Chronologie
1922
André Breton rompt avec le mouvement Dada en publiant des textes critiques dans sa revue Littérature, et regroupe autour de lui quelques poètes comme Robert Desnos, René Crevel ou Benjamin Peret. Ils poursuivent les recherches entreprises par André Breton et Philippe Soupault dans les Champs magnétiques, texte écrit selon la méthode de l’écriture automatique et publié en 1919. Le groupe s’auto-désigne comme le "mouvement flou" jusqu’à l’officialisation du Surréalisme en 1924.
1924
Le mouvement est officialisé à Paris par la publication du Manifeste du Surréalisme, texte qu’André Breton avait initialement conçu pour préfacer la parution d’un recueil de poèmes automatiques, Poisson soluble. Il définit le Surréalisme comme "automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée". Breton tire ainsi les conséquences artistiques de la théorie psychanalytique, en particulier de l’interprétation des rêves par Freud. La Révolution surréaliste remplace Littérature et un "bureau de recherches surréalistes" est ouvert : "son but initial est de recueillir toutes les communications possibles touchant les formes qu’est susceptible de prendre l’activité inconsciente de l’esprit". Les peintres André Masson et Joan Miró rejoignent le mouvement.
1925
À la galerie Pierre de Paris, le 13 novembre à minuit, est inaugurée la première exposition de peinture surréaliste, regroupant des œuvres de Giorgio De Chirico, Hans Arp, Max Ernst, Paul Klee, Man Ray, André Masson, Joan Miró, Picasso et Pierre Roy. Max Ernst se consacre à ses premiers frottages. Les premières expériences de "cadavre exquis", expression d’une pensée à plusieurs voix, sont réalisées. Louis Aragon publie Le Paysan de Paris. À Bruxelles, un groupe réuni par les écrivains Paul Nougé et E.L.T. Mesens autour de la revue Correspondance se lie avec les surréalistes français. Le peintre belge René Magritte réalise ses premières œuvres surréalistes et devient le chef de file de ce Surréalisme belge.
1926
André Masson réalise ses premiers tableaux "presque uniquement faits de sable collé" qui mettent l’accent sur la matière et le hasard. En mars, à Paris, Jacques Trual et André Breton ouvrent la Galerie Surréaliste avec l’exposition Tableaux de Man Ray et objets des Îles (Océanie) qui établit pour la première fois un rapport entre la création surréaliste et des œuvres primitives. La presse est scandalisée par une statue océanienne, jugée indécente, choisie par Man Ray pour figurer en vitrine de l’exposition et en couverture du catalogue.
1927
En janvier, André Breton adhère au parti communiste. En juin, la première exposition personnelle du peintre Yves Tanguy est organisée à la Galerie Surréaliste. Ses peintures, héritant de l’univers de Giorgio De Chirico, présentent un monde qui semble flotter entre le milieu sous-marin et le milieu terrestre. André Breton écrit Nadja, portrait d’une jeune femme dont il a été amoureux et qui a sombré dans la folie. L’ouvrage s’achève sur l’affirmation désormais célèbre : "La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas".
1928
En février, paraît Le Surréalisme et la peinture, recueil d’articles d’André Breton sur Picasso, Giorgio De Chirico, Max Ernst, Man Ray, André Masson… Salvador Dali et Luis Buñuel réalisent le film Un chien andalou grâce au mécénat de Marie-Laure et Charles de Noailles, qui financent aussi au même moment un autre film surréaliste resté célèbre, Le Sang d’un poète de Jean Cocteau.
1929
En février, André Breton adresse un courrier aux collaborateurs du Surréalisme pour mesurer "le degré de qualification morale de chacun", ce qui le brouille avec Bataille, Leiris et Masson. Cette démarche aboutit à la mise au point théorique que constitue le Second manifeste du Surréalisme publié en décembre. Max Ernst réalise son premier roman-collage : Perturbation, ma sœur, la femme 100 têtes. En utilisant des gravures anciennes issues de l’imagerie populaire, Max Ernst présente un univers de rêve soumis aux caprices de l’inconscient. Du 20 novembre au 5 décembre, à la galerie Gœmans de Paris, se tient la première exposition parisienne de Salvador Dali. Son œuvre invite à la pratique de la paranoïa-critique, méthode pour appréhender le réel en doutant de l’univocité de ses significations.
1930
En riposte au Second manifeste, George Bataille fait paraître en janvier un tract intitulé Un cadavre dans lequel il dénonce les principes qu’il juge moralisateurs d’André Breton. Le tract est co-signé notamment par Michel Leiris, Robert Desnos, Raymond Queneau et Jacques Prévert. Le premier numéro du Surréalisme au Service de la Révolution, dont le titre est suggéré par Louis Aragon, paraît en juillet et remplace La Révolution surréaliste. En décembre, le second film de Dali et Buñuel L’Âge d’or est projeté au "Studio 28", salle de cinéma montmartroise. Des membres de la Ligue des patriotes et de la Ligue Antijuive saccagent les locaux.
1931
Les artistes surréalistes sont exposés pour la première fois aux États-Unis, à Hartford (Connecticut). Cette manifestation réunit des œuvres de Salvador Dali, Giorgio De Chirico, Max Ernst, André Masson, Joan Miró, Picasso et Pierre Roy.Alberto Giacometti réalise ses premières sculptures-objets, des "objets mobiles et muets" composés de formes organiques qui peuvent être mises en mouvement.
1932
En novembre, André Breton publie les Vases communicants, ouvrage qui tente d’établir l’existence de liens étroits entre les rêves et l’état de veille, dont il envoie un exemplaire à Freud. Il y critique les objets"à fonctionnement symbolique" de Salvador Dali qu’il juge trop réducteur du désir.
1933
Albert Skira publie la revue surréaliste Minotaure (1933-1938) dont le premier numéro est consacré à Picasso.
1934
Au Musée Royal de Bruxelles, les Surréalistes belges organisent la première grande exposition d'œuvres surréalistes venant de toute l’Europe qu’ils intitulent, elle aussi, Minotaure. L’artiste allemand Hans Bellmer adhère au Surréalisme avec la publication dans le numéro 6 de la revue Minotaure (décembre 1934) de photographies présentant un de ses objets surréalistes, La Poupée.
1935
Alberto Giacometti est exclu du groupe. Il récuse son œuvre surréaliste et annonce son désir de travailler à nouveau "d'après modèle".En novembre, la première exposition parisienne de l'artiste Victor Brauner est organisée à la galerie Pierre.
1936
En mai, à Paris, une exposition d’objets surréalistes à la galerie Charles Ratton réunit pour la première fois des objets naturels, des objets trouvés et des objets composés par les artistes surréalistes. L’International Surrealist Exhibition est organisée à Londres par l’historien d’art Herbert Read, et préfacée par André Breton. En décembre, le MoMA de New York présente l’exposition Fantastic Art, Dada and Surrealism.
1937
André Breton devient rédacteur en chef de la revue Minotaure.Il fait paraître l’Amour fou.
1938
À la galerie des beaux-arts de Paris se tient une nouvelle Exposition internationale du surréalisme, avec la collaboration scénographique de Marcel Duchamp. Cette exposition réunit plus de 60 artistes de différents pays, présentant près de 300 peintures, objets, collages, photographies et installations.
