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Petite critériologie des naïfs

Ce sont les visionnaires du quotidien, les imagiers de la vie secrète, les fétichistes du souvenir, toujours occupés à défier candidement la logique ou à poétiser le banal. Leur tendresse pour ces faubourgs du coeur où aiment à flâner les âmes simples en fait souvent les rêveurs d'une écologie idéale, les purificateurs d'un monde saturé de laideurs "machiniques", d'habitudes machinales et de profits machinés. Et en cela, ce sont bien des naïfs. Mais jusqu'où peut-on leur donner la naïveté sans confession? On les suspecte de jouer les candides, les habiles maladroits de l'ingénuité... Mais faut-il être Tartufe dans la vie pour bien interpréter le rôle sur scène? Et faut-il avoir reçu la tonsure pour peindre "religieux"? De toute évidence "naïf" en art n'a pas le même sens que dans le langage courant. Car ce n'est pas la maladresse qui crée ici le genre, mais le genre qui s'accommode de la maladresse. Ce qui est très différent! Bien que poètes de l'image-rêve, de l'événement-souvenir, du paysage-émotion, ces ingénus, parfois, quittent les rives de la sérénité bucolique pour des points de vue moins reposants. Par exemple, ils s'inquiètent de l'invasion tentaculaire des villes-béton sur la campagne. Les paysans fuient l'assaut des promoteurs, érigent des murailles protectrices, assiègent d'aléatoires bureaux de réclamations. Deux petits vieux à la fenêtre, contemplent résignés la forêt de façades qui les enferment déjà vivants dans un tombeau de pierre. Seul un arbre à fleurs survit miraculeusement dans l'encerclement étouffant des buildings. L'air est à l'oppression, que s'efforce d'apaiser par exemple des couleur pastellisantes aux douceurs de vieux rose et de lilas subtils... Peinture plus idyllique, certes, que vraiment engagée, où l'on retrouve plus ou moins évidents les quatre caractéristiques, selon moi, de l'art naïf: -le parfum d'innocence, ou si l'on veut, l'angélisme, qui fonde essentiellement le genre. -la poésie, sans laquelle il n'y a guère que prosaïsme ou platitude. -la créativité, de préférence fortement personnelle et inventive, indispensable à tout art digne de ce nom qui veut échapper à la banalité. -une certaine recherche d'absolu, festif, symbolique, hédoniste, religieux, social, métaphysique ou autre-nécessaire pour faire échapper l'oeuvre à l'insignifiance, au pur décoratif ou à la simple illustration. Ces points, essentiels à mes yeux, doivent être tous présents, le dernier pouvant à la rigueur faire défait si les autres sont suffisamment marquants pour le représenter. Certes tout cela reste bien théorique: la poésie ne se démontre pas comme un syllogisme, et la laideur, en art, peut même se muer en produit de beauté... Mais c'est "en trichant pour le beau" que l'on devient artiste. Aussi, quand surgissent les "mensonges" déroutants des perspectives approximatives ou des anatomies amidonnées, ne crions pas trop haut notre surprise offusquée. Il ne faut surtout pas réveiller ceux qui rêvent...
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