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Physiologie du mariage

12272788459?profile=originalIl s'agit d'une oeuvre d'Honoré de Balzac (1799-1850), publié sans signature à Paris chez Canel et Levavasseur en 1829; réédition signée et augmentée en 1834 et en 1838, avant d'entrer dans le tome XVII de la Comédie humaine, où il constitue la meilleure part des Études analytiques, à Paris chez Furne, Dubochet et Hetzel en 1846.

 

Le titre original complet, Physiologie du mariage ou Méditations de philosophie éclectique sur le bonheur et le malheur conjugal, publiées par un jeune célibataire, situe doublement le genre de ce texte écrit de 1824 à 1829, et dont, Balzac, alors imprimeur, composa une première version en 1826. L'auteur s'inspire des physiologies dont Brillat-Savarin avait lancé la mode avec sa Physiologie du goût en 1826 et des «codes» publiés à la même date par Horace Raisson, en proposant une série de «méditations» adoptant une grande variété de formes, affectant un style badin et une tonalité ironique.

 

Physiologie du mariage. Précédées d'une Introduction, les trente méditations s'organisent en trois parties: «Considérations générales», «Des moyens de défense à l'intérieur et à l'extérieur», «De la guerre civile». Après avoir défini son sujet («Le mariage est un combat à outrance»), Balzac déploie des statistiques fantaisistes, traite «De la femme honnête», «De la femme vertueuse», «Des pensionnats», «De la lune de miel», tout en énonçant les aphorismes du «Catéchisme conjugal». La deuxième partie se donne pour un «Traité de politique maritale». Passant du salon à la chambre à coucher, l'auteur s'attarde sur une «Théorie du lit» et traite «De l'amant» ainsi que «De l'art de rentrer chez soi». Enfin, l'ouvrage aborde la polémologie. Aux «Principes de stratégie» de la guerre conjugale s'ajoutent des considérations sur les amies, les alliés, la femme de chambre, le médecin, la belle-mère, la migraine, les névroses et la pudeur. A la lutte succède la «paix conjugale». Une formule du Premier Consul résume le livre: «Si l'homme ne vieillissait pas, je ne lui voudrais pas de femme.»

 

Pastichant Sterne et masquant un plaisant désordre sous l'apparente rigueur de la table des matières, Balzac aborde tous les aspects de la vie conjugale avec un savoureux goût du détail. La multiplicité des sujets et des points de vue s'enrichit de nombreuses références rousseauistes et de formules aux profondes résonances sociales et romanesques: «Ne commencez jamais le mariage par un viol», «Les actions d'une femme qui veut tromper son mari seront presque toujours étudiées, elles ne seront jamais raisonnées», «Le lit est tout le mariage», «Jamais un mari ne sera si bien vengé que par l'amant de sa femme».

 

Variant les modes (lettre, maxime, essai, récit, dialogue), Balzac expose une thèse: la proportion de femmes vertueuses étant réduite, la politique conjugale consiste à éviter d'être «minotaurisé». Une connaissance circonstanciée des multiples facteurs matériels et psychologiques qui déterminent le rapport entre deux êtres, le respect de l'autonomie personnelle et sentimentale de la femme permettent de gérer au mieux cette «institution nécessaire au maintien des sociétés mais contraire aux lois de la nature». Le mariage, ce combat, illustre un implacable constat: «S'aimer toujours est la plus téméraire des entreprises.» L'analyse du coeur humain, des moeurs et de la condition moderne de la femme mariée font de cet ouvrage cynique et provocateur, un livre-matrice de la Comédie humaine.

 

Faisant en quelque sorte suite à la Physiologie, les Petites Misères de la vie conjugale (articles publiés dans la Caricature en 1830, et dans la Caricature provisoire en 1839-1840 et esquisses publiées dans le collectif le Diable à Paris chez Hetzel en 1844, et dans la Presse en 1845, réunis en livraisons à Paris chez Chlendowski en 1845-1846) se présentent comme une succession d'anecdotes chargées d'illustrer les principes dégagés dans l'ouvrage précédent.

 

Petites Misères de la vie conjugale. Adolphe de Chodoreille, le mari, et Caroline, née Heurtant, la femme, ainsi que quelques comparses se retrouvent dans des saynètes interrompues par des réflexions. Aux tableaux humoristiques dépeignant les misères du mari répondent les lettres-confessions de Caroline et de plusieurs jeunes mariées détaillant leurs désillusions, que de petites scènes dramatisent plaisamment. La conclusion s'impose: «Il n'y a d'heureux que les ménages à quatre»; mais peut-on écrire l'histoire des mariages heureux?

 

Moins stimulantes que la Physiologie, les Petites Misères s'apparentent par le ton à un exercice de style. Il s'agit d'écrire un livre qui serait à la physiologie «ce que l'Histoire est à la Philosophie, ce qu'est le Fait à la Théorie». La drôlerie l'emporte: la misère conjugale n'est-elle pas le plus souvent «un bonheur pour quelqu'un»?

Si Balzac ne put mener à bien le projet des Études analytiques, il conçut celui d'une Pathologie de la vie sociale, dont nous ne disposons que de quatre fragments, qui auraient dû être modifiés ou amplifiés. L'idée centrale, toute moderne et marquée au coin d'une préoccupation scientifique, s'énonce ainsi: la collectivité et ses structures mentales laissent leur empreinte sur l'individu. Complétant les physiologies, l'étude pathologique entend aborder de façon cohérente tous les aspects de l'homme, depuis sa constitution jusqu'à ses fonctions. Avec cette ambition taxinomique, anthropologique et sociologique, analogue à celle de la Comédie humaine, contraste la manière journalistique due aux circonstances de publication des textes. «Des mots à la mode» (la Mode, mai 1830) se présente comme un préambule à une analyse de la langue telle que l'informe ou le déforme le social, et énumère quelques traits de langage contemporains produits par l'actualité ou le caprice. Le «Traité de la vie élégante» (la Mode, octobre-novembre 1830) décrit successivement la «vie occupée» et la «vie élégante», «l'art de dépenser ses revenus en homme d'esprit», avant d'énoncer une série de principes généraux devant gouverner cette «perfection de la vie extérieure et matérielle», pour finir par un code de la toilette. La «Théorie de la démarche» (l'Europe littéraire, août-septembre 1833) aborde la «science la plus neuve», et dresse le code de la démarche, puisque le «mouvement humain est comme le style du corps», mais aussi parce qu'il exprime un rapport au monde. Enfin, le «Traité des excitants modernes» (publié en 1838 à la suite d'une réimpression de la Physiologie du goût de Brillat-Savarin) traite de l'alcool, du café et du tabac. Liant leur usage à la dépense d'énergie, Balzac retrouve, sous une forme didactique, les questions développées ou dramatisées dans ses romans.

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