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« Les Dieux » est un des livres les plus importants de ce "maître à penser" qui eut une influence considérable sur les disciples qu'il a formés, et dont on retrouve l'empreinte chez plusieurs des meilleurs écrivains de notre époque. Alain n'était pas à proprement parler un philosophe, en ce sens qu'il n'a pas formulé de doctrine: mais plutôt un critique des idées qu'il passait au crible de son intelligence extrêmement aiguë, et très ouverte, en même temps, à toutes les formes de l'expression et de la pensée philosophiques. On ne saurait mieux le comparer qu'à ce Socrate, dont il se réclamait et à qui il emprunte la première phrase du chapitre intitulé "Autrefois". Comme le maître de Platon, il voulait enseigner aux hommes à penser par eux-mêmes et les aider à découvrir les vérités vivantes. De là découle une théorie toute nouvelle de la vérité et de l' erreur, dont les différentes parties de ce livre illustrent les nombreux aspects.

"Nous connaissons souvent les choses à travers une vitre", écrit Alain dans l'Introduction des "Dieux": "et il n'est pas besoin de mouche". Il fait allusion, dans cette sorte d'apologue, à l'histoire que lui aurait contée "un homme qui philosophait de la bonne manière, c'est-à-dire pour son propre salut". Cet homme, rapporte Alain, "se trouvait en wagon, laissant errer ses yeux sur un paysage de collines lorsqu'il vit sur une des pentes, et grimpant vers un village, un monstre à grosse tête, muni de puissantes ailes et qui se portait rapidement sur plusieurs paires de longues pattes: enfin de quoi effrayer. Ce n'était qu'une mouche sur la vitre". Cette fable résume bien la manière d'exposition d'Alain, qui en profite pour conclure que "ce court moment de l'erreur et de la croyance l'enchanta. La vérité, disait-il, nous trompe sur nous-mêmes: l'erreur nous instruit bien mieux". Cette maïeutique à la manière de Socrate, selon laquelle procède Alain, ne présente pas des certitudes toutes faites, mais conduit le lecteur à discerner, sous le masque des fables, les vérités essentielles. Cette méthode, toute personnelle à Alain, parmi les "maîtres à penser" modernes, est extrêmement féconde: elle ne redoute pas le paradoxe pourvu qu'il conduise, même par des chemins détournés, à une vérité: à vrai dire ce sont les détours du chemin, subtils, ingénieux et brillants, qui nous attirent le plus chez cet admirable essayste. Il soumet les Dieux eux-mêmes à cette méthode critique, non pas tant en leur qualité de divinités, mais entendant par ces mots les vérités admises comme telles et n'étant plus mises en question: le héros, le saint, la religion, voire le Diable qui inspire à Alain un des plus beaux essais de ce volume. Dans cette recherche du vrai, les légendes, les croyances populaires, les fables, devront, elles aussi, être interrogées, car elles contiennent leur part de vérité.

La conclusion de la pensée d'Alain est qu'il n'existe pas de vérités absolues, non plus que d'erreurs. Son scepticisme souriant et grave à la fois, admet qu'il est prudent de consulter aussi l' imagination et proclame que les oeuvres d' art sont porteuses de hautes et sereines vérités. "Le beau, dit-il, est un fidèle témoin du vrai, et qui anticipe sur le vrai". Ce volume contient une quarantaine de brefs essais, dont chacun ouvre des perspectives intéressantes sur quelques-uns de ces domaines de la sagesse, dont les passions, les idées, les sentiments, les figures mythiques, constituent les thèmes. La dialectique d'Alain formule des sentences d'une frappe gnomique extrêmement vigoureuse et brève, riche de sens: "Tout combat est dans nos pensées. Toute légende est dans les nuages" ("La légende").- "Le temps n'est rien, car une chose passée n'est plus rien si elle est passée, et une chose conservée est absolument et toujours présente" ("L'esprit"). -"Considérez longtemps la croix aux quatre chemins. C'est ce que j'appelle prier. Et pour finir là-desssus, je dirai qu'il importe beaucoup qu'une religion soit idolâtre. En de pures idées elle n'est plus religion, et elle n'est pas grand chose" ("Le figiuer").

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Commentaires

  • D'accord sur presque tout. Mais je pense pas que les oeuvres d'art sont porteuses de hautes et sereines vérités ni que le beau est un fidèle témoin du vrai. Par contre, les questions métaphysiques, à mon avis, trouvent des éclairages dans l'art. Par exemple, la poésie seule peut en parler. C'est typiquement la bible. Mais il n'y aura jamais de "hautes et sereines vérités". A chacun sa vérité. Je trouve que la maÏeutique, sous son air bon enfant, peut être une forme de tyrannie où l'on oriente l'apprenant là où l'on veut qu'il aille...
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