élite intellectuelle et artistique appartenant au début du XXème siècle, fidèle composant son entourage d'alors, parmi lequel se distingua, outre ses protégés Marcel Proust, Jean Cocteau, Paul-jean Toulet, un florilège de "rhapsodes" tels que : Anatole France, Edmond Rostand, Colette, André Gide, Maurice Barrès, René Benjamin, Frédéric Mistral, Robert de Montesquiou, Paul Valéry, Alphonse Daudet, Pierre Loti, Max Jacob, ou bien encore le "Faune habillé de bure", Francis Jammes, et l'Abbé Mugnier *, que la "Fée d'Auxerre", "payse" de "L'ingénue libertine" mentionnera à son tour :
                         "Elle est le déchaînement. Elle aurait dû vivre à l'époque alexandrine, byzantine. Elle est une fin de race. Elle voudrait être aimée de tous les hommes qui aiment d'autres femmes qu'elle (...) elle aurait dû épouser le soleil, le vent, un élément."
                          Puis au magicien truculent de "Si Versailles m'était conté" et "N'écoutez pas Mesdames", alias Sacha Guitry :
                         "C'était un personnage extraordinaire, qui avait l'air d'un petit perroquet noir toujours en colère, et qui ne laissait jamais placer un mot à personne. Elle recevait dans son lit, les gens se pressaient en foule dans sa ruelle [...] et cela aurait pu être un dialogue étourdissant mais c'était un monologue bien plus étourdissant encore."[...]
                         "Quand on l'entendait monter l'escalier on avait toujours l'impression qu'il y avait deux personnes en train de se parler, et quand elle redescendait, il semblait qu'une foule s'éloignait."*
Et pour parachever ce bouquet d'éloges, Jean Rostand nous décrit la "Pythie sur un trépied" d'André Maurois, avec sagacité :
                         " Elle était plus intelligente, plus malicieuse que personne. Ce poète avait la sagacité psychologique d'un Marcel Proust, l'âpreté d'un Mirbeau, la cruelle netteté d'un Jules Renard." *
                           Ah, vraiment quel dommage, cher Monsieur, qu'une figure de votre mérite se soit ainsi laissée abusée, se méprenant à ce point sur la qualité d'une nature ardente à l'étoffe singulière, sans doute un peu excessive convenons en volontiers, en regard de notre "regard" cartésien de français "moderne", davantage guidé par la raison, et de ce fait, dérouté par des tempéraments rares, élus dotés d'une psyché constamment en éveil, irritée sinon blessée par le moindre désagrément, la plus infime blessure (de simples bagatelles, suivant la vision étroite de moult de nos semblables…) victime au demeurant, de son âme slave forgée d'une sensibilité exacerbée, d'où probablement, cette impression de démesure qu'il ne nous viendrait point à l'esprit de reprocher à un Tolstoï ou à un Pouchkine !
                           Il est navrant que vous soyez passé à côté de la dimension "dramatique" intemporelle d'une créatrice de cette "facture", au souffle à nul autre pareil, éprise d'idéaux, personnage à double facettes qui se définissait elle-même, autant "Nonne" que "Bacchante", qui ne cessa de brûler et cela, sans affectation, d'un feu inextinguible incandescent, faisant son miel des "Forces tumultueuses", " des contrastes" chers à Émile Verhaeren * la traversant, au mépris de tendances imposées par son époque, adoptant inconsciemment la devise de Jean Cocteau, selon laquelle :
                          "Il n'y a rien qui se démode plus vite que la mode."
                            Vous-même, cher Monsieur, baigné dans l'art comme vous paraissez l'être, ne savez vous donc pas ce qu'est l'hyperesthésie ? Savez-vous au moins ce qu'est d'éprouver le privilège de l'existence, de "l'Ombre des Jours", de ce que notre héroïne, malheureuse sœur de celles dépeintes et incarnées au sein des tragédies de l'Antiquité grecque, puis plus tard, par les Maitres Racine et Corneille a si justement nommé "l'Honneur de Souffrir" ?
                           Encore faut-il pour cela ne pas se situer que d'un point de vue de l'intellect, en demeurant à l'écoute des sentiments, embrassant pour ce faire, la pensée d'une mystique médiévale placée en exergue d'un chapitre de recueil de notre poétesse, quant à elle, convaincue au tréfonds d'elle-même qu' :

                         " Il faut d'abord avoir soif."

