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12273057256?profile=originalCe livre (1964) est l'ouvrage du philosophe et sociologue américain d'origine allemande Herbert Marcuse (1898-1979). En analysant les divers aspects du capitalisme américain, Marcuse y découvre une société répressive, qui enferme l'existence individuelle au nom d'un pseudo "intérêt général". Il évoque une société brutale, tant dans son expansion néocolonialiste que dans le "contrôle total" qu'elle exerce, par les progrès techniques et les productions, sur la liberté. Les hommes politiques eux-mêmes maîtrisent "une société sans opposition", grâce notamment à un discours soi-disant libéral, qui n'est qu'un discours clos proche de la novlangue d' Orwell. "La société contemporaine semble capable d'empêcher tout changement social", en continuant à donner quelques parcelles de confort. Reste-t-il toutefois un espoir de transformer cette société et d'y supprimer les valeurs répressives? Elle semble si bien organisée... Malgré tout, elle porte en elle-même "ses contradictions", et l'on peut imaginer que la jeunesse se révolte enfin. Mais ne faudrait-il pas en même temps que les savants, les ingénieurs, les techniciens, etc., que ceux qui détiennent les techniques rallient la cause révolutionnaire? Cela "constituerait un miracle" puisqu'ils bénéficient du système. Il apparaît bien, en définitive, que seules les forces issues des contradictions du capitalisme puissent faire exploser le carcan.

Pour Marcuse, l'objet de ce livre est de déterminer laquelle, de ces deux hypothèses, se réalisera: soit que la société puisse empêcher les transformations, la répression s'imposant alors définitivement; soit qu'un "contre-mouvement international et global" puisse faire éclater la société. Or au XXe siècle, et jusqu'à présent, les progrès techniques ont toujours servi la répression. Il suffit de prendre l'exemple de la bombe atomique; elle est acceptée par la population, qui y voit un moyen de se défendre contre le danger. En fait, la menace de l'éclatement d'une bombe atomique "préserve les forces mêmes qui font durer ce danger". L'apparence du danger constitue un moyen de répression efficace, d'autant que la société "n'en devient pas moins plus riche". Malheureusement, la bombe n'est pas l'unique exemple de l' oppression: celle-ci est généralisée. Tous les systèmes de production sont tournés vers le pouvoir, toutes les machines en sont les instruments. "La société contemporaine tend au totalitarisme", qui se manifeste par l' "uniformisation", tant politique qu'économico-technique. Tous ces modes de consommation sont présentés comme des libertés économiques, alors qu'ils satisfont de faux besoins. Par l' "efficacité des contrôles sociaux", la presse s'autocensure et la liberté se réduit à "choisir entre des marques et des gadgets".

Reste un espoir. L'échec de la guerre du Viêt-nam indique que les pauvres peuvent parfois gagner contre les riches.

12273056683?profile=original Or, dans une société qui se présente comme "rationnelle" (puisqu'elle produit plus de confort, plus d'efficacité...), les signes de l' "irrationalité" se font de jour en jour plus manifestes. Le fait qu'elle soit obligée de donner toujours plus de progrès tend à faire qu'à terme, l' individu ne pourra plus être soumis à l' aliénation par le travail, car celui-ci sera devenu marginal, grâce précisément au progrès technique, au machinisme. Le fonctionnement et le fondement de la société industrielle conduiront à son éclatement. De la même façon, la société répressive doit canaliser les énergies sexuelles et artistiques, ce que Marcuse nomme une "désublimation répressive". Pour organiser cette atrophie, elle offre un peu plus de sexe (par la pornographie ou la suppression des tabous) et d' art (en le commecialisant). Mais ne voit-on pas se développer parallèlement une agressivité, une frustration toujours plus grandes? L'homme est aujourd'hui "unidimensionnel": c'est un homme qui a perdu une dimension, celle de l' autonomie, de la personnalité, de l' humanisme, bref la dimension des valeurs idéalistes et romantiques. Mais la société unidimensionnelle, tendant à l'éclatement, il n'est pas impossible que cet homme retrouve un jour sa bidimensionnalité, sa liberté.

"C'est seulement à cause de ceux qui sont sans espoir que l'espoir nous est donné." Marcuse, en terminant son texte sur cette phrase de Walter Benjamin, veut croire encore à une possible révolution. Des deux hypothèses du livre, il dit lui-même qu'il ne peut déterminer laquelle sera confirmée; la théorie critique de la société ne permet pas de connaître l'avenir. Elle autorise tout au plus l' optimisme, puisqu'elle affirme qu'il est toujours possible de former une critique. C'est pourquoi Marcuse veut croire en l' utopie d'une révolution; et faute de la réaliser, il peut toujours l'imaginer. Si l'homme est grandement réprimé, il est aussi profondément libre d'imaginer et de penser.

Texte le plus célèbre de Marcuse, "L'Homme unidimensionnel" développe des thèmes déjà présents dans ses écrits précédents, sur l' imagination et sa faculté de sublimation ("Eros et civilisation") à propos des thèses de Freud, ou sur la pensée négative à partir des théories de Hegel ("Raison et révolution"). Mais ce livre est le premier où, faisant oeuvre de sociologue, Marcuse délaisse les philosophies marxiste, psychanalytique et idéaliste pour chercher au sein même de la société ce qu'est devenu l'homme.

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Commentaires

  • Ce livre de notre jeunesse nous était essentiel

    et nous a toujours fait réfléchir depuis aux dérives de la société qui uniformise ...

    Merci pour cet intéressant apport Robert Paul.

    Une revenante pour un moment.

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