1939
Salvador Dali est exclu du groupe. La guerre disperse les Surréalistes, dont une grande partie s’exile aux États-Unis : le modèle qu’ils représentent sera déterminant pour les mouvements artistiques naissants ou à venir, comme l’Expressionnisme abstrait, le Néo-dadaïsme, et le Pop Art.
Le surréalisme domine l'histoire de la sensibilité du XXème siècle. Rares sont les domaines de la vie culturelle qui aient échappé à son activisme passionné. Au point de nous faire oublier aujourd'hui le mouvement, historiquement déterminé, qu'il fut un demi-siècle durant. Pourtant, ce mouvement a peut-être moins inventé une sensibilité nouvelle - quelques-unes de ses aspirations essentielles caractérisent déjà le romantisme du XIXème siècle : affirmation de la nature essentiellement poétique de l'homme, appel aux puissances de la vie inconsciente, de l'imagination et du rêve, identification de la science avec la poésie, de la littérature avec la vie, espérance millénariste fondée sur une transformation de l'homme - qu'il n'a soumis à son ontologie inquiète les doctrines esthétiques, scientifiques et même politiques majeures de son époque. Inlassablement, il leur aura posé la question de leur sens, dans une conception globale de l'homme dont il représente sans doute - avec le marxisme et l'existentialisme - la dernière manifestation dans la pensée occidentale. Mais, en déplaçant leurs problématiques, en déjouant leur sens manifeste, le surréalisme reste peut-être avant tout pour nous un incomparable révélateur de revendications latentes : littérature soumise à l'urgence du désir, psychanalyse envisagée dans son pouvoir critique plus que thérapeutique, ésotérisme pratiqué sans transcendance, matérialisme contesté par le " hasard objectif ", communisme affronté aux exigences irréductibles de la subjectivité. C'est l'ombre portée d'un demi-siècle décisif qui, d'une guerre à l'autre, ironiquement, gravement, se projette aussi bien dans la pensée que dans la chronologie de ce mouvement.
Le surréalisme dans son histoire
La conscience malheureuse (1919-1922)
Le surréalisme est né d'une guerre, la première à remettre non seulement en cause l'existence de frontières, de biens et d'organisations sociales, mais les fondements mêmes d'une civilisation dont vainqueurs et vaincus participaient à titre égal. L'absurdité d'une telle situation ne pouvait que frapper quelques esprits déjà sensibilisés aux mutations culturelles qui avaient précédé, comme son prodrome, le cataclysme où s'enfonça l'Europe en 1914. Acteurs d'une guerre qu'ils avaient faite contre leur gré, ils ont su mesurer l'ampleur d'une crise qu'aucune euphorie victorieuse, aucun rétablissement moral ne pouvaient à leurs yeux masquer. Hormis les figures tutélaires de Rimbaud et de Lautréamont, ils ne trouvaient guère dans le paysage littéraire français de l'époque beaucoup de ces " individus pour qui l'art avait cessé d'être une fin " (André Breton). À côté des symbolistes, de Saint-Pol-Roux et d'Apollinaire dont Breton avait médité le manifeste-programme intitulé L'Esprit nouveau (1917), de Pierre Reverdy dont la revue Nord-Sud accueillera ses textes, il n'y avait guère que Pierre-Albert Birot pour prendre position dès le premier numéro de Sic , en 1916, en faveur de l'art moderne, cubiste et futuriste. Rien dans tout cela qui fût en mesure d'exprimer la radicalité d'une révolte que Breton découvrira, en 1916, à l'hôpital de Nantes, incarnée à l'état pur dans la personnalité de Jacques Vaché. Mais c'est l'amitié de Breton avec Aragon et Philippe Soupault qui allait féconder cette révolte, avec la fondation en mars 1919 de la revue Littérature. Les Lettres de guerre de Jacques Vaché et les Poésies d'Isidore Ducasse, qui figurent au sommaire des premiers numéros à côté des signatures plus sages d'un Gide ou d'un Valéry, donnent d'emblée la mesure des ambitions de ses trois directeurs que rejoindra bientôt Paul Eluard ; former un groupe qui, par-delà la révision des formes de l'art, puisse efficacement intervenir sur la question de sa destination : " Pourquoi écrivez-vous ? " L'enquête publiée dans la livraison de novembre 1919, si elle enregistre des réponses déroutantes ou absurdes, trahit déjà le désir de dépasser cette activité purement destructrice à quoi se livre hors de France le mouvement dada dont l'influence ne cesse de croître dans l'Europe de ces années.
C'est en effet à Zurich que, depuis février 1916, un petit groupe réuni autour de Tristan Tzara fait l'inventaire de l'arsenal mis au point par l'avant-garde internationale pour subvertir le replâtrage idéologique que la liquidation de la guerre commence à rendre possible. Fondamentalement nihiliste, Dada ignore les classifications esthétiques, les frontières culturelles autant que nationales. Il porte comme sa raison d'être cette inquiétude fondamentale qui avait déjà fasciné Breton dans le comportement de Vaché. Et c'est moins d'une doctrine constituée que du détonateur nécessaire à l'élan révolutionnaire du groupe de Littérature que Tzara est porteur à son arrivée à Paris, en janvier 1920. À travers une série de spectacles-provocations corrosifs et de bulletins où apparaissent désormais les noms d'Aragon, de Breton, d'Eluard aux côtés de ceux de Tzara, de Duchamp, de Picabia, de Ribemont-Dessaignes, un ton est donné qui bouscule les règles du jeu culturel, fût-il moderne. Un refus - plutôt qu'un défaut - d'organisation aussi (" Les vrais dadas sont contre Dada. Tout le monde est directeur de Dada ") dont Breton, le premier, ressent et exprime le malaise avec les " Manifestes dada " qu'il signe dans le numéro 13 de Littérature , en mai 1920, ainsi qu'à l'occasion de l'instruction simulée du procès Barrès, en mai 1921, lorsqu'il s'oppose aux interventions anarchisantes de Tzara.
Le surréalisme intuitif (1922-1924)
On peut faire coïncider avec la naissance de la nouvelle série de Littérature née de la rupture dadaïste une période transitoire pendant laquelle les futurs surréalistes s'organisent progressivement en mouvement. Nul corps de doctrine en ces années où Breton reconnaîtra plus tard " l'époque intuitive du surréalisme ", mais déjà l'ambition moins de fonder une nouvelle école artistique qu'un organe de connaissance de ces continents jusqu'ici refoulés que sont le rêve, la folie, les états hallucinatoires. Ce qu'on commence à identifier sous la notion d'inconscient. La première œuvre surréaliste que Breton et Soupault écrivent en collaboration dès 1920, Les Champs magnétiques, se présente en effet moins comme le produit d'une littérature d'avant-garde que comme une évaluation expérimentale des pouvoirs du langage exercé sans contrôle. Les textes " automatiques ", dont cette œuvre inaugure l'abondante production, vont être le terrain d'essai du surréalisme naissant, la cristallisation du projet collectif qui trouvera en 1924, dans le Manifeste du surréalisme rédigé par Breton, sa définition canonique.
