Je dirais que cette tumeur était le concentré de tout ce que j’avais amassé depuis le déclic que j’avais ressenti en moi en découvrant le corps inanimé de mon amour. J’ignore pourquoi, sans l’approcher, sans le toucher, je savais qu’il n’était déjà plus de ce monde… A l’instant même, j’ai ressenti une chose indescriptible, un choc d’une violence inouïe… Il n’était pas possible que moi aussi, je ne m’effondre pas… Je pense que « ça » date de cet instant précis…
Au fil du temps, j’ai nourri de mes chagrins ce que j’appellerais une montgolfière immonde, vu sa forme… La perte de mon complice de toujours, celle de ma grande copine qui avait décidé qu’on mette fin à son calvaire en débranchant les machines qui la maintenaient en vie, mes déboires perpétuels et grandissants avec la famille, les enfants… des soucis matériels… un manque d’amour chronique… Elle a tout englouti goulûment.
Une fois ma boule de chagrin envolée, j’ai commencé ma convalescence…
J’avais mis à profit ce séjour à la clinique pour réfléchir à ce que serait ma vie… Je ne devais plus m’embarrasser de ces choses qui avaient empoisonné mon existence jusqu’ici…
J’ai passé des heures à observer le petit bout de ciel que je voyais depuis mon lit d’hôpital. Ce morceau d’univers me parlait…
Quoi ? Les nuages… Eh bien oui, ils sont chargés, énormes et pourtant, ils finissent par s’écarter… Parfois, une éclaircie… vite reprise d’assaut… Mais le ciel ne se décourage jamais… Même si parfois, il en pleure, même si sa peine inonde le monde… Demain, il fera meilleur.
Demain arrive toujours… Mon petit bout de ciel me souriait quand j’ai enfin pu me lever… J’étais toujours connectée à un tas de tuyaux mais on avait accompli sur moi un excellent travail et le reste ne dépendrait plus que de moi…
Sous ce ciel d’humeur changeante, je m’aperçus très vite qu’il y avait le monde… Je l’avais déjà vu auparavant, mais il me semblait différent…
Je n’existais pas pour ces gens affairés, souffrants ou soignants, visiteurs et travailleurs… vivants. Mais eux, existaient pour moi… Ils étaient ce qui me reliait à cet univers en marche… Bientôt, j’en referais partie… De la meilleure façon qui soit… J’y veillerais…
Mais ça commençait déjà à cet instant précis… On riait beaucoup dans ma chambre… Les infirmières adoraient y venir décompresser… J’ai bénéficié de toutes leurs petites attentions…
Je dormais peu… Je refaisais le monde avec l’infirmière de nuit…
J’étais connue à tous les étages où je déambulais avec mon pied à perfusions… Ma kiné a vite démissionné… Elle était censée m’apprendre à respirer convenablement et à m’aider à marcher sans que je ne m’effondre… Au début, il fallait bien qu’elle justifie son salaire… Alors, elle m’accompagnait dans le couloir où nous parlions sophrologie…
Chaque jour était un combat gagné… Ma victoire : une sonde, un redon, une perfusion enlevés… Jusqu’à ce que je sois libre de mes mouvements… Quelques jours plus tard, je quittais la clinique, forte de ce petit bout de ciel bleu ancré en moi… Cette espérance d’une vie nouvelle… Une autre chance qui était offerte à ma petite personne…
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Commentaires
Merci Chantal
Amitiés
C'est un magnifique témoignage , émouvant , violent , qui nous rappelle à la vie , la force , la rage d'exister...!!!
Merci Yvette , amitié , Chantal
Merci de tout coeur Olivier,
Je pense toutefois qu'il y a sur notre planète plein d'autres gens plus formidables que moi.
Gros bisous à toi et à ta petite famille
J'aime toujours autant te lire, cette sincérité, cette vision réele de l'être et de ses émotions, ses liens avec l’environnement, la réalité de notre société concentrée sur une page. La force qui te porte chaque jour et son lot de difficultés que tu vains souvent avec la grandeur de ta compassion
Nous t'embrassons bien fort Yvette, car notre planète à réellement besoin de plus de gens comme toi.
Olé & Flowers
En effet Michel...
L'espoir ou la rage de vivre
C'est tout à fait ça, Jacqueline. Un cadeau énorme qu'on apprécie un peu plus chaque jour.
Quand la vue de la dernière porte à franchir se présente trop tôt tout s'emmêle soudain, comme tu le dis Yvette un petit bout de ciel bleu c'est une chance à saisir même si le premier chemin a été semé d'embûches, se battre à nouveau et ne pas faillir est encore plus difficile mais quel cadeau de poursuivre à nouveau. Jacqueline
Merci Marcelle. En effet, je béni chaque jour comme si c'était le premier. Bisous!!!
Bonjour Yvette,
Une autre chance qui était offerte et la décision de refaire partie de l'univers de la meilleure façon qui soit ...
Une belle leçon de vie !
Bravo
Amitiés
Marcelle