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NORA BALILE : RENCONTRE

NORA BALILE : RENCONTRE

Si vous souhaitez être bouleversés et émerveillés à la fois, ne ratez pas les prestations live de Nora Balile, une artiste complète qui jongle avec la narration, l’univers précieux du conte, la musique, le chant et la poésie.

 

Qui êtes-vous ?

Je suis née à Watermael-Boitsfort, une très belle commune de Bruxelles, où le cadre de verdure offre un décor de doux lendemains Actuellement, je vis dans un quartier du Nord de Bruxelles qui mélange les couleurs à la diversité avec poésie. Je suis une artiste d’origine marocaine, poétesse, chanteuse, et conteuse formée à la pédagogie, l’art thérapie et la scène. J’ai enseigné pendant des années les sciences humaines tout en me consacrant passionnément à mes premières amours : l’art de la parole et ceux de la scène comme la déclamation, la diction, le théâtre, les contes et le chant.  A quarante ans, j’ai été victime un burn-out qui m’a décidé à recentrer mes priorités.

 

Pourquoi avoir arrêté l’enseignement ?

Après dix-huit années face à classes, je connaissais les rouages du métier. J’ai commencé assez jeune, à vingt-deux ans. Je devais gérer six à sept groupes d’une vingtaine d’élèves. Ce n’était pas évident, mais il se créait des liens magnifiques. Néanmoins, avec le temps, le poids du travail administratif s’est mis à peser avec les réformes successives. Je l’ai senti devenir plus en plus envahissant et souvent inutile. A cela, il faut ajouter le manque de reconnaissance et des tâches qui n’incombent pas à l’enseignant, qui doit enfiler la casquette de parent, de psychologue, d’éducateur, … Beaucoup trop pour une grande rêveuse comme moi qui a besoin de dialogue, d’écoute et qui passe l’essentiel de son temps libre à se former ou qui ressent le besoin vital de s’exprimer par le théâtre, la musique et l’écriture. Toujours, j’ai voulu être artiste. Je ne me l’autorisais et ne me l’avouais pas pour mille raisons ! Mais le destin a changé le cours de mon existence, car étant de plus en plus épuisée, les médecins m’ont ordonné d’arrêter. Après une période de transition liée à mes ennuis de santé, je me suis sentie enfin vivre tel que je l’entendais.  Voilà de quelle manière tout a commencé !

 

D’où vous vient le plaisir des mots ?

Pour commencer, je dirais que le goût des belles phrases est venu de mon besoin d’exprimer viscéralement mes ressentis. Ce que je ne pouvais pas dire par la voix, je l’ai écrit par nécessité et par urgence, pour lâcher ce que mon silence ne pouvait pas faire entendre à l’extérieur. Je peux affirmer que l’acte d’écrire a été une thérapie personnelle Puis, j’aime les mots, la littérature, les voyages et l’abandon de l’ordinaire pour vivre par procuration d’autres vies, rester moi tout en enfilant la tenue de personnages que je ne suis pas. L’’écriture offre cette liberté totale ! Oui, j’adore écrire depuis mes vingt ans et j’ai gardé mes textes éparpillés dans des petits cahiers et des feuillets qui voltigent dans mes tiroirs et mes armoires. Mon regard sur ceux-ci est rempli de tendresse, car ils évoquent toujours des souvenirs qui me reflétaient à des temps différents de mon parcours. Ma grande chance est d’avoir été encouragée par certaines personnes qui croyaient en moi.

 

Le Conte est-il important dans votre répertoire ?

Le conte occupe une place particulière dans ma vie, même s’il est venu plus tard. Au début, je croyais qu’il n’était pas pour moi, qu’il enfermait l’originalité et l’histoire de la personne avec une série de codes stricts. Puis, il y a eu un déclic lorsque j’ai suivi une formation, qui m’a permis de me rendre compte que ce mode de narration regorge de richesses et chatoie de mille feux. En fait, le conte nous renvoie à ce qui nous relie tous, nous les êtres humains, à cette soif de nous connaître et de nous rapprocher les uns des autres. Il s’agit d’un art puissant, qui est la parole du monde depuis la nuit des temps, même s’il ép ouse diverses formes en fonction des époques et des cultures. Il possède également une dimension universelle et nous enseigne la connaissance et la sagesse. Il renvoie à notre inconscient collectif, à ces récits porteurs de messages ancestraux. Aujourd’hui, l’art du conte tient une place extrêmement importante dans mon existence. J’en ai fait mon travail de fin d’étude, ainsi que mon mémoire d’Art thérapie. Raconter une histoire en tant qu’artiste de scène me réclame une présence absolue et un travail corporel intense qui sollicite d’aller chercher une énergie énorme en soi. Mais quel bonheur de voir les petits et les grands enfants écouter et s’émerveiller !

 

A quel moment avez-vous choisi de vous produire sur les planches ?

Cela remonte à la fin de mon adolescence. Disons que je devais avoir dix-huit ou vingt ans. Je me souviens de ma première déclamation. Elle s’est déroulée dans une petite église de Berchem-Sainte-Agathe. J’étais timide comme une feuille fragile et mes jambes tremblaient pendant que je lisais mon texte. Néanmoins, j’ai senti que je me trouvais à ma place. Deux autres souvenirs me reviennent. Il s’agissait d’une tragédie, Phèdre de Racine, ainsi qu’une pièce moderne, comique et absurde. Je jouais en duo et j’avais la lourde responsabilité de dénicher une souris comme accessoire pour un des tableaux. J’ai donc eu l’idée brillante de la dessiner sur un carton. Le public a bien ri. Quel délicieux souvenir !