Il faut ici s'arrêter au mot qui donne enfin son nom au mouvement qui, sous l'autorité d'André Breton, voit en 1924 sa fondation officielle. Il est connu depuis qu'en 1917 Apollinaire avait qualifié ses Mamelles de Tirésias de " drame surréaliste ". Mais il prend ici un sens qui dépasse largement le domaine esthétique pour qualifier l'exploration du " fonctionnement réel de la pensée ". L'aspect littéraire du premier champ d'expérience de la recherche surréaliste ne doit donc pas ici égarer. Plus révélatrice est la collaboration qui présida à l'écriture des Champs magnétiques. La fulgurance des images qu'elle inspirait trahissait moins l'expression d'une sensibilité personnelle qu'elle n'était le résultat d'une technique, d'une pratique modulée de la vitesse d'écriture notamment. Cette " pensée non dirigée " était rien moins que subjective ou complaisamment poétique. Sommeils hypnotiques, récits de rêves, simulations de délires, paranoïa-critique allaient très vite enrichir l'équipement méthodologique des surréalistes. Vers la fin de 1922, le groupe (Crevel, Desnos et Péret notamment) se laissera envahir par cette " épidémie de sommeils " que décrira Aragon dans le bilan qu'il dressera, en 1924, de deux années d'activité surréaliste (Une vague de rêves).
Mais cette activité onirique débordante ne se définit pas seulement comme une quête d'informations objectives. Son caractère volontairement impersonnel n'annule pas son pouvoir de transmutation poétique, n'interdit pas l'accès de cette région surréelle dont chacun possède la clé en soi. La poésie est l'autre nom de cette pratique qui ne nie le talent individuel que pour mieux rendre à chacun la disposition intégrale de son être. À la permanence du groupe, rue de Grenelle à Paris, un " Bureau de recherches surréalistes " ouvert à tous les anonymes porteurs de secrets, de révolte et de rêves va tenter de réaliser le vœu de Lautréamont que la poésie soit faite par tous. La " centrale surréaliste " s'alimente à la vie quotidienne et veut contribuer à en inventer le merveilleux. À partir du 1er décembre 1924, un nouvel organe de diffusion des travaux du groupe, La Révolution surréaliste, se substitue à Littérature. Pierre Naville et Benjamin Péret, ses codirecteurs, donnent le ton d'une publication à l'aspect aussi sévère que celui d'un bulletin scientifique, mais dont la charge d'expériences impose avec éclat l'orientation révolutionnaire du mouvement. L'époque intuitive du surréalisme a vécu. Son âge de raison peut commencer.
L'âge de raison (1925-1939)
Marqués par la crise des grands systèmes de représentation du monde, les surréalistes étaient en quête de nouveaux fondements. Comme leurs contemporains marxistes, comme déjà les romantiques du siècle précédent, ils recherchaient les lois sur lesquelles asseoir une nouvelle approche de l'homme. Ils ne pouvaient par conséquent se contenter d'entériner les recherches de leur temps sans les réévaluer à l'aune d'une préoccupation essentiellement ontologique. Les expérimentations auxquelles avait donné lieu chez eux la découverte du champ inconscient demeuraient bien des expériences, au sens initiatique du terme. Une seule connaissance pour eux importait, qui pût transformer le sujet autant que l'objet, une sorte de gnose qui devait les conduire à la réconciliation de l'action et du rêve. Et la poésie pouvait être cette " connaissance productive du réel " dont parlera plus tard René Char, qui explorait dans la dimension onirique un degré plus profond de réalité. Car il y a un réalisme consubstantiel à la démarche des surréalistes, et l'on en mesure les effets si l'on compare, avec leur propre définition, celle qu'un Yvan Goll donnait du surréalisme, dans le premier numéro d'une revue du même nom et publié en 1924 précisément : "La transposition de la réalité dans un plan supérieur (artistique)." De ce réel sublimé, idéalisé, à celui que recherche Breton dans le noyau dur (et pur) de ce monde, il y a le saut d'un symbolisme qui n'en finit pas de se moderniser pour survivre, à une décision proprement révolutionnaire. Car si " l'au-delà, tout l'au-delà est dans cette vie " la " libération totale de l'esprit " qu'un tract de janvier 1925 revendique, relève moins de l'invention d'un monde autre que de la transformation de celui-ci au terme d'un double constat : le surréel n'est pas donné spontanément. Il faut désirer l'imposer contre l'appareil répressif de la logique, de la morale et de la société. Étant ce monde, il a ses lois qu'il faut apprendre à reconnaître. Partagée entre désir et conscience, entre inspiration prophétique et réalisme critique, ainsi va se jouer jusqu'à la Seconde Guerre mondiale l'histoire tourmentée du surréalisme.
Le désir, voilà le " seul acte de foi du surréalisme ", ainsi que l'avoue Breton en 1934 dans Qu'est-ce que le surréalisme ? Or, répondant en 1932 à l'"Enquête sur le désir" des surréalistes yougoslaves, Breton liait déjà, contre la tradition philosophique la mieux partagée, les destinées de la connaissance à celle du désir : "C'est par ses désirs et ses exigences les plus directes que tend à s'exercer chez l'homme la faculté de connaissance." Et l'on retrouverait dans les déclarations surréalistes cette mise en lumière nietzschéenne des sources pulsionnelles de la connaissance sur quoi s'est édifiée l'ère, si durable, du soupçon. Mais les surréalistes, que le désir tourmente autant qu'il interroge, furent moins, il ne faut jamais l'oublier, des généalogistes du savoir que des artistes animés par le souci de la vérité pratique. La connaissance devait avant tout réaliser le désir, et leur position à l'égard de l'institution psychiatrique y puisa son caractère délibérément subversif. Toute l'histoire du surréalisme, de la Lettre aux médecins-chefs des asiles de fous, de 1925, à la célébration du cinquantenaire de l'hystérie, en 1928, et à la mise en place de la " paranoïa-critique " de Dalí à partir de 1929, est engagée dans la défense de l'aliéné et l'exaltation des vertus cognitives du délire. De sorte que l'identification du désir et de la connaissance finit par se calquer sur celui de l'état normal et de la folie. C'est encore en 1928 que paraît Nadja , récit qui constitue le prolongement autobiographique et poétique des positions de Breton.
Cette irruption du désir dans le lieu même de la connaissance trouvera sans doute sa forme la plus accomplie dans L'Immaculée Conception que publient ensemble Breton et Eluard en 1930. Étonnante suite de poèmes en prose dont les auteurs se livrent à des "essais de simulation" d'états démentiels, de la débilité mentale à la démence précoce. Deux poètes s'y livrent sur eux-mêmes à une expérimentation de la fragilité des critères de normalité. Observations dont Dalí, à la même époque, fixera le protocole dans sa célèbre "paranoïa-critique" qui permet une interprétation de l'œuvre d'art (celle de l'Angelus de Millet par exemple) très éloignée de l'enquête freudienne.
C'est en effet sur un malentendu historique que s'est édifiée la célébration surréaliste des découvertes de Freud. L'intérêt distant dont fit montre Freud à l'égard des surréalistes (Breton lui avait rendu visite à Vienne en 1921) situe l'opposition des projets. L'un et l'autre reconnaissaient l'importance du désir, mais le premier visait sa sublimation, et les seconds sa réalisation. C'est par une confusion de la parole troublée et de la parole élucidante que Breton pouvait confondre Freud avec Sade dans une même aspiration libératrice.
