Mes yeux en crochets métalliques froidement ont harponné ceux du soldat,
pour l’obliger à me fixer.
Il a plaqué ses pupilles rêches sur mon front buté
en le poinçonnant du sceau infâme de sa barbarie.
Passer une main en torchon sur ce front violenté,
ignorer sur ma poitrine la pointe du fusil en gueule de chien enragé,
laisser mijoter à feu doux ma terreur de la mort,
ne pas plier les genoux en vieille affalée sur son prie-Dieu,
refouler l’image de mon corps disloqué dans un clac obscène,
les lambeaux de viande morte aspergeant l’univers d’un sang dentelé,
mes entrailles, mon cerveau, mon sexe percés à jour.
Me persuader dans un espoir stérile qu’il baissera son arme,
qu’il étouffera dans son sac en bandoulière
le feu de sa haine en buisson ardent.
Me réchauffer aux fausses certitudes qu’offre l’approche de la toute fin,
croire en la vertu de la repentance chez cet homme frustre,
jusqu’à l’ultime instant où la balle me frappe et me fauche.
Hélène Laly
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