 

En quoi consistent vos prestations scéniques ?

Mes spectacles sont un éventail de plusieurs disciplines artistiques. Outre le conte, je propose des concerts de musique et de chants avec mes propres compositions, accompagnée de musiciens qui varient en fonction du répertoire. Les thèmes que j’aborde sont l’amour et la vie en langage poétique Actuellement, l’affiche « Nour » circule depuis plus d’un an dans différents endroits de la capitale.  Il s’agit d’un voyage qui se décline sur le mode voix-piano.

 

Vous avez publié un recueil de poèmes intitulé « Ventre étoilé ».  Quels thèmes aborde-t- il ?

Ce livre traite de la non-maternité. Surtout du chemin de résilience d’une femme qui n’a pas donné la vie et qui, pourtant, est remplie de vie même si elle a traversé la nuit noire profonde de l’âme pour se réveiller à une autre destinée.  En dehors des préjugés bien ancrés dans des traditions encore bien présentes, le corps de la femme est entravé pour l’empêcher de vivre sa propre singularité.  A mes yeux, il est important de raconter mon histoire pour m’en libérer et pour faire entendre la parole de celles qui manquent de légitimité et de reconnaissance. Ce recueil a été écrit comme un message adressé à toutes les mères ou non-mères dans le but de les aider à revendiquer leur droit d’exister. Par ce livre, j’entends redonner de la noblesse et de la dignité aux invisibles, aux sans-voix, aux sacrifiées, aux déshonorées, aux abîmées, aux hors-propos, aux mises à l’écart, ... Je désire également sensibiliser la jeunesse à cette réalité trop souvent voilée et si peu abordée dans les sujets d’actualité et les débats.  Il me paraît important de les ouvrir à d’autres possibles pour rêver d’une société plus juste J’invite enfin les hommes à entrer dans le cercle sacré des femmes pour mieux comprendre les difficultés de leur vécu par rapport à la maternité Peut-être seront-ils amenés à devenir un soutien précieux pour leur épouse, leurs sœurs ou leurs filles ?

 

De quoi parle « Assise sur un banc », votre second recueil ?

Ce titre évoque pour moi les nombreuses années où je restais seule, assise dans un parc, à contempler le monde et à combler la douleur d'une solitude, d'un isolement social, en cherchant à percer le sens de mon existence. Ce livre parle de liens et nous rappelle que beaucoup sont installés quelque part, occupés à repenser leur histoire et à réinventer celle des autres. Je voulais que le titre soit fédérateur. Quant au banc, il unit nos individualités dans un lieu universel qu’on se partage et, à mes yeux, il représente une métaphore poétique d'un imaginaire collectif. Surtout, ce recueil de poésie revient, au fil des saisons, sur les souvenirs et le temps qui passe comme une matrice à travers les rues, les cafés, les lieux publics et les campagnes. En fait, une balade poétique au gré des humeurs vagabondes et des impressions qui se déposent sur nos vécus et nos paysages intérieurs. !

 

Vous vous revendiquez guerrière ?

Je me définis comme étant une douce guerrière des mots et cela m’amène à sourire. Je suis guerrière dans la mesure où je m’engage dans la création pour élargir les consciences et bousculer les habitudes qui figent les mentalités. Je crois sincèrement qu’il faut élargir le champ des possibles pour avancer main dans la main et obtenir une société plus juste et plus harmonieuse. Je suis guerrière pour faire entendre la parole des femmes qui ne peuvent pas s’exprimer librement et leur donner l’occasion de pouvoir prendre une place légitime dans un système où le patriarcat est encore ancré trop pesamment. Je suis guerrière, car ma propre histoire de femme a été douloureuse et parce que j’estime être une rescapée.

 

Quels rapports entretenez-vous avec Bruxelles ?

J’entretiens un amour avec un gigantesque A et une tendresse infinie avec ma ville. Elle représente mon ADN, mon nid, ma chance, ma terre d’accueil, mon lieu de naissance, ... D’ailleurs, je me définis d’abord comme bruxelloise avant d’être belge. J’aime son atmosphère qui transforme certains de ses quartiers en joyeux bordel. J’aime m’y balader, flâner et chiner dans de nouvelles boutiques. J’aime aussi rester des heures dans des cafés pour écrire ou écouter les conversations de la salle. Puis, Bruxelles bénéficie d’une ambiance à nulle autre pareille. On y rencontre facilement les gens pour entamer des conversations kilométriques. Enfin, elle regorge de lieux culturels qui foisonnent. Parfois, on a même la sensation d’être dépassé dans le tourbillon d’événements qui se succèdent. Mais quelle joie !

 

Quels sont vos projets ?

Des rencontres littéraires, des scènes de poésie, un projet de lecture performé, des dédicaces, des voyages et plein d'autres possibles. Des horizons sans cesse renouvelés !

 

Propos recueillis par Daniel Bastié

Article paru dans Bruxelles Culture du 5 mai 2024

 

https://issuu.com/eag.gallery/docs/bruxelles_culture_5_mai_2024

 

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