Car le désir est par essence révolutionnaire. "La vraie révolution, pour les surréalistes, c'est la victoire du désir", constatait jadis Maurice Nadeau. Et son histoire est aussi celle de son errance, de ses difficultés à trouver son objet. Issus du projet de "changer la vie", les surréalistes ne pouvaient que rencontrer un jour la réalité politique. L'histoire du surréalisme trouve là son moment de haute turbulence. En retracer les épisodes marquants, c'est le débarrasser des positions dogmatiques qu'on est trop souvent tenté de lui prêter. 1930 est en effet l'année, paradoxale, de L'Immaculée Conception autant que du premier numéro d'une nouvelle revue succédant à la Révolution surréaliste : Le Surréalisme au service de la révolution , qui manifeste, par cette modification de l'ancien titre, l'évolution du groupe vers une position politique affirmée. Mais de quel groupe s'agit-il encore, qui réunit les explorateurs des terres vierges du surréalisme que sont Breton, Eluard, Crevel, Péret que sont venus rejoindre Dalí, Buñuel, Georges Hugnet, René Char, André Thirion, et un Pierre Naville acquis depuis 1926 à la cause communiste, ou un Aragon et un Georges Sadoul qui font en U.R.S.S. un voyage aux conséquences profondes ? Pour saisir la force, mais aussi les limites de la capacité d'intégration du surréalisme, il faut revenir à cette année 1924 où La Révolution surréaliste , dès son premier numéro, commence par justifier ainsi son titre : "Il faut aboutir à une nouvelle déclaration des droits de l'homme." Mais la révolution est encore une idée pour Breton qui réfléchit sur le "droit de grève" à accorder aux intellectuels, comme pour Eluard qui oppose la valeur transcendante de la révolution au pragmatisme révolutionnaire, ou pour Aragon qui avoue dans Un cadavre - pamphlet collectif contre Anatole France qui vient de mourir - son "peu de goût" pour le régime bolchevique. "Nous avons accolé le mot de surréalisme au mot de révolution uniquement pour montrer le caractère désintéressé, détaché et même tout à fait désespéré de cette révolution", peut-on lire dans un tract de janvier 1925. S'ils ne peuvent se résoudre au choix, les surréalistes, que la question de l'engagement agite de plus en plus, se sentent unis par un "certain état de fureur". Celui qui les pousse à se livrer au scandale lors du banquet d'hommage à Saint-Pol-Roux en juillet 1925, ou dans la "Lettre ouverte à Paul Claudel, ambassadeur de France".
Ce désir erratique, le spectacle de plus en plus intolérable des injustices sociales et des menées impérialistes, va pourtant lui offrir un objet où fixer sa fureur. Un accord avec le groupe de la revue communiste Clarté - le seul à mener une action idéologiquement efficace contre la guerre du Maroc (1924-1926) - se réalisera en mars 1926, qui concrétisera le début de ce que Breton appela la "période raisonnante du surréalisme".
Mais l'adhésion aux principes du matérialisme dialectique, si elle pouvait répondre à l'ontologie historique des surréalistes, exigeait d'eux qu'ils donnent priorité à l'abolition des conditions bourgeoises de la vie matérielle sur cette liberté de l'esprit qu'ils allaient parfois chercher jusqu'en Orient, écrivant, à l'image d'Artaud, leur Adresse au Dalaï-Lama. Concrètement, le "service de la révolution", c'est celui du prolétariat. "Que peuvent faire les surréalistes ?", demande dans La Révolution et les intellectuels Pierre Naville qui va devenir codirecteur de Clarté et qui est convaincu désormais de leur inefficacité pratique. Le consensus qui se reformait toujours autour de la critique de l'individualisme, de la vanité de l'activité littéraire et de la nécessité d'une action collective se brisait sur ce point. Les déclarations de Naville, en stigmatisant la "vanité des querelles de l'intelligence", vont agiter le groupe, au point d'inquiéter Breton qui, en septembre 1926, tentera dans Légitime Défense d'exorciser le risque de désunion. Il y réaffirme son adhésion de principe au programme communiste, mais en l'envisageant comme un "programme minimum". L'adhésion au Parti communiste de Breton, d'Aragon, d'Eluard, de Péret et d'Unik en administrera la preuve. Acte symbolique dont le Parti communiste ne sera pas dupe, même si les Cinq rendent publique l'exclusion d'Artaud et de Soupault, qui refusent la nouvelle orientation mais sont officiellement rejetés pour fait d'activité littéraire. Car une rigueur semblable à celle des partis révolutionnaires s'empare du groupe fidèle à Breton. Les procès d'individualités que celui-ci veut instruire (ceux de Baron, de Leiris, de Limbour, de Prévert, de Queneau, ainsi que de Desnos accusé d'activités journalistiques moralement suicidaires) finiront par susciter des réactions de révolte (Un cadavre par exemple, pamphlet publié en janvier 1930 sur le modèle de celui qui vise Anatole France, mais dirigé cette fois contre Breton par quelques-uns des exclus récents) et des prises de conscience que l'échec de la réunion de la "rue du Château" (provoquée par Breton, Aragon et Queneau pour enquêter sur les possibilités d'une action commune avec les groupes révolutionnaires) précipite. Des clivages nouveaux s'accusent, où s'expriment toutes les nuances de la sensibilité surréaliste, de l'idéalisme mystique du Grand Jeu de R. Daumal, de R. Gilbert-Lecomte et de R. Vailland (rupture des relations en 1929) au "bas matérialisme" de Georges Bataille qui, à travers la revue Documents , va prendre en 1929 l'offensive contre le "surréalisme idéaliste" ; à ceux encore qui, comme Aragon et Sadoul, reviennent d'un voyage en U.R.S.S. (participation au IIe Congrès international des écrivains révolutionnaires de Karkhov, en octobre 1931) convertis au communisme. Pour preuve de son ralliement, Aragon compose le poème "Front rouge" qu'il publie dans Littérature de la révolution mondiale , revue éditée à Moscou. Malgré la défense que Breton décidera de lui apporter lors de son inculpation (pour appel à l'assassinat des dirigeants du régime), Aragon finira par rompre, en 1932, avec le groupe qu'il avait contribué à fonder, s'alignant sur les positions les plus étroites du Parti communiste (le rejet du freudisme et du trotskisme notamment). On est loin des positions d'un Naville proclamant sept ans plus tôt l'engagement communiste au nom même du surréalisme. Mais la situation historique a changé. L'U.R.S.S. n'est plus une précaire expérience révolutionnaire, et la répression du pouvoir se fait en France plus ouverte (interdiction de quitter la France pour Eluard, et même emprisonnement pour Sadoul, par exemple). Les conflits se durcissent, à droite comme à gauche. Breton, Eluard et Crevel seront exclus du Parti communiste en 1933. En 1935, Breton sera interdit de parole au Congrès des écrivains pour la défense de la culture.
