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Comme emportée par un vent violent qui balaie tout sur son passage, elle quitta cet endroit qu’elle ne pouvait plus voir ni supporter. Ainsi il y a des héritages qui ressemblent à des punitions. Et celui-là dépassait toutes les espérances ! Dehors la bise lui fit relever le col de son manteau et elle tira sur son bonnet pour cacher ses oreilles au piquant du Nord. Décembre s’affichait dans les vitrines avec ses guirlandes clignotantes, ses boules multicolores, ses sapins et ses père-noëls mécaniques. Judith retrouvait peu à peu sa joie de vivre de jeune femme. Six mois de ces soucis inattendus l’avaient changée. Elle avait perdu ses rondeurs de charcutière bien nourrie et avait même cultivé ,au fur et à mesure de ces journées bercées de ces appellations diverses tournant sans cesse autour des saucissons, saucisses et autres ,une aversion quasi éternelle pour cette nourriture- là ! La grasse abondance des saindoux n’est décidément pas la clef du bonheur ! Elle courait maintenant pour aller se réchauffer le corps et l’âme vers ce bistrot anonyme où l’on n’y vient que pour oublier ses problèmes, lire son journal, prendre un café et se laisser porter par une joie de vivre artificielle, par une pause, par une trêve au milieu d’une guerre où les balles fusent de partout et où l’arôme d’un café qui pénètre l’esprit nous replonge dans les douces matinées de notre enfance. Et celui qui était porteur de ce symbole c’était lui, Guillaume, qui réconfortait à longueur de temps les âmes en peine venues chercher des odeurs, des sourires, des regards, du respect aussi. Pas toujours récompensé, je l’ai dit. Mais comment ne pas pardonner à toute cette souffrance qui s’offre pour un franc le droit d’être considérée ? Guillaume, lui, la connaissait cette souffrance. Il naviguait dans ce havre de paix comme un capitaine sur son navire, dans sa veste blanche impeccable, allait de table en table, debout devant les affalés de la torture, les affamés de paix, les échoués de plages impossibles, les rêveurs aux rêves enterrés. Il regardait défiler les journées et les malheureux frustrés, les joueurs de tiercé, les drogués du tabac et des histoires à sensations, les stressés des affaires, les alcooliques agonisants, les déprimés du divorce, des ruptures, des virés en tout genres. Ceux-là lui laissaient un pourboire comme pour acquitter une dette envers leur malheur qu’ils ne pouvaient régler que de cette manière faute d’une imagination perdue depuis bien longtemps. Guillaume naviguait en eaux troubles et rêvait de départ. Il se sentait piégé, lui, qui avait voulu ce métier pour bouger, ne pas s’asseoir sur des certitudes, des illusions. Coincé entre un bar, des tables et des chaises. Le comble ! Mais celle qui allait débloquer la situation s’appelait Judith. Celle-là était plus gonflée que jamais. Une bombe prête à exploser.
- Voilà notre riche héritière !
- Bonjour Guillaume. Je suis libre comme l’air, légère comme un papillon mais toi tu parais triste. C’est bientôt Noël, plutôt sympa non ? Les clients deviennent généreux à Noël ?
- Avec l’habitude on ne fait plus attention à rien. Même un gros pourboire c’est normal ! Par contre une jolie fille, c’est pas tous les jours ! Tu fais quoi ce soir ?
Guillaume et Judith devinrent amis. Ils partageaient à présent leurs soirées, leurs nuits, une petite piaule de vingt mètres carrés où le lit, la cafetière, la radio, les pantoufles et le savon étaient à portée de main. Les journées aussi car Judith livrée à sa nouvelle vie s’était faite embaucher par le patron de l’établissement, sur proposition de Guillaume bien sûr, mais surtout vu l’affluence des fêtes et son joli minois elle était pour lui tombée au bon moment.
Les deux tourtereaux maintenant ensemble du matin au soir et du soir au matin avaient tout loisir pour penser et sans parler aux mêmes choses, à naviguer sur les mêmes bateaux ou plonger dans le bleu du ciel sans nuages celui que l’on ne voit que perché sur une aile d’avion !

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