LE REPAS DES FAUVES Centre Culturel d'Auderghem, Bld du Souverain 183 – 1160, Accueil parisien du 16/01/2012 au 22/01/2012
1942, quelque part, en France occupée, un appartement bourgeois. Circonstances « atténuantes », le SS Kaubach qui connait Victor Pélisier comme libraire de la ville, fait « une faveur » à Sophie, sa femme, qui fête ce soir-là son anniversaire. Ils pourront d’ici deux heures, parmi les sept convives, désigner les deux otages par appartement qui payeront de leur vie l’attentat de deux officiers allemands abattus ce soir-là, au pied de l’immeuble.
L’angoisse est à son comble, personne ne songe à tirer au sort. Chacun trouvera que « l’autre » est de manière évidente, bien plus apte à être envoyé au sacrifice. Que le salut viendra sûrement d’appels à l’aide parmi leurs sympathies allemandes. « … Comme de bien entendu ! » Le sujet est glaçant, le jeu de l’autorité en place est sadique et cynique. « Prenez votre temps, dit l’officier, maintenant vous avez un sujet de conversation ! » Pendant deux heures rien d’autre ne circule que la peur panique d’hommes et de femmes soudainement dressés les uns contre les autres devant le danger. De Jean-Paul, le docteur, figure respectée, au salaud collabo et pragmatique, André, en passant par Pierre, rendu aveugle lors de ses combats au front et Françoise aux sympathies marquées pour la Résistance, tous s’entredéchirent, avec une férocité grandissante, pendant que le SS parcourt d’un regard amusé les beaux livres de la bibliothèque.
Ce spectacle a obtenu 3 Molières en 2011.
Dans toute cette gravité du huis clos infernal, les adeptes d’humour noir jubileront. Le personnage d’André, pourtant fort opportuniste est peut-être le moins hypocrite d’entre eux, le seul qui ose poser les bonnes questions. Il ose asséner : «Je préfère avoir un cadavre sur la conscience qu’être le cadavre sur la conscience de quelqu’un d’autre ». Le personnage de Victor le mari est un condensé d’égoïsme et de pleutrerie qui méprise sa femme. « Tout est pardonnable quand il s’agit de sauver sa vie!» Françoise, lucide déclare « Nous sommes tous responsables… » Mais ses grands états d’âme ne vont pas plus loin que les mots. Les huit acteurs sont finement décalqués sur la bassesse, la médiocrité, la lâcheté qui les animent tous, sans exception. L’appartement cossu et net qui respire le monde de nos grands parents forme un contrepoint esthétique saisissant. Sur la large baie vitrée, des projections d’actualités, mêlées de funestes personnages de grossiers dessins animés nous plongent dans une évocation glaçante de l’horreur de l’époque. Bombardements, défilés, discours nazis. Destruction consciencieuse de la dignité humaine. Mais ce qui se passe et se dit sur scène est presque plus effrayant. Le dénouement, point d’orgue inoubliable, est un cadeau d’anniversaire terriblement héroïque.
« Tu peux sourire, charmante Elvire, les loups sont entrés dans Paris…» Les comédiens sont entrés dans leurs personnes-otages avec une vérité déconcertante. Mais comme cela fait du bien de retrouver leur traits détendus, leur réalité d’êtres humains, leurs joyeuses œillades d’artistes au moment des applaudissements à tout rompre.
mise en scène de Julien Sibre Avec Cyril AUBIN, Pierre-Jean PAGÈS, Alexis VICTOR, Caroline VICTORIA, Olivier BOUANA, Julien SIBRE, Pascal CASANOVA, Stéphanie HÉDIN, Jérémy PRÉVOST.
Commentaires
Le spectacle aux trois molières:
http://www.lalibre.be/culture/scenes/article/712079/le-spectacle-au...