En dénonçant les compromissions du Front populaire dont ils prophétisent la faillite, les surréalistes continueront cependant d'affirmer leur projet révolutionnaire en se ralliant, en 1935 encore, au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, en se rapprochant de Bataille et en fondant les cahiers de Contre-attaque qui prônent le recours à l'action immédiate. C'est avec Position politique du surréalisme, publié cette même année, que Breton confirme son opposition à Staline autant que sa capacité de "refus". La dénonciation des procès de Moscou en 1937, le resserrement des liens avec Trotski que Breton rencontrera, exilé, au Mexique pendant l'été de 1938 soulignent une indépendance que viendra appuyer la part prise dans la fondation de la Fédération internationale de l'art révolutionnaire indépendant et dans la rédaction du manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant, en collaboration avec Trotski et le peintre Ribera.
L'indépendance du surréalisme, c'est, malgré lui, dans des œuvres et des réalisations personnelles qu'elle se réalise en ces années troublées. Loin d'être le reflet idéologique de rapports de production, l'art reste le lieu d'élection des réalisations les plus immédiates du désir. Breton s'élèvera contre un art de propagande pour "défendre la culture", et cette "faculté individuelle qui fait passer une lueur dans la grande ignorance, dans la grande obscurité collective" (Position politique du surréalisme). Breton, dont le rôle est plus que jamais - et c'est ce qui fit son autorité - de concilier les pôles antagonistes de son mouvement, cherche en fait à réaliser dans l'histoire même du surréalisme ce "point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement". Déclaration sur quoi se fondait le Second Manifeste surréaliste, et dont l'objet, en 1929, était déjà de reformer l'unité compromise du groupe. Dépassement dialectique des oeuvres individuelles dans une universalisation de leur propos où il faut voir la réussite majeure du surréalisme comme mouvement artistique, certes, mais dont l'audience internationale va grandissant.
Car le surréalisme tend non seulement vers les formes les plus universelles, mais aussi vers les plus rigoureuses : vers ce Style dont Aragon écrivit le Traité en 1928. Qui s'interroge aujourd'hui sur l'exceptionnelle qualité des oeuvres qu'il a fécondées doit en revenir à ce texte, l'un des classiques du mouvement, où Aragon assigne les plus strictes limites à l'expression anarchique : balisage de l'écriture automatique, condamnation de la gratuité de la pensée, de l'idolâtrie de Rimbaud, du goût du suicide et de la vaticination sans but ni raison. Ce n'est qu'à ce prix que le mouvement va imposer sa vision du monde, et jusqu'à son vocabulaire : c'est en 1938 que Breton et Eluard rédigeront un Dictionnaire abrégé du surréalisme pour servir de préface à l'Exposition internationale du surréalisme, la première qui s'ouvre à Paris, galerie des Beaux-Arts. Bientôt, les expositions fleuriront hors de France, dans les pays où le surréalisme a fait école : en Belgique, en Tchécoslovaquie, en Suisse, en Angleterre et jusqu'au Japon.
Mais le surréalisme qui triomphe après 1930 est en même temps dépossédé de son organe. Aucune revue ne succède au dernier numéro du Surréalisme au service de la révolution, en mai 1933. Minotaure, édité par Skira et d'abord dirigé par Tériade, sera la dernière revue d'avant guerre où les surréalistes s'exprimeront régulièrement. Mais l'âge de la recherche ascétique est loin avec cette livraison d'art luxueusement illustrée où s'exprime, à travers des Enquêtes , un sens du merveilleux ("Pourriez-vous dire quelle a été la rencontre capitale de votre vie ?") que l'approche de nouveaux troubles mondiaux va enrichir d'un surcroît d'inquiétude.
L'âge métaphysique (1939-1950)
L'inquiétude, c'est-à-dire la mise en question de ce monde, et le refus de chercher hors de lui le salut restent au coeur de l'aventure surréaliste, autant que la recherche d'un sens caché, d'une vision renouvelée de l'ordre du monde. Si l'exercice du langage n'a jamais cessé de préoccuper les surréalistes quelle que fût la nature de leurs engagements, c'est parce qu'ils ont tôt compris qu'il détenait autant le pouvoir de dénoncer l'absurdité du monde - ainsi l'utilisera Dada - que de redonner sens à ce qui est reçu comme contingent, notre monde le plus quotidien. Si l'écriture automatique offrit d'emblée l'espoir de découvrir une logique plus profonde - et poétique en cela - dans le désordre apparent du discours spontané, la notion plus tardive de "hasard objectif" allait jouer un rôle majeur dans la compréhension des signes que suscite notre présence au monde.
En 1937, lorsqu'il apparaît au creuset de L'Amour fou de Breton, ce souci de rendre objectif le hasard se présente comme la réponse - qu'il faut bien qualifier de métaphysique - à l'irrationalité des conduites humaines. L'échec des tentatives de transformation de l'homme (l'homme socialiste d'Union soviétique n'a pas changé), le retour de la sauvagerie sous ses formes totalitaires, la préparation d'une guerre que l'on pressent inévitable poussent les surréalistes vers des positions progressivement plus spéculatives. La Première Guerre mondiale avait libéré leur pouvoir critique ; la Seconde va accuser en eux un désir de résoudre les contradictions de l'homme et du monde sur un plan bien plus archaïque que celui des conflits sociaux. Souci de renouer avec un fonds commun de l'humanité que rend plus aiguë la montée des nationalismes. "L'art n'a pas plus de patrie que les travailleurs", peut-on lire dans le premier numéro de Clé, en 1938, l'éphémère organe français de la Fédération internationale de l'art révolutionnaire indépendant. Quand survient l'entrée en guerre, la mobilisation et la dispersion du groupe, Breton va mettre sous presse son Anthologie de l'humour noir que le régime de Vichy censurera parce qu'il incarne "la négation de l'esprit de révolution nationale". Situé entre "l'humour objectif" de Hegel et le "quelque chose de sublime et d'élevé" de Freud, l'humour noir n'était rien d'autre que la tentative de rendre sa souveraineté à l'homme dépossédé de son unité.
Les Prolégomènes à un troisième manifeste surréaliste ou non que Breton composera en 1942 à New York, où il a décidé de s'installer, sont traversés par cette inquiétude qui tranche avec la spéculation hardie du premier, autant qu'avec les mises au point résolues du second. Car, ce qui frappe ici, c'est l'appel à une prise de conscience, le retour à la condition d'homme sous la condition sociale, à son "extrême précarité". De plus, la dénonciation ne se limite pas à l'exploitation de l'homme par l'homme, mais s'étend à "l'exploitation de l'homme par le prétendu Dieu d'absurde et provocante mémoire". Tout l'espoir de Breton va désormais se fortifier d'un engagement décidé "sur les voies de la révolution intérieure" qu'il pense rencontrer chez un alchimiste comme Nicolas Flamel ou un mystique comme Eckhart.
