My Fair Lady (Audrey Hepburn et Rex Harrison, 1964), l'un des films phares de l'âge d'or de Broadway basé sur Pygmalion la pièce de GB Shaw, renaît cette saison sur les planches du Centre Culturel d’Auderghem. Précipitez-vous, il ne reste plus que quelques places.
L’intrigue, tout le monde la connait. A la suite d'un pari avec son ami Colonel Hugh Pickering (un magnifique Richard Wells), Henry Higgins (l’excellent Philipp Deeks), professeur de phonétique a décidé de faire passer Miss Eliza Doolittle, une marchande de violettes, pour une « Lady » grâce à son enseignement. La jeune impertinente, dotée d’un épouvantable accent cockney, est incarnée par l’incomparable Sarah-Jane King qui a bien vite fait de rentrer dans les grâces de l’attachante gouvernante Mrs. Pearce (JoAne Wagner « at her best »). La suite de l’histoire de cette jeune femme de caractère, devenue la coqueluche de l’élite londonienne est loin de toute mièvrerie. Au-delà de l'anecdote, GB Shaw, l’auteur de Pygmalion, critiquait la société anglaise élégante et jetait un regard bienveillant sur l’émergence d’un féminisme naissant, d’une lutte de classe réclamant plus de justice sociale, le tout arrosé de misogynie bon teint, très high class. Et si l’éminent Higgins croyait remodeler Eliza, c'est lui qui sort de la pièce métamorphosé. L’action se situait en 1912. Année du naufrage du Titanic. Année aussi de l’invention des pralines Neuhaus, …indispensables au déroulement de la pièce et année de la fondation des Girl Scouts aux USA. On est évidemment à deux pas du bouleversement du monde par la Grande Guerre et de ses millions de morts.
Le Brussels Light Opera Company, peut s’enorgueillir d’être, avec ses 200 membres issus de 22 nationalités, le plus grand groupe d’anglophones passionnés par le théâtre et la musique dans le paysage culturel belge. Il présente chaque année deux spectacles. L’un en novembre dans un lieu qui peut accueillir un large public comme au CCA cette fois. Et l’autre, dans un lieu plus petit, mais sans orchestre. En juin 2015, on attend la production « The Pajama Game » au centre culturel De Bosuil à Jesus Eik. Le BLOC, comme ils l’appellent, a commencé à Bruxelles dans les années 70. Leur objectif et de produire des « musicals » classiques ou modernes mettant en scène des musiciens et comédiens amateurs - puisque chacun fait autre chose à la ville - mais leur talent n’a absolument rien à envier aux professionnels.
My Fair Lady, le film inoubliable adapté de Pygmalion par le librettiste Alan Jey Lerner et le compositeur Frederick Loewe, livrait un spectacle tourbillonnant, ménageait des dialogues incisifs et pleins de verve et inaugurait une riche partition musicale qui enchaînait des tubes faisant maintenant partie intégrante du patrimoine musical anglo-saxon. Eliza et les gens du marché: Wouldn't it be lovely? Doolittle père: With a bit of luck! Eliza et les domestiques: I could have danced all night. L’impertinent You did it! des deux compères satisfaits n’ayant pas un regard pour l’héroïne du jour ! L’émouvant Without you après Why can’t a woman … be like US ?
L’excellente mise en scène du BLOC (Diane Morton-Hooper) est d’une fidélité rare à celle du film, mis à part les splendides close-ups propres au 7e art. On retrouve sur scène une animation extraordinaire de près de 80 personnages du plus haut pittoresque. Le décor a été créé avec génie par le couple Liam & Mairead O’Reilly et leur large équipe. Un double escalier central donne accès à une terrasse à colonnades. Cela donne un air néoclassique dépouillé et très class qui surplombe la rue grouillante de vie. En alternance, la majestueuse bibliothèque du professeur Higgins apparait en quelques tours de magie pendant les interludes musicaux. Pour l’équilibre, quelques scènes plus intimistes se déroulent devant un immense rideau noir. C’est là que Freddy (John Baldwin), l’amoureux transi chante The street where you live, devant magnifique porte bleu azur du 27 A de la Wimpole Street.
Les tableaux vivants et les chorégraphies dansées réglées avec soin par Beverly Lewis ne cessent de se renouveler et convoquent tour à tour la vérité graphique du marché de Covent Garden, les courses de chevaux à Ascot, la somptueuse scène du Bal , ou la serre du jardin romantique de madame Higgins, Mère (une toute craquante Margaret Lysak). Enfin, les magnifiques costumes d’époque de Tonia Jolly et son équipe, apportent le fini pictural à chaque scène et illustrent fort bien le contraste entre les riches et les pauvres. Un public envoûté par la magie musicale, la vivacité, l’esprit, l’humour décapant de la production et surtout par la performance hilarante et talentueuse de Sarah-Jane et de Colin Black (Doolittle père), quitte la salle après des applaudissements et des ovations qui n’en finissent pas de recommencer. Un spectacle brillant, de très haut niveau artistique qui aurait pu utiliser l’appui d’une boucle de sous-titrage pour pouvoir percevoir tout le sel du texte, au-delàs des accents indigènes! Cockney, bien sûr !
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Directeur Musical: Scott Rumery