Frédéric Halbreich nous convie à une forme de création artistique faite en vérité d'une authentique discipline dont les composantes technique et spirituelle révèlent à la fois singularité et intemporalité.
L'instinct créateur de ce poète aussi mélomane, s'alimente à la source de valeurs qu'il juge "repères". Il parle de la rigueur extrême de ses procédés picturaux voir sculpturaux; il évoque une patience mentale à toute épreuve et la quête fervente -
mais toujours précaire - d'une perfection formelle qu'il veut sans concessions.
Sur ce "chemin de Compostelle" chromatique, dont le tracé indique l'orient d'un absolu de la couleur noire, en fait, un rêve élevé au rang de matière vivante, Frédéric Halbreich pose ses pas, un à un, lentement. Ils sont infiniment nombreux.
En une formule lapidaire, il dira aussi que son Graal est en quelque sorte "le noir d'un piano de concert". Un mythe?
Chaque oeuvre est "intégrale" en ce qu'il façonne lui-même et dans tous les cas au moyen de lattis pour les arêtes, le support ou le caisson (qu'il appelle "sarcophage", un hasard?) et qui "portera" l'élément central et le moins "abstrait" de l'oeuvre, la matière.
La face antérieure du sarcophage est constituée dans les oeuvres récentes de plaques d'aluminium, autrefois des panneaux de bois ou des toiles de jute.
L'oeuvre ne mérite t'elle pas autant l'appellation de sculptures à plat que de tableaux?
La préparation minutieuse du support - quant il est métallique - ainsi que celle de ses arêtes, suppose moult ponçages au papier de verre ultrafin générant une matière la plus veloutée possible, base qui accueillera les couches successives de
peinture à l'huile appliquées à la spatule d'une pression manuelle variablement accentuée. Ce sont ces variances qui lui permettront d'accéder à de surprenantes déclinaisons dans la gamme des noirs.
A l'instar du travail de laque, ces strates picturales (pigments) - au nombre de dix voire davantage - requièrent chacun un délai approprié à leur séchage. Suivent alors de nouveaux ponçages minutieux destinés à éliminer griffures ou accidents.
Plus "le grain de peau" du tableau est fin, plus évidente est la réfraction lumineuse extérieure, obtenue au lustrage c-à-d lors de l'apposition au tampon de vernis dilués à l'aide de solvants, dans d'autres cas un acrylique sur toile de jute.
Cette recherche fiévreuse - le plus souvent de la brillance luminescente de la nuit - ou de son contraire saturé et sourd selon le type de support, génère ce que l'artiste appelle le "contenu spirituel vibratoire".
Paraphrasant Serge Poliakoff qu'il admire, l'artiste confirme que "la couleur ou même sa tonalité n'importe guère, seule importe la qualité de la couleur".
Une forme d'extase fragile et visuelle, car dit-il : "Si cette composante se présente, c'est elle qui véhiculera vers le spectateur l'émotion qu'il est venu chercher".
Une part d'invisible qui connaît son correspondant dans la résonance intime du chant grégorien, dans la rigueur harmonique d'une partita de Jean-Sébastien Bach ou encore, dans l'abstraction phonique d'un Morton Feldman par exemple.
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