Réconcilier l'homme avec la nature, le microcosme et le macrocosme, retrouver l'universelle analogie chère à Baudelaire, sans dédaigner le message de l'hermétisme et de l'ésotérisme, telle sera l'occupation majeure, dans l'immédiat après-guerre, de ceux qui dans le groupe reconstitué suivront l'orientation choisie par Breton dans l'Ode à Charles Fourier (1945), Signe ascendant (1947), et surtout Arcane 17. Cette dernière œuvre, qui engage dès 1945 le mouvement sur le "chemin de la gnose", développe un hymne à la femme, figure unitive des deux mondes, matériel et spirituel, Nadja initiée aux échanges de la vie et du rêve que décrivaient déjà, en 1932, Les Vases communicants . Car il ne faut pas se laisser abuser par cette prédilection du surréalisme d'après guerre pour les sciences occultes (qui aboutira à la publication en 1957, par Breton et Gérard Legrand, d'une vaste enquête sur l'Art magique). Le "surréalisme en ses œuvres vives" que défendra Breton en 1953 est bien là, qui n'a pas renoncé à son acte de foi immanentiste, même si certains le quittent, qui refusent de signer Rupture inaugurale, le manifeste qui consacre, en 1947, le renouveau du groupe et son éloignement de la politique communiste. Nulle fuite ici dans quelque transcendance suspecte, mais la tentative inlassablement reprise d'unifier la dialectique et l'analogie symbolique, de légitimer " et d'" accomplir " l'une par l'autre (Gérard Legrand). " L'occultation profonde, véritable, du surréalisme" demandée par le Second Manifeste s'accomplissait ici, dans l'approche du message ésotérique et son intériorisation.
Mort et réalisation du surréalisme (1945-1969)
Déjà exposé avant guerre aux fruits suspects d'une semaison en tous lieux, le surréalisme ne risquait-il pas de s'éteindre dans la dispersion, autrement plus dramatique, de la guerre ? Tandis qu'en France le groupe de La Main à plume (Maurice Blanchard, Noël Arnaud, Christian Dotremont, Gérard de Sède, Boris Rybak...) continue de faire entendre la voix libératrice de la poésie surréaliste, Breton, aux États-Unis, ne reste pas inactif. Il organise en 1942, avec son vieil ami Marcel Duchamp, une exposition internationale et fonde la même année la revue VVV autour de laquelle se maintient l'esprit du surréalisme. Aussi bien son retour en France, au printemps de 1946, est-il salué comme la chance d'un ressourcement. Peu de noms anciens pourtant autour de Breton pour faire face aux attaques dont le mouvement est à nouveau la cible de la part de Tzara, de Sartre surtout qui l'accuse d'inanité dans Situations II. Benjamin Péret pourtant reste fidèle à Breton et, depuis Mexico où il s'est réfugié, s'élève en février 1945, dans Le Déshonneur des poètes, contre les "litanies nationalistes et publicitaires" d'un Aragon et d'un Eluard dont l'absence au sein du mouvement ne sera d'ailleurs jamais compensé. Mais de nouveaux venus annoncent un renouvellement de ses forces : Julien Gracq, André Pieyre de Mandiargues, Jean-Pierre Duprey, Malcolm de Chazal, Joyce Mansour, Yves Bonnefoy..., voyageurs d'un Troisième Convoi (titre d'une éphémère revue fondée en octobre 1945) qui, succédant à ceux de l'époque héroïque et raisonnante, suivent la voie d'une stylisation onirique. Mais la dimension historique et culturelle du surréalisme l'emporte désormais sur l'esprit militant. Signe des temps, l'activité du mouvement s'exprime moins par la voie féconde mais discrète des revues (elles se succèdent pourtant : La Révolution, la Nuit ; Médium ; Le Surréalisme, même ; Bief ; La Brèche ; L'Archibras ) que par des expositions conçues autour d'un thème et mises en scène comme un spectacle total (exposition internationale de 1947 à la galerie Maeght, de 1957 chez Daniel Cordier sur le thème de l'érotisme, de 1965 à la galerie L'oeil et sous l'invocation de Fourier). Prédominance des arts visuels qui se manifeste aussi bien dans la réédition, en 1965, du Surréalisme et la peinture de Breton augmenté de nombreuses découvertes que dans la participation de celui-ci à la fondation de la Compagnie de l'Art brut dirigée par Dubuffet, en 1951, ou par la création de la revue L'Âge du cinéma, la même année.
Autre signe des temps, l'évolution des positions politiques. Toujours aussi attentifs aux manifestations de l'oppression, d'où qu'elle vienne - protestation en 1956 contre l'intervention soviétique à Budapest, soutien par Breton de la Déclaration des 121 sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie en 1960 -, les surréalistes s'égareront un temps (en 1949) aux côtés de Garry Davis, fondateur d'un Mouvement des citoyens du monde, comme ils saisiront l'occasion d'une polémique avec les Chrétiens d'aujourd'hui pour réaffirmer, en 1948, leurs positions fondamentalement antireligieuses.
La mort d'André Breton, le 28 septembre 1966, précipite la fin d'un mouvement dont Jean Schuster signera dans Le Monde du 4 octobre 1969 l'acte de décès en ces termes : "Le numéro 7 de L'Archibras est la dernière manifestation du surréalisme, en tant que mouvement organisé en France." Mort de s'être pleinement réalisé, comme la philosophie selon Marx, dans les transformations qu'il a permises ; rêve à l'action aujourd'hui réconcilié moins dans les dimanches de l'histoire que dans la prose du quotidien. Une "philosophie" selon Ferdinand Alquié, un " fantôme partout présent " selon Maurice Blanchot, un "mythe nouveau" selon Breton lui-même, c'est-à-dire la fin d'une histoire.
2. Pour une philosophie du surréalisme
D'un bout à l'autre de son existence, le surréalisme fut inspiré et dominé par André Breton. C'est à partir de ses textes théoriques qu'a pu s'élaborer une doctrine dont les critères, il convient de le préciser, ne furent pas seulement esthétiques. En effet, le surréalisme a mis en jeu une conception générale de l'homme, considéré en lui-même et dans son rapport avec le monde et la société : il a débordé largement le plan de l'art, et s'est défini sans cesse par des prises de position politiques et morales. On peut même remarquer que presque toutes les exclusions prononcées ont été motivées non par des divergences esthétiques, ou, comme on l'a prétendu, par des questions de personnes, mais par des considérations relatives à la conduite et à l'éthique. Considérant les querelles passées, Breton a écrit, en 1946, dans son Avertissement pour la réédition du second manifeste : "Les questions de personnes n'ont été agitées par nous qu'a posteriori et n'ont été portées en public que dans les cas où pouvaient passer pour transgressés d'une manière flagrante et intéressant l'histoire de notre mouvement les principes fondamentaux sur lesquels notre entente avait été établie. Il y allait et il y va encore du maintien d'une plate-forme assez mobile pour faire face aux aspects changeants du problème de la vie, en même temps qu'assez stable pour attester la non-rupture d'un certain nombre d'engagements mutuels - et publics - contractés à l'époque de notre jeunesse." On ne peut que rendre hommage à la justesse de cette analyse.
La liberté de l'esprit
Phénomène collectif, le surréalisme est né d'un certain nombre de rencontres (en ses débuts, rencontre de Breton et d'Aragon, Soupault, Eluard, Ernst, Péret, Baron, Crevel, Desnos, Morise...). Mais elles n'ont eu de sens que parce qu'elles réunissaient des hommes qu'agitaient les mêmes problèmes, qu'animait une même fureur contre l'ordre établi, qu'habitait un même espoir. Il conviendrait aussi de parler de rencontre en ce qui concerne le rapport du groupe français et des groupes étrangers, qui ont spontanément retrouvé des préoccupations semblables ; ainsi, en Belgique, celui qui comprenait Paul Nougé, Mesens, René Magritte.