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Portrait de jeune femme enguirlandée de lierre  protecteur (Hedera helix L.)

 d'Alphonse Mucha



a) :  Formule signée de la plume d'Anatole France.
b) :  En référence au "Journal" que tint L'Abbé Mugnier, daté du 24 novembre 1908 – édition du Mercure de France,
       coll. "Le Temps retrouvé ", 1985, p.174
c) : Citation extraite de la biographie d'Hervé Lauwick : Sacha Guitry et les femmes.
d) : Jean Rostand, préface à Choix de poésies d'Anna de Noailles, 1960
e) : Allusion à la poésie "La Vie Ardente" d'Émile Verhaeren, recueil "Les Flammes Hautes", dont il nous tient à cœur de reproduire      ci-dessous, l'intégralité, en hommage à Anna de Noailles, "testament" poétique dont le profil semble correspondre comme un gant à sa consœur "des Force éternelles"…

1.


 La Vie Ardente


Mon cœur, Je l'ai rempli du beau tumulte humain :
Tout ce qui fut vivant et haletant sur terre,
Folle audace, volonté sourde, ardeur austère
Et la révolte d'hier et l'ordre de demain
N'ont point pour les juger refroidi ma pensée.
Sombres charbons, j'ai fait de vous un grand feu d'or,
N'exaltant que sa flamme et son volant essor


Qui mêlaient leur splendeur à la vie angoissée.
Et vous, haines, vertus, vices, rages, désirs,
je vous accueillis tous, avec tous vos contrastes,
Afin que fût plus long, plus complexe et plus vaste
Le merveilleux frisson qui me fit tressaillir.
Mon cœur à moi ne vit dûment que s'il s'efforce ;
L'humanité totale a besoin d'un tourment
Qui la travaille avec fureur, comme un ferment,
Pour élargir sa vie et soulever sa force.


Qu'importe, si l'on part, qu'on n'arrive jamais,
Et que l'on voie au loin se déplacer les cimes !
L'orgueil est de monter toujours vers un sommet
Tenant la peur de soi pour le plus vil des crimes ;
Celui qui choit s'est rehaussé, quand même, un jour,
S'il a senti l'enivrement de la mêlée
L'exalter à tel point dans la haine ou l'amour,
Que sa force soudaine en parut décuplée
Et puis toucher, goûter, sentir, entendre et voir ;
Ouvrir les yeux pour regarder l'aube ou le soir
Dorer un horizon ou rosir un nuage ;
Marcher près de la mer et chanter sur la plage ;
Écouter le vent fou danser sur la forêt
Comme sur un brasier de flammes végétales ;
Recueillir un parfum dans un flot de pétales ;
Sucer le jus d'un fruit intarissable et frais ;
Ou bien vouer des mains aux caresses profondes,
Le soir, quand, sur sa couche amoureuse, la chair
S'illumine du large éclat de ses seins clairs ;
Dites ! N'y eût-il rien que ces bonheurs au monde
Qu'il faut les accueillir pour vivre, éperdument.


O muscles que je meus avec emportement !
O rythmes de mon sang qui m'allégez tout l'être
Quelle fièvre vous entraînez à votre cours !
Voici que mon cerveau se ranime à son tour
Et qu'il cherche et se tend pour découvrir, peut-être,
Dans l'univers profond un peu de vérité.
Et je tremble et j'exulte à ouïr le mystère
Parler comme quelqu'un qui parlerait sous terre,
Et le sol bat, et mon cœur rouge et contracté
S'écrase sur ce sol pour mieux entendre encore.


Émile Verhaeren
(Recueil " les Flammes hautes")



2.


Quand ayant beaucoup travaillé
J’aurai, le cœur de pleurs mouillé,
 Cessé de vivre,
J’irai voir le pays où sont
Tous les bons faiseurs de chansons
 Avec leur livre.

