La nouvelle saison du théâtre Royal du Parc démarre avec fracas et modernité. Question de déranger les conventions. Voici "Les Misérables" de Victor Hugo. 150 ans, un anniversaire qui se fête au son des canons.
Lumière versus ombre : les nantis à la maison et les pauvres, les exclus, à la prison, sans rachat possible. Ils valent moins que rien. Non, s’indigne Victor Hugo. « J’ai la faiblesse de penser que les choses peuvent être un peu plus compliquées.»
Le décor des Misérables, d'une totale inventivité, est une Zonzon au design cinématographique 9 mm. Estampe de fer et d’ombre plus glaçante qu’une page d’Edgard Poe. Le chant des esclaves s’élève des 9 cellules-cages lugubres disposées en rangs de trois sur trois étages. La construction verticale de la société. Au centre, quatre volées d’escaliers de fer qui ne mènent qu’en enfer. Les corps des prisonniers sont suspendus dans le cube parfait. L'échelle sociale est effroyable. C’est la présence inéluctable de cette prison (Fresnes, La Santé, Guentanamo, et autre Forêts …de grilles) qui sert de cadre à toute la pièce. Aucune échappatoire possible. Et l’enfer, on l’a trouvé: c’est celui qui est calé dans ses mortelles certitudes, le funeste inspecteur Jabert (Benoît VERHAERT).
« C’est votre âme que je viens vous acheter, vous n’appartenez plus au mal, mais au bien profère son bienfaiteur…. » au grand dam de sa servante. Ainsi, chevillé une fois pour toutes au Bien, Jean Valjean (Olivier MASSART), galérien à vie de son état selon Jabert, va s’arcbouter contre les préjugés, combattre l’exclusion de tout genre briser les contraintes de la logique, faire naître l’humanité. « Le bonheur est une idée neuve. »
Jabert ne supporte pas de se tromper. Il vient donner sa démission au maire pour l’avoir dénoncé à tort. « Un maire ne tend pas la main à un mouchard.» Il refuse toute aide du prochain. Comment le pourrait-il d’ailleurs ? Le prochain n’existe pas. Jabert suit comme une machine sa logique implacable. Elle ne laisse aucune place à une autre voie. Mais Jean Valjean ne peut souffrir qu’un autre se retrouve au bagne à cause de lui. Il est prêt à se rendre à la justice, par dignité retrouvée. Qu’importe le bagne, maintenant qu' il a trouvé la liberté, celle de la conversion.
Les scènes sont déchirantes, les clairs obscurs de véritables tableaux du Caravage. Le personnage d'Eponime (Violette PALLARO) du graphisme percutant et acéré. Le tableau des travailleuses à la chaîne lorsque Fantine (Tessa DUJARDIN) est renvoyée, nous suggère de la peinture expressionniste vivante.. De même, pour la maison de passe aux néons rouges qui expose ses 9 cellules-cages. On a aussi parfois l’impression de bande dessinée accélérée qui fait circuler les ravages de la misère et du déni. Soudain le close up sur la famille Thénardier déchire. Stéphane FENOCCHI et Perrine DELERS sont d’incomparables comédiens. Promiscuité, violence, mauvaise foi, brigandage : ces personnages sont de véritables ordures, il est vrai. Mais madame Thénardier ose dire que « les riches ne savent qu’il fait froid, qu’en ouvrant leur journal ». « Prendre la société par les quatre coins de la nappe et tout jeter en l’air ! » Le cri de Thénardier ne sonne pas vraiment faux.
Les barricades faites de carapaces trouvées dans une déchetterie moderne achève de convaincre que la pièce est d’une actualité brûlante. Que l’impensable rédemption existe quoiqu’on en pense. Qu’une révolte est toujours commencée par des naïfs, poursuivie par des intrigants, achevée… par la mort de Gavroche. Délicieux enfant!
"Je suis tombé par terre, c'est d'la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c'est d'la faute à..."
http://www.theatreduparc.be/spectacle/spectacle_2012_2013_001
Commentaires
Tu as grandi dans une famille où le métier comédien n’était pas vraiment considéré comme un " vrai travail". Comment appréhendes-tu, alors, ton métier de comédienne ?
Quand tu rentres dans le métier, il y a la passion, mais aussi autre chose, c’est s’inscrire dans le milieu du travail, dans la société en tant qu’acteur. Et c’est là que le terme « métier » apparaît. Comme tout métier, ça demande un engagement, parfois des sacrifices, parfois faire des choses que tu n’as pas envie de faire… Et je crois bien sûr au talent, mais je crois aussi au travail ; un talent qui ne travaille pas ne sera pas vraiment développé. C’est pour ça qu’être comédienne... lire la suite de l'interview par Jean-François Roland
http://www.demandezleprogramme.be/spip.php?page=interview&qid=9...
Interview élogieux pour ces "Misérables", merci Robert Paul !
Je ne résiste pas à l'envie vous donner le lien d'un très beau dossier pédagogique:
http://www.ecoledeslettres.fr/blog/wp-content/uploads/2012/01/hugo_...
Vous aimez les secrets?
GO TO (jail?) NO, GO to:
http://www.levif.be/info/actualite/culture/les-miserables-150-ans-e...
suivez la trace de Victor Hugo de Montreuil à Bruxelles :
http://www.lesoir.be/culture/livres/2012-03-09/les-miserables-publi...
Merci pour ce commentaire alléchant, Deashelle.
Je viens de commander 2 places pour la représentation du 13 octobre, mon époux et moi irons sur place admirer ce spectacle que vous décrivez si bien.