Il est malaisé, en étudiant les premiers textes surréalistes, de dégager, des états essentiellement émotionnels qu'ils expriment, une doctrine précise. Pourtant, on peut remarquer qu'une préoccupation commune se traduit en tous ces écrits : celle d'assurer à l'esprit une totale liberté.
Cette liberté, la guerre de 1914-1918, en dehors même des malheurs qu'elle avait entraînés, semblait l'avoir gravement mise en péril. Il s'agissait donc, avant tout, de s'interroger sur les conditions de son exercice. Tel fut le premier souci des surréalistes, et il est particulièrement remarquable que leur réflexion, trouvant son origine dans une réaction contre la guerre, où Breton ne voulait voir qu'un "cloaque de sang, de sottise et de boue", n'ait cependant pas porté sur la guerre elle-même. Ce qui, dès le départ, a intéressé les surréalistes, c'est plutôt de savoir comment l'esprit peut ne pas se laisser contaminer par de tels événements. Et leurs premières admirations semblent avoir été déterminées par cette préoccupation. En Jacques Vaché, on apprécie avant tout l'homme qui, grâce à l'humour, a pu se maintenir indemne. Chez Apollinaire, qui, pourtant, a chanté la guerre, on s'émerveille de voir l'esprit échapper à l'horreur par la poésie. Lorsque, beaucoup plus tard, dans La Clé des champs, Breton écrira que la beauté demeure "le grand refuge", il retrouvera cette pensée, et cette inspiration.
Humour et poésie seront toujours considérés par les surréalistes comme les moyens par lesquels l'esprit affirme son indépendance, se libère du déterminisme dont, d'autre part, la vie quotidienne accepte le poids. La folie elle-même semble pouvoir être utilisée en ce sens, contribuer à assurer le triomphe du principe de plaisir sur le principe de réalité. Breton signale l'influence qu'eut sur le développement de sa pensée un malade mental, rencontré au centre psychiatrique de Saint-Dizier, et qui tenait la guerre pour un simulacre, estimant que les blessures étaient seulement apparentes, etc. Dans les propos de ce malade il puisa l'idée première de son Introduction au discours sur le peu de réalité. Plus généralement, on peut y voir la source de son goût pour la philosophie idéaliste, qu'elle soit berkeleyenne ou fichtéenne, et l'origine de la notion même de surréalité.
L'espoir, la révolte et la révolution
Libérer l'esprit, c'est, d'abord, s'opposer à ce qui le détermine. On trouve donc, dans le surréalisme, un aspect de révolte et de négation. On a parlé, en ce sens, de nihilisme, de satanisme. Et il faut convenir que les surréalistes ont souvent semblé s'opposer à tout ordre : ils injurient Dieu, rejettent l'idée de patrie, font parfois l'éloge du crime, d'où le scandale que, souvent, ils ont provoqué. "Tout est à faire, tous les moyens doivent être bons, rappelle le Second Manifeste, pour ruiner les idées de famille, de patrie, de religion." Il importe pourtant de ne pas oublier, devant les innombrables défis des surréalistes, l'espoir positif qui en est la source. Le surréalisme n'est pas un pessimisme. Il est tout entier dominé par l'attente de ce que Rimbaud appelait "la vraie vie". Celle-ci "est absente". Il faut la retrouver.
Le surréalisme est riche en éléments "noirs". Ici se fait sentir l'influence de Sade, de Lautréamont et de maint auteur romantique. D'autre part, des sentiments de haine, de culpabilité subconsciente et de peur (Michel Leiris a insisté sur la présence en lui de ce dernier sentiment) sont inhérents à toute révolte. Mais les désirs qui inspirent le surréalisme demeurent positifs : ils engendrent l'espérance d'exister et d'aimer, l'émotion devant la bouleversante beauté, l'attente de signes donnant un sens à notre existence. Il est tout à fait caractéristique de voir, dès 1913, un poème mallarméen de Breton, dédié à Paul Valéry, interrompu par l'interrogation : "De qui tiens-tu l'espoir ? D'où ta foi dans la vie ?" Cette question ne cessera d'être la sienne et celle de tous les surréalistes demandant, par exemple, en une enquête fameuse : "Quelle sorte d'espoir mettez-vous dans l'amour ?"
La volonté de négation explique l'adhésion momentanée, en 1919, de plusieurs futurs surréalistes au mouvement dada, où ils rejoignirent Tristan Tzara. La positivité de l'inspiration et du projet explique leur rupture, deux ans plus tard, avec ce mouvement. Et, en 1924, le Manifeste du surréalisme s'ouvre par un appel à l'enfance ; oppose, à la décevante vie réelle, la "croyance", c'est-à-dire la confiance, vitale et innée, qui ne saurait mourir ; voit en l'homme un "rêveur définitif", dont, par la suite, l'imagination sera tenue pour force de réalisation et moyen de salut. Les textes de Poisson soluble, où domine une sorte de ravissement érotique, nous introduisent eux-mêmes en un climat fort différent de celui du négativisme dada.
Mais rêver n'est pas faire, et l'on ne peut, si l'on veut changer la vie, se contenter d'imaginer. Le premier mouvement des surréalistes fut de se désengager, d'abandonner un réel dont la guerre avait, en une expérience particulièrement significative, manifesté le scandale. Le second mouvement fut, au contraire, d'engagement. À l'idée de pure révolte se substitua alors le souci de la révolution.
Les rapports des surréalistes avec le Parti communiste furent un instant d'adhésion, puis de farouche hostilité. Mais les oscillations, les hésitations apparentes ne sont alors que le signe d'une tension intérieure, et irréductible. "Transformer le monde, a dit Marx, changer la vie, a dit Rimbaud, ces deux mots d'ordre pour nous n'en sont qu'un." Cette phrase de Breton résume le débat : il s'agissait pour les surréalistes d'affirmer, envers et contre tous, l'unité de deux impératifs fort différents. Il était impossible de le faire sans donner le pas à l'un ou à l'autre.
Adhérer au Parti communiste, travailler à la transformation de la société, c'était, les surréalistes s'en aperçurent vite, renoncer aux recherches proprement intérieures et au progrès individuel de l'esprit. Se consacrer à ces recherches, à ces progrès, c'était, au contraire, négliger l'activité proprement révolutionnaire. Entre ces deux tâches, les surréalistes ne parvinrent pas toujours à choisir nettement. Jamais, en tout cas, ils ne consentirent à abandonner leurs valeurs propres, à justifier les moyens par la fin, à louer, en peinture, le réalisme socialiste", à accepter, sur le plan moral, les verdicts de Moscou. Ce fut, pour eux, l'occasion de nouveaux et douloureux déchirements. Mais ce fut l'occasion d'affirmer qu'ils entendaient ne renoncer à rien de ce qui constitue l'espoir des hommes.