Chère ombre de François Villon
Qui, comme un grillon au sillon,
 Te fis entendre,
Que n’ai-je pu presser tes mains,
Quand on voulait sur les chemins
Te faire pendre.

Verlaine qui vas titubant,
Chantant et semblable au dieu Pan
Aux pieds de laine,
Es-tu toujours simple et divin,
Ivre de ferveur et de vin
 Bon saint Verlaine ?

Et vous dont le destin fut tel
Qu’il n’en est pas de plus cruel
  Pauvre Henri Heine,
Ni de plus beau chez les humains,
Mettez votre front dans mes mains,
Pensons à peine.

Moi, par la vie et ses douleurs,
J’ai goûté l’ardeur et les pleurs
 Plus qu’on ne l’ose…
Laissez que, lasse, près de vous,
O mes dieux si sages et fous,
 Je me repose…

 

Anna de Noailles


Recueil "L’ombre des jours "




















Ancien élève de l’École du Louvre, Jean-Jacques Lévêque se destinait à l’archéologie avant de faire de la critique d’art. Tout d’abord libraire, il a créé la revue Sens plastique. Co-fondateur de la revue Opus International, il a collaboré à de nombreuses revues d’art et été chroniqueur dans des journaux et à France Culture. Romancier, il a publié deux romans Tentative pour un itinéraire et L’Aménagement du Territoire. Il est aussi, et surtout, l’auteur d’essais sur l’art et de très nombreuses monographies de peintres.

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Commentaires

  • "Écrire c'est ébranler le sens du monde, y disposer une interrogation indirecte,
    à laquelle l'écrivain, par un dernier suspens, s'abstient de répondre.
    La réponse, c'est chacun de nous qui la donne, y apportant son histoire,
    son langage, sa liberté."
    Roland Barthes

     

  • "Écrire, c'est se découvrir hémophile, saigner de l'encre à la première écorchure,
    perdre ce qu'on est au profit de ce qu'on voit."
    Christian Bobin
  • Une autre forme de réponse à l'éloge de l'amie Béatrice :

    "Écrire, c'est avoir une très haute conscience de soi-même,

    et c'est avoir conscience que l'on n'est pas à la hauteur, que l'on n'y a jamais été."

    Christian Bobin

  •  Oui, bien sûr, Béatrice.

    L'auteur de ce blog, une jeune femme tout à fait remarquable, avec laquelle j'avais ébauché un dialogue,  a consacré une thèse au sujet d'Anna de Noailles, poète, et a rencontré quelques déboires, car dans le milieu universitaire conservateur, il ne fait pas bon être une femme créateur pourvu d'un Chant lyrique de cette hauteur de style...

  • Oh, oh, Amie Béatrice, vous vous laissez un rien, je le crains, emporter par votre élan lyrique plumesque, nourri par cet hommage et contre-hommage d'un "Visage émerveillé" que j'admire et aime jusqu'à la substantifique moelle, en acceptant autant le sublime que les rares "actes" moins éblouissants, et aussi par le regard bienveillant que vous portez sur mi ...

    La raison qui est parfois une étrange gardienne aimant à nous museler, en nous privant de liberté, me souffle ici, la stricte réalité d'une analyse : je ne saurais m'identifier à cette "femme-mage", créatrice incomparable...

    À défaut d'accepter une stature si imposante enluminant l'Histoire de la Poésie, car si j'avais en ma possession, ne serait-ce qu'un millième de son lumineux esprit, cela se saurait, n'est-ce pas, j'accepte volontiers de reconnaitre qu'une hypersensibilité me fait éprouver nombre de ces impressions, hyperesthésie, que nous avons sans doute en commun !

    Soyez rassurée, même si je déclare et revendique haut et fort combien l'art de Madame de Noailles me parle,  je ne porte pas ce fardeau, de me prendre pour qui... je ne suis pas !!!

    Non, jamais, au grand jamais, je ne voudrai sombrer dans ces rets de la mégalomanie...

    et puis, chaque être vivant est unique, comme nous le formule notre poète :

    "Mon coeur a des miroirs mais il n'a pas d'égaux."

    Anna de Noailles

    (Extrait de "l'Honneur de Souffrir")

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