En réalité, le marxisme semble peu compatible avec le surréalisme. Aux yeux de Marx, le rapport fondamental de l'homme et de la nature est le travail. Pour Breton, ce rapport est fait de ravissement et d'amour. Selon Marx, l'esprit ne pourra se libérer que lorsque sera réalisée la société sans classes. Dès le Manifeste de 1924, Breton prend acte de la liberté intellectuelle qui nous est laissée : il estime que, dès maintenant, l'esprit peut, grâce à l'imagination, briser la plupart de ses chaînes, et entrevoir ce point sublime où toutes les contradictions seraient résolues. Il est donc permis de considérer, sans pour cela mettre en doute la sincérité et la volonté révolutionnaire des surréalistes, que les principes de la pensée marxiste et ceux de la pensée surréaliste diffèrent et s'opposent. Cette divergence a conduit Breton à se référer, plus encore qu'à Marx, à des penseurs soucieux de ne rien sacrifier de l'homme : son Ode à Charles Fourier en témoigne.
Le surréalisme dans les arts plastiques
Le surréalisme prolonge une tradition picturale où la rêverie, le fantastique, le symbolique, l'allégorique, le merveilleux, les mythes ont une part importante, éléments que l'on trouve dans les œuvres de Bosch, d'Arcimboldo, dans les anamorphoses, les grotesques, les préraphaélites anglais, dans les illustrations de William Blake et dans les tableaux de Gustave Moreau, des nabis, du Douanier Rousseau, d'Odilon Redon ou de Gustav Klimt. L'onirique, le choc visuel produit par la juxtaposition d'images ou d'objets incongrus, mais toujours agencés dans une oeuvre signifiante, sont l'un des fondements de la poétique surréaliste.
Les contemporains admirés par les surréalistes furent le peintre italien Giorgio de Chirico, les artistes français Marcel Duchamp et Francis Picabia, le peintre espagnol Pablo Picasso, bien qu'aucun d'eux ne fût jamais officiellement membre du groupe surréaliste. À partir de 1924, l'artiste allemand Max Ernst, le peintre français Jean Arp ainsi que le peintre et photographe Man Ray adhérèrent au mouvement. Ils furent rejoints par le peintre français André Masson et le peintre espagnol Joan Miró. Parmi les derniers adhérents du groupe figurent Yves Tanguy, le peintre belge René Magritte, l'artiste suisse Alberto Giacometti, ainsi que le peintre espagnol Salvador Dalí qui rejoignit le mouvement surréaliste en 1930.
Si elle emprunte parfois au cubisme ou à Dada, la peinture surréaliste innove toutefois en recourant à de nouveaux matériaux et à des techniques inédites. La plus connue et la plus pratiquée, en groupe, fut celle du "!cadavre exquis!" qui consistait à prendre une feuille de papier sur laquelle on dessinait, puis on pliait la feuille de telle sorte qu'on laissait apparaître seulement un bout du dessin, que le voisin continuait, lequel recommençait la même opération!; une fois le dessin déplié, on obtenait un montage d'images disparates formant une nouvelle image. L'automatisme de l'écriture sera repris par André Masson qui tenta de le retranscrire dans ses dessins, lorsqu'il peignit des lignes abstraites entre 1923 et 1924, ainsi que dans ses toiles au sable et à la colle. Ces expériences concernant l'automatisme inconscient seront également pratiquées par Max Ernst dans ses collages et frottages, ou encore par Miró dans ses toiles des années 1920.
Dalí, quant à lui, suit une méthode plus proche de la pensée psychanalytique lorsqu'il cherche à retranscrire ses phantasmes selon la méthode dite de "!la paranoïa critique!", laquelle se fonde sur une objectivation systématique des associations et des interprétations délirantes. La collaboration de Dalí avec Luis Buñuel pour la réalisation des films Un chien andalou (1928) et l'Âge d'or (1930) lança également le surréalisme dans l'art cinématographique. Les œuvres de Jean Arp, semi-figuratives semi-abstraites et souvent en bois peint, sont des œuvres biomorphiques situées entre le tableau et la sculpture!; dans ses Tableaux-poèmes abstraits des années 1920 et 1930, Miró traçait des formes qui semblaient être des adaptations des dessins exécutés par les enfants, y ajoutait des mots et des expressions, mêlant ainsi le verbal et le visuel. Enfin, les surréalistes créèrent des "!poèmes-objets!", où des objets étranges, souvent trouvés au marché aux Puces, étaient assemblés avec des textes poétiques ou découpés dans des journaux afin d'obtenir une beauté au premier abord fortuite mais qui se révélait être l'expression profonde du désir de son créateur.
Genèse de l'Art surréaliste
Le groupe des Surréalistes s’est formé à partir de l’esprit de révolte qui caractérise les avant-gardes européennes des années 20. Tout comme le mouvement Dada, auquel certains ont appartenu, ces poètes et ces artistes dénoncent l’arrogance rationaliste de la fin du 19e siècle mise en échec par la guerre. Constatant néanmoins l’incapacité du Dadaïsme à reconstruire des valeurs positives, les Surréalistes s’en détachent pour annoncer l’existence officielle de leur propre mouvement en 1924.
Dominé par la personnalité d’André Breton, le Surréalisme est d’abord d’essence littéraire. Son terrain d’essai est une expérimentation du langage exercé sans contrôle. Puis cet état d’esprit s’étend rapidement aux arts plastiques, à la photographie et au cinéma, non seulement grâce aux goûts de Breton, lui-même collectionneur et amateur d’art, mais aussi par l’adhésion d’artistes venus de toute l’Europe et des États-Unis pour s’installer à Paris, alors capitale mondiale des arts.
Les artistes surréalistes mettent en oeuvre la théorie de libération du désir en inventant des techniques visant à reproduire les mécanismes du rêve. S’inspirant de l’œuvre de Giorgio De Chirico, unanimement reconnue comme fondatrice de l’esthétique surréaliste, ils s’efforcent de réduire le rôle de la conscience et l’intervention de la volonté. Le frottage et le collage utilisés par Max Ernst, les dessins automatiques réalisés par André Masson, les rayographes de Man Ray, en sont les premiers exemples. Peu après, Miró, Magritte et Dali produisent des images oniriques en organisant la rencontre d’éléments disparates.
Leur première exposition collective a lieu à Paris en 1925. Puis le mouvement se diffuse à l’étranger pour atteindre une renommée internationale avec les expositions de 1936 à Londres et à New York, de 1937 à Tokyo, de 1938 à Paris, notoriété renforcée par l’immigration aux États-Unis de la majeure partie du groupe pendant la guerre. Le Surréalisme a ainsi profondément inspiré l’art américain : la pratique de l’automatisme est par exemple l’une des origines du travail de Jackson Pollock et de l’Action Painting, tandis que l’intérêt porté par les Surréalistes au thème de l’objet annonce le Pop Art.
Le Surréalisme est un mouvement qui se développe pendant plus de quarante ans, depuis les avant-gardes historiques du début du siècle jusqu’à l’émergence de nouveaux courants dans les années 60 : outre la peinture américaine et le Pop Art, l’art surréaliste a motivé l’apparition d’une seconde vague avant-gardiste en Europe dans les années 60, dont le Nouveau Réalisme est l’éminent représentant.
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